Kill le Monde
Reportage
Le télémark, ski à l'ancienne, attire une nouvelle génération de compétiteurs esthètes
LE MONDE | 14.01.08 |
Il y a certains sports dont la rareté, conjuguée à un certain élitisme, fait tout le charme. Leur développement, dès lors, relève de la quadrature du cercle. Le télémark, avec son élégance désuète, est un bel exemple de cette catégorie.
De quoi s'agit-il ? De pratiquer le ski à l'ancienne - mais avec du matériel moderne - comme il se développa il y a cent quarante ans en Norvège, bien avant l'avènement des chaussures aux coques rigides. Un pied talon levé, le genou arrivant presque au contact de la spatule du ski amont, l'autre pied à plat, solidement campé sur le ski aval, le skieur de télémark offre l'image d'un danseur, silhouette déliée. Cette discipline, longtemps oubliée, a d'abord été remise au goût du jour aux Etats-Unis, avant de revenir en Scandinavie au début des années 1990, où les adeptes sont aujourd'hui plus nombreux que partout ailleurs.
Le parcours n'est pas sans faire sourire : le télémark, bel ancêtre, se retrouve aujourd'hui rangé dans les "nouvelles glisses", catégorie un peu fourre-tout, bien pratique en ces temps où les sports d'hiver se trouvent chaque année de nouvelles expressions.
Montchavin et la Plagne, stations liées de la vallée de la Tarentaise, ont offert, de jeudi 10 à samedi 12 janvier, en accueillant une étape de la Coupe du monde de télémark, une rare occasion d'apprécier cette discipline, qui se dessine donc tout en paradoxes. Ses adeptes compétiteurs, pour la plupart, offrent des profils d'esthètes : dotés d'une solide formation acquise sur les champs de course du ski alpin, ils ont bifurqué à l'adolescence, ne voulant, ou ne pouvant, s'ouvrir les portes du grand cirque blanc. "J'accueille souvent des gamins qui adorent le ski, mais qui, les jours d'épreuve, en alpin, se trouvaient toutes les excuses pour ne pas aller se frotter aux piquets, qui refusaient vraiment la compétition, explique Sébastien Mansart, l'un des deux entraîneurs de l'équipe de France, qui officie aux Houches. Avec le télémark, comme par miracle, ils ont trouvé un terrain qui leur plaît."
Philippe Lau, 21 ans, vainqueur de l'une des trois épreuves disputées durant le week-end - une première en Coupe du monde pour un Français -, raconte une histoire personnelle exemplaire : "J'en avais vraiment marre de l'ambiance de l'alpin, et je me suis blessé au moment où j'aurais pu intégrer la section sport-études du lycée de Moutiers. Le télémark m'a ouvert une autre voie."
En France, la discipline vit avec des bouts de ficelle. La fédération de ski lui alloue un budget annuel qui n'excède pas 10 000 euros. Avec les déplacements, le coût d'une saison, pour un seul athlète, est pourtant d'environ 7 000 euros. La plupart, les sponsors étant rares, payent la majeure partie de leurs poches - ou de celles de leurs parents.
Le format de compétition est spectaculaire. Un parcours de slalom géant, coupé d'un saut, agrémenté d'un ou deux "loom(s)" - un virage à 360 degrés réalisé à pleine vitesse - et d'un ou deux parcours en skating, sur plat ou en légère montée. Le tout est assez ludique et franchement "casse-pattes". Diverses pénalités sont prévues pour qui ne respecteraient pas les gestes ondulants du télémark et serait tenté d'utiliser ses skis à la manière des alpins.
"ETAT D'ESPRIT"
Léo Pavelic, 16 ans, est l'un des espoirs tricolores. Petit prodige de la glisse, il a la chance d'être suivi depuis son enfance par un sponsor qui n'est pas rebuté par le télémark. Il construit, lui, son parcours en dehors des sentiers battus, épousant l'air du temps qui voit les équipementiers communiquer sur les grands espaces, de glace et de poudreuse. Sa vie suit son cours sur les cimes, à l'écart de tout carcan - il n'a jamais été scolarisé, suivant des cours par correspondance qui lui permettent aujourd'hui d'être en première scientifique. Chaque été, avec son père, il part en expédition en Himalaya, pour des sessions d'alpinisme et de ski extrême. Il détient ce qui semble être un record de précocité : à 9 ans, il a gravi un 6 000 mètres. "Le télémark, c'est avant tout un état d'esprit, une ambiance", sourit-il.
Dans les différentes étapes de la Coupe de France, il n'est pas rare d'observer des courses où se côtoient des enfants et des "anciens", des sportifs de haut niveau et des amateurs à peine éclairés. Le charme opère, mais les organisateurs et les meilleurs, qui veulent lutter contre des adversaires souvent mieux lotis, cherchent des fonds. En Norvège, certaines compétitions sont diffusées à la télévision en direct.
Un avenir financier radieux passerait par une présence olympique. "Ce sera long, mais ce n'est pas impossible", affirme Anthony Favre, responsable de la discipline à la FIS, la fédération internationale. Le télémark, discipline de tradition, ne veut pas être une simple mode.
Pierre Jaxel-Truer
Jean-Baptiste Grange en tête de la Coupe du monde de slalom
Jean-Baptiste a pris la tête de la Coupe du monde de slalom après sa victoire à Wengen, en Suisse, samedi 12 janvier. La veille, le skieur français s'était imposé dans le super-combiné. Depuis le début de la saison, Jean-Baptiste Grange, 23 ans, a remporté trois épreuves de Coupe du monde. Bode Miller a, lui, signé son deuxième succès de la saison en remportant la descente de Wengen devant le Suisse Didier Cuche. Cette victoire permet à l'Américain de prendre au Suisse la deuxième place du classement de la Coupe du monde, toujours dominé par l'Autrichien Benjamin Raich. Jean-Baptiste Grange occupe, lui, la 5e place.
Article paru dans l'édition du 15.01.08
inscrit le 01/12/02
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