20 Janvier 2025... Demain soir, je serai de retour au Japon.
Par une audacieuse compression du continuum espace temps, c'est aussi le moment que je choisis pour publier mes souvenirs de l'édition 2024 de ce qui semble bien prendre la direction d'un pèlerinage annuel : pas loin de 3 semaines à Hokkaido en février de la saison passée, à chercher la neige mais pas que. Loin s'en faut.
Ce voyage aura été encore une fois une collection d'instants très différents mais impossibles à dissocier. Un ensemble hétéroclite que je restitue volontairement pêle-mêle ici. Attention, c'est long, c'est dense, et ca se visionne mieux sur un bel écran que sur smartphone (en attendant de mettre tout ça sur le papier). Et on se retrouve bientôt pour l'édition 2025, à suivre en quasi direct cette fois-ci (ou pas).
Le projet de départ, c'est pas vraiment de projet : prendre la route pour un trip en solo intégral dédié à l'exploration photographique des coins les plus improbables de l'ile du nord (y'a de quoi faire). Il y a tant à voir, à explorer, à déguster, à photographier dans ce pays que je ne peux me résoudre à passer trop de temps sur la neige, aussi bonne fut-elle. Je ne suis pas blasé, j'aime toujours autant la poudreuse mais mes priorités photographiques ont changé et ne sont -pour l'instant- plus compatibles avec un pur ski trip à l’ancienne, pas plus que des compagnons de ride ne pourraient s'accommoder de mes incessants détours. Bon, cela étant dit, "plus la priorité" ne veut pas dire "plus du tout au programme" et en dernière minute on se cale avec mon pote Tatsuya Tayagaki, ancien skieur pro, journaliste et désormais entrepreneur à la cool dans le milieu du ski (on y reviendra). Il me rejoint depuis Hakuba pour quelques interludes poudreux, izakayas et pichets de saké. Kanpai !
En 2023, Skibex , shooté dans la région du Tohoku, aura sans doute l'article sur le Japon le plus lu de l'histoire de Skipass.com. Voilà donc un thème de plus pour mes errances japonaises, comme si j'en manquais.
Complètement par hasard, à quelques centaines de mètres d’un spot que j’avais repéré pour de la photo de paysage, caché des regards dans une forêt qui a repris ses droits : un télésiège abandonné.
Il desservait deux pistes, et une modeste centaine de mètres de dénivelé, ses sièges ont tourné pour la dernière fois en 2010. La plus grande surprise sera de tourner la poignée de la porte de la cabine de départ pour constater qu’elle était ouverte, et que rien n'avait été dégradé. Le Japon... Tout est abandonné ici depuis plus de 10 ans : les dameuses, le bâtiment de front de neige et le télésiège (avec encore les clés sur le panneau de commande)… jusqu’au magazines de charme pour les perchman…
Comme toujours, motus et bouche cousue sur la localisation de ce petit bijou.
Premier jour de ski du trip, il pleut quand nous quittons l'hôtel à Asahikawa, à une grosse heure de voiture de là. Dans de telles conditions, Asahidake est un choix assez sûr, le pied des "pistes" se situant à l'altitude quasi himalayenne de 1100 mètres... Et oui, pour comparaison le haut des pistes de Niseko est à 1156 m, le pied à 270m, alors que le bas des pistes de Kiroro est aux alentours des 500 mètres...
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle Asahidake enregistre régulièrement des accidents : à 1600 mètres d'altitude, les tempêtes sont violentes, les repères rares... Si l'on se perd, sans connectivité, avec des quantités de neige rendant tout déplacement problématique, cela peut vite mal tourner.
Avec son unique téléphérique, ses nombreux Onsen et son ambiance si particulière, Asahidake est clairement depuis notre premier rendez-vous en 2008 mon plus gros coup de coeur à Hokkaido, même si je me montre volontiers infidèle. Rien n'a changé depuis d'ailleurs (si ce n'est la fréquentation).
Bien pour une reprise, même si j'ai connu meilleures conditions lors de mes précédents passages.
Le bus abandonné dans la neige, c'est une des séries photographiques sur lesquelles je travaille depuis quelques années. Rescapés en sursis d'un autre temps, témoins de l'abandon des territoires ruraux du Japon, ils ne seront pas éternels, le temps presse (un peu). La collection s'étoffe, au hasard des kilomètres parcourus sur les routes secondaires. La moisson 2024 aura été plutôt bonne ! (4 bus différents dans ce portfolio plus un rare spécimen de bus bleu, malade sans doute)
Ca faisait longtemps, ma dernière visite remontait à 2010 je crois. Nous sommes un samedi, et le Week-end, il y a vraiment du monde, d'autant plus quand il fait beau et qu'il a neigé la nuit. Du coup, nous nous contentons de quelques rotations avec la mer en arrière plan, sans vraiment avoir le temps de prendre de photos, vous nous excuserez.
Souvent très très enneigée, Kiroro mérite pourtant qu’on s’y attarde et qu’on y randonne. Le potentiel est énorme, les forêts terriblement photogéniques et la station est facilement accessible depuis Sapporo, ou mieux Otaru. En revanche, la montée en gamme est claire, comme en attestent les tarifs de la cafétéria et les profils croisés dans les files d'attente. Attention à la Nisekoisation de cette partie du Japon, surtout avec le Shinkansen qui devrait arriver jusqu’à Sapporo via Otaru vers 2030, ouvrant des possibilités incroyables de ski trip à haute vitesse depuis Tokyo. Mais quoi qu'il en soit, Kiroro reste une valeur sûre...
si on devait donner un nom à ce run : Chupa Chups
Les media parlent beaucoup du sur-tourisme au Japon. Mais ce phénomène est extrêmement localisé et ne concerne que quelques spots (Tokyo, Kyoto, Osaka en gros) qui concentrent l'essentiel des flux et problèmes. Partout ailleurs au Japon, la réalité est toute autre : démographie en chute libre, exode rural et crise financière des années 80 ont contribué à une réelle désertification du territoire. Pour y avoir passé une partie de l'été en famille, nous avons surtout été exposés au sous-tourisme. Aux quatres coins du Japon, vous croiserez grands hôtels abandonnées et villes semi-désertes, parking immenses aujourd'hui vides qui rappellent qu'un jour les touristes devaient être légions... Sur Hokkaido, le phénomène a été amplifié par la fin des nombreuses mines de charbon. Pour donner un ordre de grandeur, une des villes représentées ci-dessous a ainsi vu sa population passer en quelques décennies de 70 000 à 12 000 habitants.
Imaginez votre ville perdre 80% de sa population, et ce qu'il adviendrait des infrastructures... Tous les bâtiments présentés ci-dessous sont abandonnés.
A priori l'un des meilleurs domaines d'Hokkaido, mais je n'y ai jamais eu de chance. Cette année encore lors de mon passage les conditions étaient moyennes, sans neige fraiche récente (comme en témoigne le neigeomètre de Skiday, la boite que Tatsuya a créé et qui - entre autres - installe ce dispositif couplé à une webcam en station).
une salle de Pachinko (sorte de machine à sous extremement populaire au Japon) abandonnée au milieu des plaines enneigées du centre d'Hokkaido... Le type d'images que je suis venu chercher.
Alors que les brefs épisodes pluvieux font partie du paysage sur Honshu (l’ile principale), ils sont plus rares sur Hokkaido et je n’en avais jamais expérimenté au coeur de l’hiver jusqu’à ce mois de février 2024. C’est la loterie de la poudreuse, où que l'on soit dans le monde : 1 semaine avant c’était épique, le mois qui suivit fût glorieux. Ainsi va la vie mais gardez en tête une chose : le concept d’une « mauvaise » semaine neigeuse est à relativiser ici, surtout si vous êtes mobiles et disposés à mettre les peaux, comme cet article devrait le prouver. La disette ne dure jamais bien longtemps, et vous trouverez sans peine de quoi occuper un éventuel day off (qui a plus de chance d'arriver en raison d'un blizzard trop violent d'ailleurs).
Je saisis le paradoxe de s'inquiéter d'un phénomène, possiblement rattaché au changement climatique (je dis "possiblement" car je ne connais pas les spécificité du climat local), tout en contribuant par ma seule présence au dit changement. Je ne vais certainement pas le nier, ni chercher une vertu cachée à mes expéditions nippones. Je n’ai pas de solution à proposer, d’autant que j’ai conscience que les efforts du quotidien pèsent bien peu face à un aller retour au Japon.
Tatsuya est fort : il réussit à m'offrir l'expérience la plus authentique de ce trip dans la station la plus bling du Japon, celle que j'évite soigneusement année après année.
Alors que beaucoup de stations de ski se meurent au Japon, Niseko a connu un développement exponentiel (en grande partie due aux investissements australiens) et une montée en gamme constante au fil des années. On y entend peu parler japonais, on pourrait être dans une station du Colorado si ce n'était la vue sur le Mt Yotei.
Tatsuya s’extasie devant les tarifs des food trucks, qui ont fait la une des media nationaux : ici tout est deux à trois fois plus cher qu'ailleurs. Plus de 3000 yens le bol de ramen (20 euros), ca peut sembler correct our un gaijin habitué aux prix de chez lui, surtout quand on considère la qualité, mais le vrai tarif au Japon, c'est entre deux et trois fois moins. Un vendeur lui fait signe et lui indique discrètement que comme il est japonais le tarif sera différent...Mais ce succès n'est pas du au hasard, il faut aussi rendre à Niseko ce qui appartient à Niseko : un des meilleurs greniers à poudre du Japon, un des meilleurs terrains (pour lequel il faudra vous lever tôt) et une longueur d'avance dans la gestion du risque d'avalanche. Et c'est pour ce dernier point que nous sommes là.
Akio Shinya est un personnage haut en couleurs, himalayiste accompli, pote de Yvon Chouinard et surtout le Mr Neige et Avalanche de Niseko depuis plusieurs décennies.
Chaque nuit de l'hiver, alors qu'il fête ses 77 ans cette année, il a rendez-vous avec la montagne pour une discussion en tête à tête, de laquelle découlera son fameux bulletin. Diffusé avant l'ouverture des remontées, il servira de base aux décisions d'ouvertures des fameuses gate, les accès qui autorisent -ou interdisent- l'accès au domaine hors-piste de Niseko.
L'ascension pourrait se faire dans le confort de la cabine chauffée mais il n'en est pas question pour Shinya-san. Cette exposition aux éléments est volontaire, nécessaire pour s'imprégner des conditions. Quasi mystique.
Akio Shinya tient une petite guest house rustique à Niseko Moiwa : Le Woodpeckers, une cabine en bois avec quelques dortoirs simples qui transpire l'amour de la montagne, et contraste fortement avec le bling de Niseko. A 9000 yens (60 euros) la nuit en demi-pension, on est loin aussi des tarifs habituels de la région.
Et franchement, qui ne rêverait pas d’un tel triptyque dans son salon?
Ah, la pièce de résistance ski de ce cru 2024… Du ski sauvage 100% 🇯🇵 . Le redoux n'est déjà plus qu'un mauvais souvenir, nous retrouvons 2 potes de Tatsuya (fort skieurs forcément) pour une belle rando par delà le Mont Kurodake, le genre de mission uniquement possible par beau temps. Rarement donc. Et ce sera d'autant plus rare en 2025 que le téléphérique (indispensable) n'ouvrira pas cet hiver avant début mars, en raison d'opérations de maintenance. Et oui, l'hiver pour un téléphérique dans ce coin là, c'est la période creuse, bien loin des fréquentations de l'été ou de l'automne.
Mais comme souvent, les nuages ne sont pas partis tout seuls : la journée est très venteuse est nous devons revoir nos ambitions à la baisse à cause du boulet de français qui s’est dit en partant « bah, des couteaux à Hokkaido, pourquoi faire? ». Erreur. Safety first, nous faisons donc l’impasse sur la longue traversée glacée (et oui, le vent...) en devers qui nous aurait offert les meilleures lignes. Mais l'itinéraire de repli est excellent : tout poudre froide qui vole, jusqu'à la voiture. Pas trop le temps de s'arrêter pour les photos. Après le (long) sauvetage d’une infortunée américaine qui s’était a priori tout arraché dans le genou (gardez en tête qu'il n'y a ni pisteurs ni secours ici), nous nous dirigeons vers le très bon onsen communal de Sounkyo, à quelques pas de la gare aval du téléphérique. La journée s'achève en beauté devant un fantastique bol de ramen sur le chemin du retour (Asahi Shokudo à Kamikawa, je balance les spots). Une très belle journée.
il nous aura fallu nous y reprendre à 3 reprises pour accéder à ce petit Yakitori (resto de brochettes) à Asahikawa. Les restos japonais fonctionnent la plupart du temps avec des stocks limités, renouvelés chaque jour. Et quand y'en a plus, ben y'en a plus même à 17h, ce qui arrive souvent avec les petits établissements prisés des locaux. Osez pousser la porte !
Asahikawa est, je le répète année après année, le camp de base idéal pour explorer le centre d'Hokkaido : ses innombrables itinéraires de ski de rando dans le parc du Daisetsuzan et les nombreuses stations (petites et "grandes") dans un rayon d'1h30 de voiture... Y'en a pour tout le monde et l'expèrience est bien plus authentique / riche que si vous séjournez en station (ce qui est rarement possible d'ailleurs). Ca commence d'ailleurs à se savoir : les prix augmentent et surtout la disponibilité se fait plus rare dans les hôtels de la ville. Pour résumer : Asahikawa, c'est Grenoble avec de la neige dans les rues, des sushis à la place des tacos et sans les règlements de compte.
Avec Tatsuya les bons tuyaux, nous avons posé cette année nos ski bags à l’hôtel Omo7, un hôtel qui a décidé de jouer à fond la carte de ce nouveau positionnement "Ski Town" d'Asahikawa et qui nous accueille pour quelques nuits. Ici, tout est pensé pour les skieurs et snowboarders, à la fois japonais et étrangers : Wax Bar 100% gratos dans le hall avec le choix entre des dizaines de farts, ski-room chauffée pour sécher son matos, infos en direct sur les conditions dans les stations... Encore plus fort : vous pouvez acheter vos forfaits à l'hôtel et des navettes gratuites sont proposées directement au départ de l'hôtel vers ces stations. Le tout dans un design moderne ultra soigné, avec expo de skis dans les espaces chill, photos, beaux livres... Et la cerise sur le gateau, c'est le buffet de petit déjeuner incroyable, ultra copieux et ultra bon qui vous tiendra toute la journée (au moins jusqu’aux ramen du gouter). Ca change du konbini. Le soir venu vous avez à portée de pieds toute la variété des petits restos d'une "grande" ville japonaise (la ville fanfaronne sur 2000 restaurants). Bref, on a beaucoup aimé le concept et sa réalisation (mais je vous conseille quand même de compléter l'expérience avec des hébergements plus traditionnels perdus dans la montagne )
2 Commentaires
Il va me falloir du courage pour continuer la lecture.
Bon voyage!
bon voyage
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