L'avènement du ski d'été est signé par les premiers concours de ski en altitude organisés sur le glacier de Corvatsch en Suisse. Les routes les plus hautes et la naissance des stations de ski vont renforcer cette pratique dans l'ignorance du changement climatique à venir. Le ski d'été est dans un premier temps embryonnaire mais va peu à peu s'accrocher aux sommets blancs de la vallée de Chamonix, lieu précurseur de l'alpinisme et des descentes estivales.
C'est la Suisse et plus précisément la station de Saint-Moritz dans les Grisons qui a inventé le ski d'été en 1908. La tribune de Genève évoque, en effet, en août 1916 la tenue du huitième concours de ski d'été organisée par le Ski Club Alpina sur le glacier du Corvatch à 3 000 mètres d'altitude. Le ski n’est pas (encore) un loisir reconnu mais s’impose comme une discipline de compétition que la presse historique relaie dans ses pages sportives. Le 14 juillet 1930, c'est du côté de la Jungfraujoch que 200 coureurs s'affrontent dans des conditions hivernales. Les épreuves se déploient à haute altitude. Les chemins de fer fédéraux, principale compagnie ferroviaire suisse, vantent d’ailleurs dans un dépliant, en 1937, l’improbable complémentarité entre le ski d’été et la vie de plage : « en juin et juillet, il y a encore de grandes compétitions de ski au Jungfraujoch. En outre, les skieurs peuvent s’adonner à la baignade au pied même des géants de rocs et de glaces ».
Le ski d’été figure également une grande tradition chez nos voisins Italiens. Construite en 1825, la strada statale 38 dello Stelvio permet d’atteindre le col éponyme. Le glacier du Livrio, situé sur son flanc sud, s'ouvre à la pratique du ski au début des années 30 sous l’impulsion du club alpin de Bergame qui y construit un refuge. Dans le Val d’Aoste, la station de Cervinia se relie par téléphérique en 1939 au glacier Théodule par le Plateau Rosa au nez et à la barbe des zermattois puisque pendant les premières décennies, le glacier n'est accessible par le câble que du côté italien. Cervinia s’octroie même la primeur de la pratique dans ses dépliants touristiques, « Les téléfériques du Cervino ont réalisé le rêve des skieurs "le ski toute l'année" ».
Certains s'adonnent avant guerre au ski sur les pentes du col l'Iseran aux premiers jours de l'été dont l'accès est facilitée par l'ouverture de la route en 1937. La même année, le journal L'écho des sports décrit avec poésie cette nouvelle discipline émergente : « La saison se prolonge, les Pâques mêmes tardives, deviennent des vacances enneigées ! Ne connaissance plus de limites, ce sport se pratique en mai, en juin ... ! Quand "Madame la neige", en jolie coquette, disparait au fond des vallées, on la poursuit dans ses montagnes, et maintenant aux environs de trois milles mètres d'altitude, il est bien des endroits où l'on pratique le ski tout l'été ». En France, il faudra, cependant, attendre l’après-guerre et les années 50 pour voir apparaitre durablement du ski toutes saisons dans la vallée de Chamonix. Raymond Balseinte, professeur spécialiste des stations climatiques d'altitude, en parle dans un essai de 1957 consacré aux populations de montagne : « la conquête de la montagne s'étend non seulement dans l'espace (par les téléfériques) mais dans le temps également, en prolongeant la saison des sports d'hiver jusqu'en plein été — ainsi, à Chamonix, avec le fonctionnement du téléférique de l'Aiguille du Midi, la Vallée Blanche est devenue, pour les très bons skieurs, un immense champ de ski pratiquement toute l'année ».
Poursuivez votre lecture avec les autres articles de notre saga du ski d'été :
Intro : Pour qui sonne le glas(cier) ? : anthologie du ski d'été en France
Chapitre I : l'avènement du ski d’été et premiers domaines sur les hauteurs de Chamonix
Chapitre II : les années 70, la course aux 3000 et aux neiges éternelles, les ski 365 jours par an
Chapitre III : le ski d'été dans la Vallée de l'Oisans : le refuge Adèle Planchard, l'Alpe d'Huez, les 2 Alpes et la Grave
Chapitre IV : sur la ligne frontière, domaines skiables entre la France et l’Italie
Chapitre V : utopies, fugacités et perspectives : Val Thorens et autres lieux singuliers
6 Commentaires
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Je reviendrai très vite lire la suite... parce que bon, là je suis quand même en télétravail
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