Une fois sous nos pieds, dans la neige, un ski se fait oublier... Pourtant pour arriver là, le chemin fut long et semé d’embûches : conception, fabrication, vente et recyclage. En quatre reportages, nous allons suivre la vie d’un ski. Partie 1 : la conception. Trois skis (Tornado TI, Crusair et Corvus) révèlent les secrets de leur naissance. Chaque marque a sa méthode pour concrétiser, à coup d’allers-retours de prototypes entre terrain et atelier, ce qui n’est au départ qu’un coup de crayon sur un papier...
Le bon matos fait-il le bon rider ? A travers les articles et reportages de ce nouveau magazine, nous allons essayer de mieux comprendre comment fonctionne notre matos : sac à dos, fixations, chaussures de ski, vêtements, skis à cambres inversés, fabrication d’un ski, etc... Le but est de vous aider à identifier les points clés d’un produit, les critères sur lesquels il faut être particulièrement attentif lors de l’achat... mais aussi expliquer, vulgariser, décrypter ces objets qui font notre sport.
Une fois sous nos pieds, dans la neige, un ski se fait oublier... Pourtant pour arriver là, le chemin fut long et semé d’embûches : conception, fabrication, vente et recyclage. En quatre reportages, nous allons suivre la vie d’un ski. Partie 1 : la conception. Trois skis (Tornado TI, Crusair et Corvus) révèlent les secrets de leur naissance. Chaque marque a sa méthode pour concrétiser, à coup d’allers-retours de prototypes entre terrain et atelier, ce qui n’est au départ qu’un coup de crayon sur un papier...
C’est un ski particulier puisque c’est le tout premier, le modèle-phare qui doit exprimer l’identité de cette nouvelle marque. “On a mis un moment pour obtenir ce qu’on voulait, explique Camille Jaccoux, l’un des fondateurs. On avait imaginé le ski idéal sur le papier, un ski pour du freeride de tous les jours. On est allé voir des fabricants, on a crée un moule puis testé une première série de protos, en deux ou trois versions (noyau et flex différents). En général, nous avons besoin de trois série de protos et quand on fait évoluer un modèle existant, on en ressort une ou deux séries. On a un processus de mise au point plus flexible que les grandes marques. Si on veut sortir un ski rapidement, on peut, on n’a pas à le soumettre à vingt personnes, cela dit, derrière il ne faut pas oublier qu’il y a des agents et des distributeurs, il faut des produits qui se vendent.”
Le Crusair est un bon exemple de la méthode d’Hervé Maneint, qui gère l’équipe de conception des skis Scott. Ce modèle répondait à un manque identifié par deux canaux différents. D’abord “les retours de copains qui faisaient de la montagne engagée et qui avaient du mal à skier dans les grandes pentes avec des skis de rando”. Puis “des signes dans le marché que j’avais identifié depuis quelques années : par exemple les pros qui, pour satisfaire leur clientèle, combinent héliski, rando et ski avec forfait, pour leur offrir une plus large expérience de ski”. De cette analyse est né le Crusair, “un ski léger qui se comporte bien à la descente. Quand un modèle est validé (par le marketing, le management, les ventes), j'ai déjà en tête les proportions du ski : la forme (“l'outline”), le rayon de courbure (10 m, 30 m ?) et la largeur au patin. Ensuite, notamment pour la construction, je m'inspire d'acquis, car depuis dix ans on a développé tel rayon, tel relevé de spatule adapté à telle pratique.”
Le ski est concrétisé sous forme de dessin technique, puis commencent les “aller-retours avec mon ingénieur, un Slovène avec qui je bosse depuis dix ans. Il s’appelle Primoz, c’est un Geo Trouvetou qui a longtemps travaillé dans le snowboard, un autodidacte très expérimenté qui peut prototyper dans sa cave. Je lui transmets mon ressenti, mes sensations terrain et il traduit. Ensuite vient la phase de prototypes fabriqués dans l'usine Fischer. J'arrive avec le projet complet et ils me disent si c'est techniquement possible ou pas. Ces projets sont mis dans un calendrier de développement qui s'étale de février à septembre. On étudie la faisabilité, les outillages, les moules.
Le premier moule sert d'étalon sur une taille donnée avec deux types de constructions et une seule dureté de flex. Les premiers protos arrivent et tout de suite je les tourne sur la neige. Je me cache, je teste seul, pour ne pas impliquer des testeurs dans un premier niveau de proto. J'ai un objectif, je sais où je veux aller. Trop de cuisiniers dans la cuisine, ça ne marche pas ! Si tu mets trop de niveaux de validation c’est que tu n'es pas sûr de toi... et il faut être sûr de soi pour prendre un risque”.
Ensuite c’est le feu vert. “Je le donne pour une taille. On construit une pré-série d’une centaine de paires de ski qu’on soumet à des tests de qualité très pointus (stabilité de construction, de claquage, de casse, de déformation, les skis passent dans des frigos à -30°; subissent des contraintes de stress...). On règle aussi les problèmes d’industrialisation : ski qui ont des dépressions, mal moulés, avec des bulles d'air)”.
“Nous avons un groupe de 5 à 6 personnes qui se réunit régulièrement pour réfléchir aux axes stratégiques de développement : où est-on forts et faibles (le carving sur le marché US par exemple), comment s'adapter au marché de la location. Comment traiter le marché femme qui connaît une croissance à deux chiffres ?”, explique Denis Levet.
Ainsi est né le best-seller de la marque, entre l’Europe et les Etats-Unis, sur la base d’un cahier des charges précis : “nous voulions un ski américain et français pour skieurs de plus de 30 ans, cherchant un produit toutes-neiges avec de la performance, un caractère alpin et un comportement sur le dur irréprochable (pas de compromis comme dans le freeski). Ses deux concurrents étaient le Recon de K2 (un cruiser américain qui se conduit comme une grosse Ford) et l'AC50 de Völkl (la performance allemande, une Audi)”.
Le prototypage est réalisé dans l’usine miniature d’Annecy qui a les mêmes machines, matériaux et process que celle d'Atomic (où seront fabriqués les skis dans la phase industrielle). “On développe une taille complète (souvent la seconde plus longue) et on se donne les quatre mois d'hiver pour mettre au point le ski. Une fois le ski débuggé dans une première phase de R&D, on ajoute la “saveur” du marché : un américain de 120 kg sur la neige du Colorado ne skie pas comme un Français, par exemple, il aime les comportements "camion", lourds, posés, peu incisifs. Le Tornado Ti a ainsi nécessité une vingtaine de protos”.
Il y a trois feux verts nécessaires pour que le ski entre dans la phase suivante : “feu vert de comportement (qu’il soit conforme au cahier des charges), de design et d’histoire (qu'est-ce qu'on raconte sur ce ski ? Car l’influence du vendeur en magasin est clé, par exemple on fera apparaître le titane dans une fenêtre transparente)”. Une fois ces trois aspects validés, le modèle est transféré en avril à Atomic dans les usines d’Autriche et de Bulgarie.
C’est la deuxième phase qui commence, l’industrialisation, à suivre dans le prochain article
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Un commentaire
Mais le marché du ski est devenu très (trop?) fragmenté : slalom, géant, freeride, backcountry, snow park .... Cela a certainement contribué à l'inflation des prix des skis car les économies d'échelle semblent moindres. Les gens n'achètent plus de skis.
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