Une saison très particulière, forcément, en raison du contexte sanitaire qui a entraîné la fermeture brutale des stations le week-end du 15 mars. Pour autant, après les très nombreux bulletins et points Neige proposés depuis le mois de novembre, mais aussi après nos articles Tuto-Météo du mois d'avril : nous vous proposons, comme chaque année, le traditionnel bilan Météo et Neige de l'hiver. L'occasion de revenir, dans le détail, sur une saison 2019/2020 très douce ... représentative de ce qui nous attend de plus en plus fréquemment à l'avenir ? Chronologie, données, aperçu et explications au programme.
Les jours suivants, on assiste à un temps souvent calme jusqu'à la fin du mois de novembre avec des températures de saison permettant de profiter de conditions de ski très correctes pour la période un peu partout.
Mais le temps change déjà autour du 22 novembre avec de fréquentes perturbations de Sud qui remontent de Méditerranée. Tant mieux, finalement, puisque les Alpes du Sud (jusque là relativement épargnées) subissent de fréquentes et soutenues offensives neigeuses en altitude. Mais le manteau neigeux est relativement mis à mal ailleurs en raison du vent de Sud.
Une période plus calme prend à nouveau le relais jusqu'au 08/09 décembre avant que de nouvelles perturbations ne circulent dans un courant de Nord-Ouest durable mais très rapide. Ce sont alors les hauts-massifs alpins qui tirent leur épingle du jeu.
A partir du 15 décembre, déjà, une période remarquablement douce se met en place. Elle annonce un hiver hors-norme ....
En effet, après une nouvelle séquence perturbée (et porteuse de neige en altitude partout sauf sur les Alpes du Sud), une poussée anticyclonique très douce se met en place pour Noël.
Durant le mois de février le temps demeure particulièrement doux, surtout dans la durée ce qui rend la situation exceptionnelle. Quelques incursions perturbées parviennent tout de même à se montrer, timidement, sur le Nord et l'Est du pays tandis qu'une bonne partie des stations des Pyrénées, d'une partie des Alpes du Sud prient la neige. C'est également le cas pour une large partie des domaines de basse-montagne (Jura, Vosges, Massif-Central). En effet, lorsque les perturbations sont là la pluie n'est jamais loin et est souvent majoritaire sous 1300/1500 mètres en raison de la douceur.
Et quelle douceur ! Elle ne s'est jamais véritablement évacuée depuis la fin du mois de décembre ...
Causes et conséquences sur les illustrations ci-dessous. La cause ? On l'a souvent évoqué dans nos articles : les masses d'air polaires et nordiques (le vortex polaire) sont restées durablement hautes en latitude tandis que les hautes-pressions tropicales (le traditionnel anticyclone des Açores) était lui aussi remarquablement haut en latitude. C'est particulièrement le cas sur la carteci dessous où l'on remarque très bien cela avec des champs de pressions élevés sur le Sud-Ouest de l'Europe (proches des 1020-1030 hectopascals) et des dépressions polaires très actives et étendues (pressions autour des 950-960 hectopascals, champ de couleurs bleus, violets et noirs) mais centrées sur l'Islande et la Scandinavie. Ce schéma s'est répétée durablement entre fin-décembre et début mars avec donc les conséquences remarquables visibles sur le graphique ci dessous : des températures constamment au-dessus des moyennes de saison avec un excédent thermique parfois exceptionnel sur le pays.
Précisions que cette carte s'arrête au 20 avril, des précipitations sont revenues sur le pays depuis le 24 avril (elles ne suffiront de toute manière pas à combler le déficit).
La station météorologique de Chamonix (MéteoFrance), qui effectue des relevés depuis la fin de la seconde guerre mondiale, est d'ailleurs particulièrement intéressante, car elle offre un important recul historique, pour se rendre compte que les mois d'hiver qui viennent de s'écouler sont tout à fait exceptionnels et records :
Plus haut, et parfois dès 1300 mètres dans les secteurs les plus abrités des redoux, le cumul de neige est déjà plus intéressant puisque l'on a par exemple relevé 456 cm en cumul du côté de Vallorcine (74).
Du côté des hauts-massifs (Mont-Blanc, Haut-Giffre, Beaufortain, Vanoise, Haute-Tarentaise, Belledonne et Oisans), la saison peut même être qualifiée de bonne à très bonne en terme d'enneigement au-dessus de 1800/2000 mètres là où les redoux ne font pas trop de mal au cœur de l'hiver. Ainsi, grâce aux perturbations successives, le manteau neigeux était par exemple bien au-dessus de la moyenne des 40 dernières années du côté de la Plagne (1970m) mais également aux Arcs (2040 mètres) comme les graphique ci-dessous en témoignent.
Cela tranche donc grandement avec la saison difficile qu'ont connu les petites stations du Vercors, de Chartreuse, des Bauges, voire du Chablais où les jours d'ouvertures totales des domaines se sont parfois comptés sur les doigts d'une main, et souvent grâce à la neige de culture préparée en amont de la saison.
Globalement, tout avait pourtant très bien commencé ... partout. En effet, suite aux configurations météorologiques expliquées en première partie de l'article l'enneigement était jugé "excédentaire à très excédentaire" début novembre sur l'ensemble des Alpes du Nord. Enneigement excédentaire qui s'accentue sensiblement côté Oisans (voir le graphique des Deux-Alpes) fin décembre puis demeure correct début janvier un peu partout (voir graphique d'Arêches à relativement basse-altitude, mais aussi aux Menuires et aux Deux-Alpes) donc, avant que la situation ne devienne radicalement différente en fonction de l'altitude et de l'exposition aux redoux avec le retour des perturbations fin-janvier (voir graphique des Arcs et de la Plagne, zones particulièrement abritées en cas de redoux pluvieux) et jusqu'à la fermeture des stations.
Bref, une saison à oublier en basse-montagne notamment le long des Préalpes et une saison parfois référence en terme de fréquentation (si l'on met de côté la crise sanitaire qui a entraîné une fermeture prématurée) sur les grands domaines d'altitude : bienvenue dans la futur nous vous disions !
La seconde moitié du mois de mars, et les 25 premiers jours du mois d'avril, ont donc été particulièrement doux et sec avec une absence remarquablement durable de chutes de neige, et une fonte ininterrompue de manière parfois précoce au-dessus de 2000 mètres.
Cela est parfaitement visible, pour exemple, sur la nivose de Belledonne très bien exposée à 2240 mètres d'altitude : le manteau neigeux était bien épais début mars puis la fonte fut interminable ... jusqu'à la séquence très perturbée et conséquente amenant de forts cumuls neigeux en haute-montagne ces derniers jours.
Plus globalement, le graphique de d'équivalent en haut du manteau neigeux permet de synthétiser à l'échelle de l'ensemble du massif la quantité de neige présente au-dessus de 1000 mètres de novembre à avril. On relève ces différents éléments évoqués : un début de saison très correct puis une situation autour des moyennes de fin janvier à début mars (mais au prix d'une très grande différence en fonction de l'altitude en raison de courants perturbés très doux) et une fonte remarquablement précoce et marquée durant des semaines à partir de la moitié du mois de mars en altitude.
A Isola 2000, le cumul sur l'ensemble de la saison est d'ailleurs de 245 cm (ce qui est relativement faible) mais moins de 50 cm sur les deux mois du cœur de l'hiver en janvier/février.
La situation se dégrade alors, côté enneigement naturel, sur l'extrême Sud du massif voire un peu partout sous 1400/1800 mètres à la fin du mois de février sur les versants les plus ensoleillés. Certaines stations souffrent du manque de neige tandis que les hautes-vallées des Ecrins et de la Vallouise conservent un meilleur enneigement grâce à leur température toujours plus basse.
Ainsi, on skie souvent sur des langues de neige isolées à basse-altitude dans le Champsaur (photo 2 ici à Saint Léger les Mélezes), et la station de Gréolières le neige (photo 1) dans les Alpes-Maritimes doit rester fermée.
Plus haut, et comme pour les Alpes du Nord, les hautes-stations ou celles bien orientées bénéficient d'un enneigement relativement correct.
Hormis sur les secteurs les plus élevés donc, l'offensive neigeuse du début du mois de mars ne sera ici qu'un pansement ou une timide pause dans la fonte qui a déja démarré alors que, là-aussi, l'hiver n'a jamais véritablement démarré sous 1300 mètres. Le cumul aux Portes en Valgaudemar (05-1270 mètres) est par exemple assez faible (secteur généralement assez froid) avec 179 cm de neige cumulée sur l'ensemble de la période hivernale.
Pour la fin-mars et le mois d'avril : le temps est particulièrement sec et très doux. La fonte durable, est alors rapide et ce à toutes altitudes si l'on se réfère aux deux nivoses présentées plus haut.
Bref, ici aussi, un "non-hiver" parfois délicat pour les petites stations les moins bien exposées.
Ce déficit d'enneigement touche également la haute-montagne (Lac d'Ardiden) pour ce même mois de février. En fait, hormis la fameuse tempête Gloria (localisée sur l'extrême Est de la chaîne), il ne neige que très peu sur le massif en janvier-février. Pour preuve, on relève à Gourette (65-1590 mètres) seulement 74 cm en cumulé sur ces deux mois, tandis que la douceur remarquable fait rapidement fondre la moindre couche de neige fraîchement tombée.
Au 17 février par exemple, la différence de l'enneigement est notable entre 2019 (photo du haut) et 2020 (photo du bas) où l'on se croirait à la fin du mois d'avril. Ces captures de webcam sont situées au col du Pourtalet (64).
La séquence perturbée du début du mois de mars apportera une couche, enfin, conséquente sur les nombreuses stations et domaines skiables positionnés sur la chaîne. Elle permettra de retrouver, localement et très temporairement, des hauteurs de neige proches des moyenne. Mais le temps sec et doux revient très rapidement et s'installe, encore une fois, durablement jusqu'à ces jours-ci. Ainsi, l'équivalent en eau du manteau neigeux en montagne (graphique 2) comme la caractérisation de l'enneigement en Luchonnais au centre du massif (illustration 1) laisse clairement transparaître une saison à oublier malgré un événement remarquable (le bon enneigement de mi-novembre) et un exceptionnel (la tempête Gloria).
Dès la mi-avril il ne restait plus que quelques traces de neige dans ces massifs avec une fonte qui avait déja terminé son travail sous la chaleur précoce. On espère des jours meilleurs pour ces stations ... mais cela devient de plus en plus difficile ces dernières années.
En conclusion : nous avons vécu un hiver totalement atypique. Quand les précipitations se rapprochent, à l'échelle du pays, de la moyenne ; c'est bel et bien la douceur qui a été le grand marqueur de cette saison 2019/2020 avec un enneigement déficitaire à très déficitaire, parfois durablement, partout en basse-montagne et souvent en moyenne-montagne (tranche 1400/1900 mètres) sur les Pyrénées, les Alpes du Sud, les Vosges, le Jura et les Pyrénées. Plus haut, la situation a souvent été très correcte voire bonne sur l'arc alpin. Ce type d'hiver, exceptionnel au tout début du XXIe siècle, est amené à devenir un peu plus fréquent dans les prochaines décennies en raison du réchauffement climatique actuel. Une carte pour l'illustrer : celle de l'écart à la moyenne des températures sur les mois de janvier à avril 2020 ... réchauffement vous avez dit ?
19 Commentaires
Attention on parle ici GLOBALEMENT sur Vosges, Jura et Massif-Central ... tout en précisant bien d'ailleurs que certains coins du Jura plus froid s'en tirent bien mieux LOCALEMENT.
Cet article, aussi précis et localisé soit-il, ne se veut pas le reflet d'une situation à l'échelle d'une seule station de ski ... il faudrait sinon des milliers de ligne et je pense qu'on perdrait beaucoup de lecteurs.
souvent la misère à Métab aussi , avec qq pb de timing , 1° saison où je n'ai pas posé une spatule dans le massif Jurassien depuis un nombre inavouable de décennies ( je n'ai pu skier que dans les Alpes suisses )
Le col de la faucille est un grenier à neige avec une exposition parfaite. Quand tu prends, toujours dans les Monts Jura, les Menthieres, le bilan n'est pas réjouissant. Je prends aussi le cas de Hauteville lompnès, les plans d'hotonnes et d'autres en ski de fond. En outre, le bilan général du massif n'est pas au beau fixe et surtout en neige naturelle.
Le bilan de fréquentation des Domaines Skiables de France a été publié hier soir (domaines-skiables.fr Il confirme le recul très net de la fréquentation (-24 pourcents) en lien avec ce manque de neige dans le Jura. Ce qui n'empêche pas une station de mieux s'en sortir ... mais elle est bien isolée.
Jura -25 % environ
domaines-skiables.fr
si on ne descend pas à Mijoux , La faucille a son bas des pistes bien haut et bien orienté, cette année c'était le jour et la nuit entre moins de 1200 m VS plus
Les Rousses s'en sont sortis avec leur bas de pistes à 1150 m et canons
Métabief ....
bergfex.fr
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Merci Thomas
En espérant que la fin d'année 2020, nous réserve quelques surprises pour rebondir après ces derniers mois très durs !!
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bel article et le graph de la CDF me plait bien ( pour info 470 cm en 1970 et plus de 10 m 300 m plus haut ) je l'avais loupé, il faudrait que je regarde les tweets de Romma plus souvent moi
pour les graphs d'eq eau du manteau neigeux ceux qui en veulent d'avant c'est là
rhone-mediterranee.eaufrance.fr
observatoire-garonne.fr
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Les massifs alpins et le massif pyrénéen avaient profité d’un hiver plutôt bien enneigé sauf à très basse altitude
Ca veut dire que de leur côté ils considèrent l'étage 1000-1500 comme de la "très basse" altitude côté alpin ? (je parle même pas des Pyrénées, mais en lisant l'article de Thomas, j'avais pas l'impression que "bon enneigement" soit la meilleure synthèse)
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