Cet article est une production skipass.com, réalisée avec le soutien de Plum.
Au coeur des Alpes, en Haute-Savoie dans la vallée de l'Arve, une petite entreprise familiale fabrique les seules fixations de randonnée entièrement Made In France : il s'agit de Plum. Bien connue dans le milieu des remonteurs de pente à la force des jambes, l'entreprise s'est taillée une belle place sur ce marché ces dernières années, jusqu'à venir se placer parmi les "grands" de la fixation de randonnée à inserts. Ils nous ont ouvert leurs portes cet automne, on vous raconte tout.
L'histoire de l'entreprise commence bien avant l'apparition des fixations à inserts, en 1968 : Henri Felisaz, originaire de Chamonix, implante un peu plus bas dans la vallée ce qui va devenir une entreprise familiale : Felisaz SAS, spécialisée dans la fabrication de cames pour tours automatiques.
Des cames, ça ne vous parle pas trop ? D'après Wikipédia, il s'agit d'un "organe mécanique permettant de piloter le déplacement d'une pièce". Ce sont des pièces métalliques aux formes diverses et variées, qui servent ensuite à créer d'autres pièces plus complexes, une fois placées sur un arbre à cames. Ces derniers, grâce aux cames, transforment leur mouvement de rotation continu en translation ou rotation alternée (quelques exemples ici), qui vont alors faire travailler un ou des outils donnant la forme voulue à la pièce finale. Un peu comme la partition d'une boite à musique.
Une came est donc, généralement, un disque de metal dans lequel le centre est percé (afin d'être ensuite placé sur l'arbre), et le contour usiné pour donner la forme précise demandée par le client. Des formes plus complexes peuvent être faites.
Ces dernières étaient très utilisées par les industries de la Vallée de l'Arve, spécialisées à l'époque et encore aujourd'hui dans le décolletage, technique de fabrication de pièces métalliques par enlèvement de matière.
L'entreprise, depuis reprise par le fils du fondateur, Albert, a ainsi développé un savoir-faire important en terme d'usinage de metal. Aujourd'hui, elle continue d'en faire, même si l'activité a baissé suite à la crise de la fin des années 2000 et de l'arrivée dans l'industrie des tours automatiques à commandes numériques, qui ne nécessitent plus de cames. La production de cames reste tout de même rentable, représentant environ un quart du chiffre d'affaire.
En 2005, le fils d'un des collaborateurs faisait des compétitions de ski-alpinisme, et cherchait une talonnière de fixation plus légère que celles de Dynafit, seul sur le marché à l'époque grâce à son brevet sur les fixations à inserts. Les équipes lui ont donc conçu une talonnière en plastique et aluminium (à gauche sur la photo de famille ci-dessous).
Deux ans plus tard, en 2007, ils améliorent leur premier modèle de talonnière et comme le brevet de Dynafit est tombé dans le domaine public, ils en vendent quelques-unes aux skieurs-alpinistes intéressés (deuxième à gauche, en jaune).
La première fixation complète, avec butée et talonnière, sortira en 2008 et s'appellera, bien sur, la Plum. Elle deviendra ensuite la Plum 145 puis Plum 150. Déjà, l'entreprise se différencie par la couleur orange de sa fixation, en aluminium anodisé, et investit en vue de se diversifier vers le marché du matériel de ski de randonnée.
L'année suivante ce sera le lancement de la Plum 280, première version de ce qui deviendra la fameuse Guide (ci-dessous, en bas à droite). L'entreprise prendra le nom de Plum en 2010. Elle développera un premier modèle de fixation de randonnée pour splitboard en 2012, qui arrivera sur le marché en 2014 : la Feyan.
Aujourd'hui, 33 employés font tourner l'entreprise qui produit intégralement et grâce à des produits français, locaux pour la plupart, autour d'une dizaine de milliers de paires de fixations par an. Plum, en partenariat avec les Shapeurs Alpins (Fiberflex/Aluflex), produit également des skis et des splitboards.
2005 - 2018, évolution jusqu'à la Plum 150 actuelle :
Les fixations sont imaginées et développées sur place, juste à côté de l'atelier, dans le bureau d'études. Trois ingénieurs y travaillent et assurent le rôle de chefs produit : ils commencent par analyser le marché avec l'aide des commerciaux ainsi que des retours des clients et des magasins. Ils étudient quelles sont les demandes, quelle va être l'évolution du marché dans les saisons à venir (arrivée de pratiquants issus de l'alpin et du freeride ces dernières années par exemple).
A partir de ces informations, ils établiront un cahier des charges de la future fixation (quel public et quelle pratique ciblés, quel niveau de DIN, quel type de déclenchement, quel poids, quelle résistance, etc.) et Florian commencera à la dessiner en 3D sur ordinateur (photo de gauche ci-dessous).
Les composants et leurs caractéristiques sont modélisés sur le logiciel, qui peut d'ores et déjà prédire le futur comportement de la fixation. Celui-ci sera ensuite vérifié sur le banc d'essai. Pour une Guide, ce sont pas moins de 44 pièces qui forment la fixation (soit plus de 80 pièces par paire, et plus de 200 dans le cas du splitboard), l'essentiel de celles-ci étant fabriqué sur place ou provenant de sous-traitants locaux (ressort et vis notamment).
Aurélien lui, est responsable industriel, méthodes et production. Il est en charge de nombreuses étapes dans le processus de fabrication, dont le parcours d'outils : à partir du dessin de Florian, il va modéliser le processus de fabrication des différentes pièces sur les machines à commandes informatique (photo de droite ci-dessous). Son but, au-delà de la "simple" création de la pièce, est d'optimiser la productivité au cours de la fabrication (en réduisant le temps d'usinage par exemple).
Voici le parcours complet depuis l'idée à la production : Cahier des charges -> Dessin complet industriel -> Mise en plan sur logiciel -> Parcours d'outils -> Création du programme d'usinage -> Premier prototype -> Dimensionnement, banc d'essai -> Eventuellement modifications au départ du dessin industriel, et rebelote jusqu'à obtention des caractéristiques définies par le cahier des charges.
Cinq ou six paires prototypes sont fabriquées (permettant au passage d'optimiser les différentes étapes sur les machines avant la production de série) et seront testées en long, en large et en travers sur le banc d'essai puis sur la neige (c'est là que les ambassadeurs jouent un rôle important), avant la validation finale du nouveau produit.
Dans une salle dédiée, les fixations vont passer au mains de Pierre, qui va les torturer dans tous les sens pour vérifier leur fonctionnement et leur résistance. Le banc d'essai permet de reproduire les différents déclenchements (latéral, vertical et combinés, ci-dessous à gauche) et vérifier les valeurs, tandis que le pendule simule les chocs que peut recevoir la fixation pendant son utilisation.
Bien que les fixations ne soient pas certifiées TÜV, les ingénieurs se basent sur les valeurs de déclenchement recommandées par les normes ISO, et les fixations Plum répondent à près de 90% des demandes de celles-ci. Elles sont également testées à l'usure, sur des cycles longs de milliers de déclenchements durant lesquels la valeur de déclenchement est vérifiée.
Notre petite fixation, testée et validée, est maintenant prête pour être produite en série. Les fixations Plum sont composées majoritairement de metal, de l'aluminium. Celui-ci est fourni sous la forme de gros cylindres (et parfois de pavés rectangulaires) de différents diamètres (comme pour les cames), en fonction de la taille des pièces pour lesquelles il sera utilisé afin de limiter la perte de matière.
Les cylindres les plus larges serviront à faire les parties principales, comme ci-dessous (avec une pièce de la Feyan). Ils seront d'abord découpés en palets d'aluminium bruts, avant d'être progressivement usinés par plusieurs machines pour arriver à la pièce voulue (tout à droite). Les pièces passent ensuite dans une sorte de machine à laver (tribo-finition) qui va les polir et modifier leur état de surface, notamment pour limiter l'effet coupant du métal fraîchement usiné.
D'autres cylindres sont placés dans une machine qui les usineras directement, fabriquant pièce après pièce. Chaque série est vérifiée plusieurs fois par jour : la pièce est calibrée puis assemblée avec les autres éléments de la fixation (photo en bas à droite).
On ne fait pas d'omelettes sans casser des oeufs : une partie des matières premières ne se retrouve pas dans le produit final, comme les rebuts (pièces non conformes, ici à gauche) ou les restes issus de l'usinage (à droite). Ces éléments sont revendus à des entreprises qui les recycleront.
Une fois les composants prêts, ils sont réunis dans la partie assemblage avec ceux qui sont directement fournis par des sous-traitants (comme les ressorts et les vis). Certains passeront d'abord à la tampographie, où une machine laser leur appliquera le logo Plum, les valeurs de déclenchement et leur numéro de série. Puis les techniciens monteurs les assembleront sur les différents postes d'assemblage, à la main et à l'aide d'outils.
Nos fixations prennent ainsi forme aux mains des opérateurs. Elles sont garanties 5 ans, mais Gaël (commercial) nous explique que le but tout de même, c'est que les clients ne reviennent pas pour un SAV (celui de Plum ayant d'ailleurs excellente réputation).
Ultime étape, les fixations sont emballées et stockées dans l'attente de leur expédition aux magasins, ou parfois directement chez l'acheteur. Elles n'attendent plus que d'être montées...
Pour ceux qui passent du côté de Thyez, vous pouvez vous arrêter et venir jeter un oeil au show-room/shop de la marque. Vous y verrez tous les produits et aurez les réponses à toutes vos questions. Il est possible d'acheter sur place.
A côté du show-room se trouve l'atelier, où les skimen préparent skis et snowboards. Ci-dessous à droite, il s'agit des fixations récupérées lors de l'opération "Prime à la fix" qu'organisait Plum, avec un rabais sur les achats de ceux qui ramèneraient une vieille paire de fixation de rando. La plupart ont été recyclées, mais les plus mythiques ont été exposées dans les locaux.
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