Fin janvier 2022 : skipass.com s'embarque pour un road-trip à la découverte des trésors des Hautes-Alpes. 8 destinations, 8 journées de tempête de ciel bleu en plein milieu de la saison la moins enneigée pour les Alpes du Sud depuis quelques décennies : c'est le jeu, personne ne contrôle la météo. Mais cela ne nous aura pas empêché de laisser vagabonder nos spatules sur les pistes évidemment mais aussi au delà, avec quelques belles surprises au passage. Nous sommes repartis avec des dizaines d'itinéraires dans la tête et autant de belles rencontres, des tourtons et de la bière locale plein le ventre, soit 4,83 fois plus de raisons que nécessaire pour remettre le cap au sud lorsque le truc blanc se décidera à retomber du ciel (ce qu'il fît évidemment une semaine après notre retour).
Pas de doute la dessus. Selon que l'on vienne du nord, ou plus souvent du sud, le Queyras n'est pas plus éloigné que d'autres destinations ski des Hautes-Alpes. Pour autant, son accès via le verrou de Guillestre et sa réalité géographique en hiver (un cul de sac tant que les cols sont fermés), font passer le Queyras pour plus reculé qu'il ne l'est réellement. C'est d'ailleurs son charme, ce petit coté Monde Perdu de Conan-Doyle qui m'avait fait rêver enfant, mais un monde perdu où les dinosaures auraient été remplacés par des marmottes, les fougères géantes par des mélèzes : Bienvenue à Queyrassic Park.
Mon bout du monde du jour a comme nom le refuge de la Monta, au bout du Queyras, au bout du Haut Guil. Une petite lumière dans la nuit balayée par un vent tempétueux : le Refuge, un ancien batiment de la douane, est un joyeux bric à brac, mélange de musée du ski et de pub anglais. Les patrons, Olivier et Alexis sont des enfants du pays et me regardent avec incrédulité quand, autour d'une Bazanne, la bière du Queyras, je leur demande si ils envisageraient de vivre ailleurs qu'ici. Je pose des questions bêtes parfois.
Et que dire de la table? Elle est, à l'image de tout le reste, généreuse, authentique. Ce soir, c'est minestrone et civet de sanglier accompagné de sa polenta. Délicieux. Pantagruélique.
La nuit passé, le petit déjeuner englouti, il est temps de chausser les skis pour aller explorer les stations du Queyras. Elles sont au nombre de 4 : Arvieux, Abriès, Molines/Saint-Véran et Ceillac, réparties aux 4 coins du territoire. Il est possible de skier indifférement dans chacune d'entre-elles avec le même forfait (à partir d'un forfait 2 jours). Aujourd'hui, nous ne tenterons pas le grand chelem mais nous contenterons d'en visiter deux. C'est déjà pas mal.
Le Queyras est bien loin de toute surenchère mécanique telle qu'on peut la connaitre dans d'autres coins des Alpes : à Abriès, un télésiège et 3 téléskis ouvrent l'accès à un domaine Freeride et Freerando dont il n'est pas difficile d'imaginer le potentiel les jours de fraîche. Aujourd'hui n'en est pas un, pas de poudreuse qui vole mais de belles courbes en compagnie de Julia et Hugo de l'ESI, sur des pistes qui ont su garder des profils atypiques, loin des boulevards uniformisés .
Depuis le téléski de la Colette, la longue piste rouge de Valpréveyre est un régal en grandes courbes et offre une arrivée magnifique au petit village éponyme, qui reprend des couleurs après l’avalanche de décembre 2008 qui l'a partiellement détruit. Une pause picnic idéale sous l'oeil du bric Bouchet et de ses 2997 m, qui rate donc de peu tableau d'honneur des sommets de plus de 3000 mètres : le Queyras en compte quand même 28!
Le retour à la station se fait par une navette régulière, qui, s'il on en croit les indiscrétions des marmottes, serait bientôt remplacée par un télésiège reliant le village de Valpréveyre au domaine skiable. En cet automne 2022, les travaux ont commencé : le projet sera l'aboutissement d'une longue réflexion puisqu'il apparaissait sur les plans de pistes du début des années 70 (téléski de la Brune sur le plan des pistes ci-dessous datant de 1972, collection personnelle Maxime Petre)
A deux reprises, la météo aura forgé le destin et l'histoire du ski dans le Queyras.
En juin 1957, après une semaine de pluies diluviennes, des inondations torrentielles, dévastent la vallée, entrainant un élan de solidarité national orchestré par le magazine ELLE qui organise une grande collecte de fonds. L'année suivante, les deux premiers fils-neige sont installés à Ceillac et chaque enfant du village reçoit une paire de ski. Le symbole est fort, et ancrera le ski sur le territoire.
Un demi-siècle plus tard, c'est un autre retour d'est, hivernal ce coup-ci, qui va mettre le Haut Guil sur le devant de la scène et populariser une expression météorologique qui fait frissonner les spatules des amateurs de poudreuse. En décembre 2008, il neige, il neige encore, et il ne s'arrête pas de neiger. Plus de 2 mètres en 3 jours, 3 mètres localement sur le haut de la vallée de Ristolas. Routes coupées, avalanches : le Queyras est une nouvelle fois coupée du monde. Les images font le tour de la planète (et des forums : le mythe du Retour d'Est Légendaire était né, et c'est dans le Queyras qu'il est fabriqué.
pour en savoir plus : le retour d'est, comment ça marche?
A Ceillac, je retrouve Alexia, mon interlocutrice à l'Office du Tourisme du Queyras. Dire qu'Alexia est une locale serait un euphémisme : sa famille y est installée depuis 1280. Décidément, quand on vit dans le Queyras, on n'a pas trop envie d'en partir.
Ceillac dispose elle-aussi d'un nombre de remontées limitées mais stratégiquement placées pour desservir un domaine plus vaste qu'il n'y parait, et un chouette potentiel freeride et freerando. L'orientation Nord du domaine lui garantit de bonnes conditions d'enneigement.
Elle m'emmène sur sa piste préférée, Chaurionde : une longue promenade sauvage, loin de tout bruit de remontées mécaniques. Près de 800 m de dénivelé. Une piste qui, par son coté sauvage et son profil, résonne sous nos spatules comme Valpreveyre le matin même ou Grand Cabane aux Orres quelques jours plus tôt. Tout au long de la balade, où que le regarde porte, les pentes qui nous dominent, les vallées qui filent vers Alpes de Haute Provence voisines sont autant d'appels à mettre les peaux. En version Freerado ou en mode rando plus sauvage, les possibilités sont innombrables.
Ceillac est un haut-lieu de la cascade de glace, et si vous passez quelques jours dans le Queyras, on vous suggère fortement d'essayer. Pressés par nos emplois du temps de ministres du ski, nous ne chaussons pas les crampons ce jour et nous contentons d'admirer le spot, parfaitement visible depuis le pied des pistes. Les cascades sont toutes super esthétiques, très faciles d'accès, bien équipées et présentent des difficultés variées, faisant du site de Ceillac un spot idéal pour l'initiation et le perfectionnement.
Les Formes du Chaos, la star locale, offrant une ascension de près de 300 mètres.
De retour dans le centre village pour une petite cure d'authenticité comme on les aime. Ceillac fait partie de ses villages de montagne préservés qui existaient bien avant le ski (et je serais tenté de dire : existeront bien après).
Je reprends la route vers Vars, prochaine étape de mon périple. C'est aussi un atout du Queyras : la complémentarité avec de grands domaines tout proches si vous souhaitez varier les plaisirs.
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