Un hiver qui s'attarde, un printemps qui ne daigne à s'installer ... mais il est désormais largement l'heure de dresser un bilan météo et enneigement de cette saison 2020/2021. Après l'hiver du futur, le plus doux de l'histoire, comment fut cette saison ? Beaucoup ont eu le sentiment de traverser un hiver plutôt normal avec de fréquentes offensives neigeuses à basse-altitude.
Nos données et nos explications vous permettront de comprendre si ce ressenti est le bon ... ou pas. Apercu.
Les dépressions vont ensuite continuer de circuler sur le pays jusqu'au 15/17 octobre environ avec des séquences neigeuses, moins marquées, qui se succèdent là-aussi de manière remarquable en altitude surtout du côté des Pyrénées cette fois où près de dix chutes de neige touchent tout ou partie de la chaîne entre le 20 septembre et le 20 octobre. Le manteau neigeux commence donc à se constituer et l'on imagine déjà (trop) précocement la constitution de la sous-couche de l'hiver en haute-montagne.
Mais cela est sans compté sur notre anticyclone qui peut s'installer durablement, pendant plusieurs semaines, y compris en fin d'automne sur notre pays. Ce sera donc le cas dès la fin-octobre ...
Ce dernier va alors largement et longuement dominer la partie, jusqu'à la toute fin du mois de novembre. La carte ci-dessous témoigne de la situation météorologique fréquemment rencontrée durant le mois de novembre à savoir : un anticyclone (champ de pressions autour des 1020/1025 hectopascals et plages de couleurs "rouges " ou "orangées") bien ancré sur le pays et qui fait barrage aux perturbations. Elles ne touchent, au maximum, que timidement et localement le pays durant toute cette période tandis que la masse d'air associée est également bien douce.
Dans ce contexte, les espoirs de sous-couche entrevus en octobre sont vite réduits à néant en-dessous de 2600/2800 mètres environ.
Ainsi, tandis que les craintes et regard sont légitimement tournés vers les annonces du gouvernement autour du 30 novembre concernant des dates (potentielles hélas ...) d'ouverture des domaines skiables; le manteau neigeux lui est particulièrement maigre pour la période puisqu'il est totalement absent sur la plupart des massifs.
Mais la situation va totalement changer avec la bascule dans le mois de décembre. Cela tombe bien, le 1er décembre correspond à la date du début de l'hiver météorologique. Il a donc bien respecté le calendrier cette année.
Après quelques giboulées de neige sur le Nord-Est du pays ; une première dépression très dynamique apportera ainsi des chutes de neige beaucoup plus consistantes sur une large moitié Est du pays dès la basse-montagne autour du 03/04 décembre. Les perturbations, plus modérément actives, vont ensuite s'enchaîner au sein d'une masse d'air plutôt fraiche jusqu'au 18/20 décembre tout en alternant avec des moments d'embellie permettant de profiter de cette couche de neige qui cette fois se constitue pour de bon en altitude.
Après une courte accalmie plus marquée ; les conditions hivernales s'accentuent encore un peu plus dès le jour de Noël cette fois (nouveau hasard du calendrier) avec de la neige à très basse-altitude et une séquence historique durant plusieurs jours sur l'Ouest du Massif-Central cette fois.
Plus globalement, cette séquence très perturbée s'inscrira dans la durée puisqu'elle perdurera également tout le mois de janvier. Avec la fraîcheur associée, on parle même d'un vrai mois d'hiver très bien enneigé sur la plupart des massifs mais en particulier l'Ouest du Massif-Central, les Vosges, le Jura, les Alpes du Nord mais aussi la Corse ... en clair tous les massifs habituellement exposés à ce type de courant de Nord-Ouest frais et bas en latitude (vous pouvez retrouver les explications sur l'enneigement des massifs français dans notre Tuto-météo).
Situation un peu plus hétérogène sur les Pyrénées où les perturbations sont un peu plus souvent accompagnées de redoux et où elles sont bien plus actives sur la partie Ouest qu'Est. Les Pyrénées Catalanes étant traditionnellement asséchées par ce type de situation, tout comme une bonne partie des Alpes du Sud.
Au final, la séquence décembre-janvier est une des plus humides et hivernale de ces dernières années à l'échelle du pays ... en montagne grâce à la domination du frais courant de Nord-Ouest. La première carte ci-dessous met en exergue ces cumuls importants de précipitations avec un excédent marqué voire très marqué sur les Pyrénées-Occidentales.
Le mois de février qui suivra va trancher avec cette situation ... puisque c'est un mois très sec qui prendra le relais comme en témoigne la carte de gauche ci-dessous (retranscrivant un cumul global bien en-deça de la moyenne).
De plus, un redoux arrive dès les premiers jours du mois faisant remontée la limite pluie-neige sous les dernières perturbations.
Les épaisseurs de neige vont alors entamer une progressive mais longue fonte en basse et moyenne-montagne. Comme souvent, on va alors passer d'un extrême à l'autre. Sur la tranche 1000/1400 mètres par exemple ; tandis que l'enneigement était excellent autour du 25 janvier ... le mois de février se terminera avec un maigre manteau comme très bien illustré sur le graphique ci-dessous. Nous sommes ici dans les Aravis, au coeur des Préalpes du Nord, mais la transition était encore plus marquée dans les Vosges, le Massif-Central ou le Jura avec parfois un retour au vert sur les fronts de neige de nombreuses stations. Ce type de temps va se maintenir durant les dix premiers jours du mois de mars avec des vacances scolaires qui se sont déroulées sous un temps idyllique et souvent très ensoleillé.
L'enneigement se dégrade fin février en versants ensoleillés, y compris en altitude, ici à 2000m sur les hauteurs du Collet d'Allevard (38)
Mais, après être passé progressivement du plein hiver à des conditions dignes d'un mois d'avril : le temps va à nouveau totalement changer. Un brutal retour de l'hiver se met en place vers le 14/16 mars avec des chutes de neige durables, abondantes jusqu'en basse-montagne, des Alpes du Nord aux Vosges et en passant par le Jura.
Après un remarquable coup de chaud à la toute fin du mois, permettant de profiter d'excellentes conditions de ski de printemps ... on peut dire que l'on cherche toujours le beau temps durable et la chaleur depuis cette séquence qui a maintenant plus d'un mois et demi. Le mois d'avril finira en effet en-dessous des moyennes de saison (avec un nombre de gelées parfois records en plaines) quand celui de mai se déroule sous une masse d'air similaire avec, en prime, des successions de perturbations le rendant particulièrement humide notamment du côté des Alpes. La séquence avril/mai sera alors la plus fraîche depuis 30 ans.
Retour au blanc le 15 mars au col du Mauvernay à 1500m d'altitude, avec 50cm de neige relevés en Chartreuse nord
Si début mars, nous nous disions que le retour au vert généralisé jusqu'à 2000/2400 mètres n'allait être qu'une rapide formalité ; nous nous retrouvons à présent fin-mai avec un enneigement qui résiste aisément en haute-montagne. A très haute-altitude, la nivose de Bellecote (vers 3000 mètres en Vanoise) a par exemple atteint son maximum de la saison le 23 mai dernier avec 3 mètres 80 ... ce qui correspond tout simplement à une hauteur record depuis le début des mesures en 1970 comme le graphique ci-dessous en témoigne.
Un bon hiver globalement, difficile de dire le contraire surtout lorsque l'on se replonge en décembre/janvier ou que l'on veuille rejoindre aujourd'hui des sentiers d'altitude qui croulent encore sous des mètres de neige en cette fin mai ... Mais ce constat plutôt positif cache tout de même quelques disparités tant côté géographique que côté temporel.
En effet, après un mois de novembre très sec, l'enneigement s'est surtout constitué côté Préalpes durant la première partie de l'hiver à savoir au mois de décembre. Le différentiel entre Aravis/Bauges/Chablais, très bien enneigés et Vanoise/Maurienne/Tarentaise bien moins enneigés étaient notables au 1er janvier. La faute à un flux de Sud-Ouest dans un premier temps, puis au courant de Nord-Ouest trop frais et peu rapide avec une humidité qui se concentre surtout sur les premiers reliefs faisant barrière au "flux".
La situation s'est un peu homogénéisée ensuite durant le mois de janvier, puis surtout en février avec un redoux et un temps plus sec.
Arrive alors la bascule dans le mois de mars. Au premier mars, vers la fin des vacances scolaires, l'enneigement finit alors par devenir déficitaire pratiquement partout. Le graphique ci-dessous permet de mettre cela parfaitement en valeur, d'où la disparité temporelle évoquée quelques lignes plus haut.
Rapidement, dès le 15 mars, la situation est devenue bien plus favorable avec le retour de hauteurs de neige correctes. Et, à présent au mois de mai, l'enneigement reste très important pour la période à haute-altitude avec ce printemps qui ne souhaite pas s'installer franchement ....
Voici quelques cumuls observés sur les postes d'observations du massif :
- 262 cm à la Grande-Chartreuse (38) à 945 mètres.
- 393 cm à Arêches (73) à 1030 mètres.
- 414 cm à Megève (74) à 1080 mètres.
- 441 cm à Chatel (74) à 1135 mètres.
- 437 cm aux Gets (74) à 1172 mètres.
- 546 cm à Pralognan la Vanoise (73) à 1420 mètres.
Bref, malgré quelques précisions pondérant le propos : les Alpes du Nord ont vécu un hiver normal, dont on avait perdu l'habitude ces dernières années notamment par le nombre d'offensives neigeuses à basse-altitude jusqu'en vallées et grâce à des températures qui n'ont pas flambé durablement même si des coups de chauds ont fatalement, réchauffement climatique oblige, eu lieu (en février et à la toute fin du mois de mars en particulier).
Si la saison a été donc bien enneigée sur les Alpes du Nord, c'est précisément l'inverse qui s'est produit dans les Alpes du Sud preuve une nouvelle fois que ces deux massifs possèdent un climat profondément différent.
Après quelques soubresauts en septembre/octobre, comme ailleurs, il a fallu attendre le tout début du mois de décembre pour voir une perturbation active (dans un rapide courant de Sud-Ouest) enneigé conséquemment le massif. On la voit bien sur le graphique ci-dessous. Puis les quelques offensives neigeuses de la fin décembre et du mois de janvier ont permis au manteau neigeux de rester autour des moyennes grâce à une masse d'air relativement fraîche (peu de fonte). Notons que, le graphique ci-dessous présente la situation au cœur du Queyras qui possède un climat encore plus atypique. Plus au Nord-Ouest vers les Ecrins, les débordements neigeux par les Alpes du Nord ont été un peu plus fréquents. Mais, partout, la douceur et le temps sec de février jusqu'à début mars ont entraîné une fonte rapide du manteau en basse et moyenne-montagne avec un enneigement parfois très maigre voire nul vers le 10 mars comme ici à Ceillac (1665 mètres).
La seule offensive de la mi-mars n'a pas suffi ici à largement réduire le déficit d'enneigement, qui retrouve des valeurs très déficitaires début avril. Ainsi, sur l'ensemble de la saison, il est par exemple tombé 218 cm à Pelvoux (05) à 1270m, seulement (le secteur étant habituellement plus enneigé) notamment grâce aux courants de Sud à Sud-Ouest qui ont été peu nombreux cette saison.
Les Alpes du Sud renouent avec un peu plus d'humidité depuis le mois d'avril et début mai. La saison est évidemment déjà pliée sur la plupart des massifs, mais elle peut ainsi se prolonger à haute-altitude notamment autour des Ecrins.
Pourtant tout avait (trop?) précocement très bien commencé. La séquence fin-septembre/octobre fut donc exceptionnelle avec des possibilités de ski fréquentes en altitude, comme en témoigne les photos ci-dessous prises en octobre, ce qui est bien rare.
Par la suite, novembre fut comme partout ailleurs très sec. Les perturbations de décembre/janvier ont bien concerné le massif. Mais elles ont surtout touché l'extrême Ouest de la chaîne (Béarn, Pays-Basque, voire une partie de la Haute-Bigorre) et des redoux dévastateurs en moyenne-montagne se sont ici souvent intercalés, conduisant à des inondations notables sur les plaines du Sud-Ouest du pays.
D'autre part, ce courant de Nord-Ouest à Ouest n'atteint que rarement les massifs de Cerdagne/Capcir/Puigmal, soit sur l'extrême Est de la chaîne ... et cette année n'a pas fait exception.
Dès février/mars l'enneigement fut donc très maigre en basse et moyenne-montagne, de manière globale, mais particulièrement vers les Pyrénées-Catalanes. Après quelques chutes mi-mars, la douceur de la fin du mois et de début avril a très vite fait ressortir l'herbe et le déficit fut très vite retrouvé et s'est même largement accentué vers le 05 avril.
Comme partout ailleurs la fraîcheur qui règne depuis des semaines permet en revanche à l'enneigement de régresser bien moins rapidement qu'à l'accoutumée.
En raison de la domination des courants d'Ouest à Nord-Ouest en décembre/janvier/début février : un différentiel très important d'enneigement a été observé tout au long de l'hiver entre l'Ouest du massif, en première ligne, et l'Est bien asséché (Ardeche, Pilat ...) mais globalement on peut dire que la saison a été bonne ; le massif ayant renoué avec de fréquentes offensives neigeuses et ce jusqu'à basse-altitude ce qui n'était plus arrivé depuis quelques saisons ... en particulier la saison dernière qui avait été remarquablement douce.
La séquence de la toute fin du mois de décembre a même été historique (durée de retour de 30 à 50 ans en fonction des secteurs) sur les monts du Cantal en particulier mais plus généralement de l'Aubrac au Sancy. La hauteur de neige relevée le 30 décembre était par exemple tout simplement record pour la période, depuis le début des relevés, au Claux dans le Cantal comme le graphique ci-dessous en témoigne.
Bien évidemment, la douceur de février à début mars, a forcément altéré les conditions d'enneigement avec un manteau qui ne s'est maintenu qu'en versants Nord et surtout sur l'Ouest du massif (plus touché par les chutes durant les semaines précédentes).
Bref, une saison très correcte, et périodiquement très bien enneigée en Cantal, Aveyron, Ouest-Lozère, Ouest-Puy de Dôme.
Même constat ici : une bonne saison qui tranche avec les hivers parfois perturbés mais souvent très doux de ces dernières saisons. Cette fois, la majorité des perturbations ont été neigeuses et non pas pluvieuses et cela fréquemment jusqu'à basse-altitude.
Bien évidemment, l'enneigement a tardé à se constituer en novembre en raison de la présence durable de l'anticyclone. Mais, une fois le courant d'Ouest à Nord-Ouest bien mis en place et surtout une position relativement basse en latitude lui permettant de rester relativement frais (influence de dépressions d'origine polaires) ; la machine fut lancée et les perturbations neigeuses furent très nombreuses à toutes altitudes en décembre/janvier. Mais la saison ne peut être qualifiée de "très" bonne car, quand on regarde dans le détail, le mois de février très sec et doux a entraîné un retour au vert avant le 1er mars (hormis en secteurs très abrités du Haut-Jura ou de hautes-combes vosgiennes) ... situation très atypique comme illustré sur le graphique ci-dessous, d'autant que l'enneigement était bien au-dessus de la moyenne autour du 18 janvier.
L'offensive neigeuse notable du 15 mars a permis à l'enneigement de retrouver des moyennes de saison est la fin de saison fut relativement correcte même si les chutes de neige n'ont été que peu nombreuses.
Voici quelques cumuls, sur l'ensemble de la saison, de neige fraîche relevés sur le Jura :
- 408 cm à Bellefontaine (39) à 1030 mètres.
- 394 cm à Mijoux (01) à 1030 mètres.
- 325 cm aux Fourgs (25) à 1138 mètres.
- 219 cm à Mouthe (25) à 940 mètres.
Enfin nous ne pouvons terminer sans apporter un petit mot sur la Corse qui a connu un hiver très bien enneigé avec des hauteurs de neige au sol dépassant encore les 3 mètres au coeur du mois de mars dès 2300 mètres en pentes Nord.
Avons-nous globalement connu un hiver "normal" côté mercure ? On pourrait penser que oui tant nous enchaînons les hivers doux ... et pourtant non. La carte ci-dessous, représentant l'anomalie à la moyenne sur les trois mois d'hivers (décembre-janvier-février) témoigne d'une anomalie fréquemment autour des +0,5/+1 degré et atteignant parfois les +1,5/+2 degrés. Cet hiver fut d'ailleurs le 11e le plus doux depuis le début des relevés, n'oublions pas que l'hiver 2019/2020 fut lui le plus doux de l'histoire des relevés d'où notre perception un peu biaisée ...
4 Commentaires
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Sympa le graph de chapelle des bois je m'étais cassé les dents en demandant ce genre de truc au directeur du centre MF de besac (grrrr.... après ça on s'étonnera que je m'intéresse plus à tous les Italaoslovéno américano japonais hélvétiques) j'ai reçu des trucs sur le Ht jura par ailleurs . Pour la courbe de Bellecote donnée pour du "depuis 1970" j'ai qq doutes sur le fait que ça ait été mesuré quotidiennement chaque année en plein mois de mai sur le même endroit La série que MF a envoyé aux gus qui ont fait l'étude sur l'enneigement alpin ne contient que les données de la nivose -> de 96 à 2004 c'est tout en "gapfill" et même les chiffres gapfill (je supose que c'est du modélisé , pires que douteux ... montent à 600 cm en juin en 1997 et 2001) sont bourrés de trous -> si ça a été vraiment mesuré en 1978-1980-2001 et qq autres OK pour record mais sinon méfiance j'aimerais en savoir plus sur ce qui est derrière l'étiquetage depuis 1970 de cette courbe .
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Bref un hiver à oublier...
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