Ce Massif des Écrins appelé aussi, non sans raison, Massif du Haut-Dauphiné, est extraordinairement riche : de sa pauvreté, de sa nudité, de sa rudesse, de sa sauvagerie. La vraie richesse c'est de donner le bonheur, de procurer l'émerveillement. Il aide à naître, à grandir, à aimer, à comprendre. Il dit que certaines choses, magnifiques, merveilleuses, toutes simples, sans détour, existent.
Comme aux premiers jours.
Remontant la vallée de la Durance puis de la Vallouise, les sommets se font plus hauts, les faces plus verticales, l'ensemble résolument minéral. Passée l'Argentière-la-Bessée, laissant le chaos du massif de Montbrison sur ma droite, je me remémore cette citation de Gaston Rebuffat, découverte en préface d'un autre ouvrage indispensable pour s'imprégner des lieux : le magnifique roman graphique Ailefroide de Jean-Marc Rochette et Olivier Bocquet.
La nuit est passée à l'auberge Saint Antoine, un camp de base agréable au cœur de la station village de Pelvoux-Vallouise, qui tire son nom du provençal Pelvous qui signifie "Pourvu de hautes montagnes". Difficile de faire plus clair.
L'auberge, reprise récemment, a été intégralement rénovée : les chambres sont confortables et chaleureuses alors que la table, excellente, fait la part belle aux produits locaux. Un vrai coup de coeur pour terminer ce périple haut-alpin.
Les domaines skiables qui composent le Pays des Écrins affichent et revendiquent leur caractère familial, loin de la course au débit mécanisé, et permettent un ski de piste de qualité loin des foules. Mais l'ambiance change dès que l'on aventure ses spatules en dehors des limites des pistes : sans être pour autant inaccessible ou élitiste, la montagne proposée dans les Écrins est une montagne brute, sans artifices, qui doit s'aborder avec humilité.
Aujourd'hui, Frédéric et Thibaut m'accompagnent pour me faire découvrir leur jardin. Frédéric Jullien est guide depuis 20 ans, et boss de l'agence Roc Écrins basée à l’Argentière-la-Bessée. C'est votre homme pour découvrir les pentes des Écrins indifféremment en ski de rando ou en splitboard, ce qui est assez rare pour être salué, tant il est appréciable d'avoir un guide qui utilise le même engin de glisse que soi.
Il est l'auteur de plusieurs livres, dont un ouvrage de référence sur l'alpinisme dans les Écrins (Massif des Écrins, alpinisme plaisir: Courses de F à TD), ouvrage dont le photographe Thibaut Blais a assuré une partie des photos. A 27 ans seulement, Thibaut est un solide montagnard, qui traque les belles ambiances et les bivouacs reculés. Amoureux ce pays qui est le sien, son métier est de le photographier, et de fort belle manière (quelques clichés en fin d'article).
Enfin, se raccrochent à la cordée Sophie et Blandine, qui, après avoir été une brillante stagiaire au sein des équipes de skipass.com, officie désormais à l'Office de Tourisme du Pays des Écrins.
Le plan est simple : LE grand classique de Puy Saint Vincent, le vallon de Narreyroux par le Col du Bal, qui offre une belle boucle Freeride accessible sans grand effort. Mais comme toujours, la prudence reste requise, surtout lorsque les conditions d'enneigement ne sont pas idéales.
Depuis le sommet des remontées mécaniques, nous rejoignons en peaux la Crête de la Pendine. Assez vite, nous devons mettre les skis sur le sac pour continuer notre cheminement à pieds le long de la crête jusqu'au col du Bal, qui offre une belle pente d'entrée dans le Vallon de Narreyroux.
En ce mois de février 2022, les conditions sont compliquées et absolument pas représentatives de ce que les lieux offrent d'ordinaire : la tempête dont nous avons déjà subi les effets lors de notre périple haut-alpin n'a pas épargné Puy Saint Vincent, qui exceptionnellement fait mentir son surnom de "Préservée des Vents". La neige est béton dans l'entrée, et toute chute est interdite. Pour les images de neige qui vole, il faudra repasser, mais le cadre est magistral.
Il y a ce coté intimiste des Écrins qu'on ne trouve plus ailleurs... Ici, il n'y a pas de télécabine.
Le plan initial était de repeauter après cette première descente pour remonter dans le vallon (la première partie de l'itinéraire peut elle se faire sans matos de rando, avec simplement un peu de portage). Mais les conditions de neige sont vraiment trop compliquées ce jour là, difficile de trouver la motivation pour un effort supplémentaire qui n'apportera ni plaisir, ni images. C'est toujours la montagne qui décide, parfois il ne sert à rien de discuter. On préfère profiter de la belle journée pour prendre le temps de pique-niquer dans le vallon.
On rejoint ensuite par gravité la station de Puy Saint Vincent pour conclure la journée autour d'une bonne limonade en terrasse. Là encore on prend le temps, les vacances scolaires de février ne commenceront que le lendemain, tout est si calme.
Les Écrins offrent une belle expérience de montagne, dans tout ce qu'elle a de sauvage et de dépaysante. Notre passage y fût trop bref et bien trop sec : il nous faudra revenir.
On se quitte avec quelques photos de Thibaut Blais pour vous rassurer encore une fois sur le fait que les conditions normales sont bien différentes de ce que nous avons connu.
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