Salut à tous
A la demande quasi-unanime des snowboarders alpins qui fréquentent le forum (ils sont 3 ou 4... ) je crée le topic officiel du film Hard Attack sortit en 1994. Je cite messire sur un autre topic, en le remerciant pour cette parfaite introduction que j'aurais pas osé écrire moi-même:
"j'en profite pour dire que ca serait sympa que tu fasses un post dédié à Hard Attack avec l'histoire de cette vid qui a marqué bcp de monde...y compris aux US dans la communauté "alpin"....en racontant le pourquoi du comment et les anecdotes si il y en a! Merci et j'ai perdu la VHS donc si tu as une version propre ca serait magique!"
En préambule à l'attention des jeunes qui s'égareraient sur ce topic je précise qu'à une époque lointaine le snowboard alpin a été jeune et rebelle (si, si...). Avant que de consternants besogneux ne l'enferment dans une utilisation exclusivement carvesque sur piste, avec si possible des piquets en travers pour se battre contre. Ce film avait la modeste ambition de montrer qu'il est possible de s'amuser avec des chaussures de Goldorack, ce d'autant plus que tout ce qu'on perd en aisance on le gagne en vitesse.
Allez, je mets la vidéo et après je raconte:
youtube.com
Rappel du contexte: nous sommes en 1992, et le snowboard entame sa 2° grande mutation. Après les années poudreuse/footstraps/ailerons (1980/85) et les années alpin/asymétrique/Vitelli débarque des US la tendance softboots qui va s'installer durablement. En particulier sous l'influence de la mythique vidéo "Snowboarders in exile" sortie en 1990 ou Damian Sanders et ses potes vont grandement aider à développer l'identité skate/freestyle qui sera celle du snowboard la décennie suivante.
Mais sur le terrain on en est pas encore là: les 2 communautés cohabitent d'autant plus facilement qu'on considère faire le même sport, et que le programme est le même pour tout le monde: faire le con avec ses potes, à base de poudreuse et de jumps chaque fois qu'on en trouve, entrecoupées de conduites plus ou moins vittelisées sur la piste. Les planches sont encore très proches, à des années-lumière de l'hyper-spécialisation de chaque discipline qui suivra: les coqueuses sont directionnelles et capables de performances très correctes sur piste (rien d'autre que des all-mountain actuelles), et les plaqueuses sont encore larges avec des angles raisonnables qui leur autorisent aussi des prestations très correctes ailleurs que sur piste. Rien d'autre que des freecarves actuelles, sans la spatule arrière qui apparaitra un peu plus tard sous l'influence des coques.
Il est d'ailleurs assez amusant de constater que la superstar absolue de "Snowboarders in exile" Damian Sanders ride avec des plaques, ce qui lui permet des amplitudes largement supérieures à ses potes sur les modules encore approximatifs de l'époque sans lui empêcher un style à faire pâlir d'envie bien des coqueux. Le stance ridicule avec lequel on ride à cette époque limitant la gêne des hardboots en ce domaine.
Mais ce sera l'ultime soubresaut: dans la lignée de"Snowboarders in exile" vont débarquer une flopée de vidéos sur le même modèle ou les plaques seront définitivement bannies. Sanders lui-même virant sa cuti dès le 2° opus sortit l'années suivante "Critical conditions" en commençant à rider avec des coques, ce qui coïncidera de manière assez troublante avec la fin de sa carrière express même si il y a peut-être d'autres raisons que j'ignore...
A cette époque je suis saisonnier aux Arcs, ou je partage mon temps entre petits jobs, beaucoup de ride et des débuts dans la vidéo. Plaqueux acharné moi-même je contemple la tendance s'installer avec d'autant plus de consternation que je suis convaincu qu'il est possible de faire des choses tout aussi spectaculaires avec des plaques, il suffirait pour ça de trouver des riders avec un niveau suffisant...
Et puis un jour je rencontre Anthonin Lieutaghi par connaissances communes. Il effectue un service civil comme moniteur de ski à l'Auberge de Jeunesse de Seez et court en championnat de France de snowboard alpin à un niveau honorable sans être exceptionnel. Par contre en freeride il déchire tout: une énergie débordante combinée à un équilibre naturel exceptionnel et peaufiné à l'école de cirque Annie Fratellini, et un sens du spectacle inné lui permettent des prestations sans aucune commune mesure avec l'ensemble de ses semblables.
Dès que je le vois je me dis qu'il est l'homme parfait pour venir à la rescousse de l'alpin. Mais à ce moment je ne suis pas encore vraiment décidé: outre le fait que je n'ai aucune idée de la façon dont on produit et surtout distribue un film, je reste sensible aux éternels pisse-froid de l'humanité qui m'assurent que le snow alpin est mort et enterré, et que si je veux vendre des cassettes il est indispensable de faire un film de freestyle comme tout le monde. Ca sera bien la dernière fois de ma vie que je les écouterai...
On commence donc à tourner dans des conditions d'autant plus amateur que je n'ai pas d'idée précise sur l'utilisation finale, juste une forte adhésion personnelle au style et une certitude qu'il y aura toujours quelque chose à en faire. On tourne pendant sa pause de midi en mangeant un sandwich sur le télésiège, quand il peut se libérer il nous rejoint sur des sessions jumps que j'organise pour des clients, et je l'accompagne sur quelques courses ou on profite du laps de temps entre son passage dans les piquets et la proclamation des résultats pour engranger des images au hasard des conditions rencontrées sur place...
En fin d'hiver je dispose d'un stock suffisant pour produire un petit 8 minutes que je distribue à quelques dizaines d'exemplaires sans autre ambition qu'en faire profiter les amis et l'aider à démarcher les sponsors. Et quelques jours après je reçois un appel d'Eric Gros, big boss d'Hawaï Surf à Paris, qui me dis "j'ai vu ton film, je voudrais bien des cassettes pour les vendre dans mon shop". Un peu interloqué je lui réponds "mais il n'est pas prévu pour être vendu, il fait que 8mn, y'a même pas de couverture et j'ai pas les droits sur la musique". Et il me répond "c'est pas grave, envoie-moi 10 cassettes et en les vendant un peu moins cher que les autres je suis sûr que je les vends".
Je m'exécute sans trop y croire, et une semaine après il me rappelle en me disant "j'ai vendu toutes les cassettes, j'en voudrais bien 10 autres".
C'est là que j'ai vraiment compris qu'il y avait un potentiel et que j'ai donc décidé de produire mon film l'année d'après, en y consacrant une 2° saison de tournage.
La 2° saison a été un peu plus pro: Anthonin avait finit son service civil et était plus disponible, et on a pu organiser plusieurs journées complètes de tournage. Avec parfois d'autres riders comme Christophe Ségura et David Ruel. Mon principal soucis étant de tenir sur la durée, chose pas évidente à priori:
- Les standards d'époque directement issus des films de ski des années 70 imposent des films d'une heure et demi, constitués pour bonne partie d'interminables interviews nasillardes que tout le monde passe en accéléré pour rejoindre les séquences de ride. J'ai donc décidé que mon film à moi ne comporterait que du ride et des âneries rigolotes, tout autant pour s'éviter de le regarder la zappeuse à la main que pour que tout spectateur tombant sur n'importe quelle partie soit accroché immédiatement.
- Je ne dispose que d'un rider vraiment vendable, les autres assurant des prestations certes intéressantes mais pas suffisantes pour l'effet coup de poing que je veux absolument.
- La tendance trash d'époque "impose" un montage hyper cut qui s'accorde parfaitement avec l'objectif d'intensité extreme, mais limite d'autant la durée totale.
- Mes rushes sont pourris d'erreurs de débutant en vidéo, qui imposent encore d'y couper au plus court dedans pour ne garder que les parties ou l'action fait oublier les errements techniques.
Au final le film est donc une compilation de tout ce que j'ai pu engranger dans ma jeune carrière ayant plus ou moins de rapport avec du snowboard alpin. La partouze de chiens d'ouverture j'y suis tombé dessus lors de mon tout 1° film de séminaire d'entreprise aux Arcs. La séquence avec la nana en string est un photo-shoot pour les cartes postales sexy très en vogue à l'époque. Et la session softboots avec Axel Pauporte provient de la mythique "Kébra Classic" du 14 juillet 1994 à Tignes dont j'assurais la couverture vidéo. Avant de me dire que je pouvais utiliser les images pour faire un parallèle hard/soft, ce qui était d'autant plus raccord qu'Axel a toujours été le plus alpins des coqueux, un des rares pros à utiliser des steps-in.
Le plus gros regret concerne l'absence du jump d'hélicoptère qui fait la couverture, personne ne m'ayant prévenu de son organisation pour un poster Newlook (magasine sexy/homme moderne aujourd'hui disparu).
Et pour rendre à César ce qui lui appartient, le titre n'est pas de moi. J'avais prévu d'intituler le film Anéantis, en clin d'oeil au snowboard à coques qu'il était supposé anéantir. C'est Frank le boss d'X-trème vidéo qui en assurait la distribution qui suggèrera Hard-Attack plus international à son sens. Il avait parfaitement raison.
Voilà pour l'essentiel. En dépit de tous ses défauts qui m'arrachent les yeux aujourd'hui le film remplira une bonne partie de ses objectifs:
- Connaitre un certain succès dans le monde entier
- Nous rapporter un peu d'argent
- Et surtout nous ouvrir à tous les 2 de multiples portes pour nos avenirs respectifs.
Il demeurera d'autant plus mythique que ce sera un one-shot: la suite envisagée n'existera jamais, tout autant pour cause d'emplois du temps respectifs désormais bien chargés que parce que la jeunesse s'enfuyant aussi j'ai rapidement compris qu'il n'y aurait pas moyen de faire mieux en terme d'action. Et Anthonin passera lui-même aux coques vers 1996...
Mais du coup le film se vendra pendant plusieurs années. Il tournera en boucle au pub branché de Tignes pendant 10 ans, ou j'ai entendu parler d'un habitué tellement fans qu'il le connaissait par coeur et annonçait à chaque séquence ce qui allait se passer dans la suivante!
Par contre pour ce qui est d'enrayer la montée en puissance des coques, ça sera franchement raté... Mais 25 ans après j'y crois toujours, et d'autant plus que les jeunes actuels redécouvrent les joies du carving après avoir contemplé toute leur vie les conduites approximatives de leur vieux c... de père dans ses coques. Reste plus qu'à leur faire comprendre que pour ça on a jamais rien inventé de mieux que des plaques. En plus pour eux ça devrait être moderne, ils en ont jamais vus...
skipass.com
En conclusion je précise que tout ce que j'ai pu dire sur l'époque n'a aucune prétention scientifique et ne relève que de mes souvenirs personnels. Tous ceux qui ne l'ont pas vécue exactement de la même façon et souhaitent apporter des précisions ou des contradictions sont fortement invités à le faire, ça enrichira le sujet. Et si certains ont encore des questions, aucun soucis: radoter sur sa jeunesse disparue c'est ce que préfèrent tous les vieux croutons...
Bon ride à tous, quelles que soient vos préférences. Et vive le snowboard !!!
inscrit le 15/03/19
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