A l'époque, le bodybuilding était encore rare pour les skis, même de freeride, et nos premières sorties communes étaient inévitablement émaillées de remarques sur votre taille de buffle. Vous les preniez avec plaisir, tant il était évident que rien ni personne ne vous arrivait à la cheville.
Oh, bien sûr, les années ont passé, les modes se sont succédées et maintes et maintes rivales sont arrivés sur le marché : plus légères, plus faciles, plus tendance, plus larges, plus classes...et pourtant, aujourd'hui encore, je vous regarde avec les yeux de Chimène dès lors que tombent les flocons gros comme les poings.
Car oui, ne nous mentons pas : en-dessous des 15 cm de neige fraîche, rien ni personne ne pourra vous forcer à sortir frôler le neige: lourds, lents, peu réactifs...la corvée devenant supplice dès lors qu'on ose émettre l'idée de vous sortir sur piste. Soit.
Mais si la neige se fait dense et profonde, si les conditions se rapprochent plus de l'Alaska que de la course FIS, alors...Alors les chevaux de l'Apocalypse se mettent à briller sur votre peau luisante, alors les rivières de sang qui y coulent se chargent d'un rouge flamboyant, alors les sapins se mettent à trembler et le mur du son à tressaillir. Car oui, à ce moment-là, l'Alpha et l'Omega du ski freeride rentrent en piste pour découper, annihiler, fusiller toutes les terrains (boisés ou non, rocailleux ou pas, freestylés ou freeridés) et émietter toute velléité de sortir une autre paire. A ce moment là, les lignes deviennent évidentes, les courbes nécessairement sensuelles, les vols dignes d'un Phénix : rien, plus rien ne vous arrête et vos 122 au patin s'asseyent de nouveau instantanément sur le trône du Royaume de la Profonde malgré votre grand âge.
Plusieurs fois, on a tenté de m'arracher à vous en me proposant une somme d'argent pour vous vendre à d'autres. Les fous. Vendrait-on une légende ? Briserait-on une union fusionnelle pour quelques bouts de papier sans âme ?
Dix ans après, alors que le temps finit par user toutes les relations ordinaires (mais qui oserait vous qualifier ainsi ?), mes planches chéries, je tiens à vous redire ce que je vous ai toujours dit en privé : je vous aime et je resterai avec vous jusqu'à ce que la mort nous sépare (la vôtre, quand même, si possible).
Pour qui ?
Pour les hommes qui aiment les femmes, les vraies. Ou les femmes qui aiment les hommes, les vrais.
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