Cet article est une production skipass.com, réalisée avec le soutien de Julbo.
En novembre 2017, nous avons pris la route en direction du Jura. La destination ? Longchaumois, où se trouve le siège de Julbo, célèbre fabricant français d'optiques et protections. Une centaine de personnes travaillent là-bas, développant et produisant plus d'un million de produits par an : essentiellement des casques, masques et lunettes bien sur. Environ 40% du chiffre d'affaire du groupe est réalisé sur les marchés étrangers, la marque étant distribuée dans 90 pays. Aujourd'hui, nous vous dévoilons les coulisses de cette success-story française.
Cette année, la marque fête ses 130 ans, 130 ans de création d'optiques spécialisées. Son histoire commence bien sur dans le Jura, en 1888 à Morez, coeur de la vallée de la Bienne, spécialisée depuis le XIXème siècle dans la lunetterie. Son créateur est Jules Baud, qui donnera plus tard son nom à la marque. L'orientation "montagne" commence au début du XXème siècle, lorsqu'il fabriquera des lunettes à la demande des cristalliers chamoniards souhaitant protéger leurs yeux en montagne.
Les lunettes "glacier" Vermont débarquent au début des années 50 (à l'origine à destination de l'armée suisse) et accompagnent l'avènement de l'alpinisme. Elles seront utilisées par les plus grands alpinistes de l'époque, comme Lionel Terray ou Yannick Seigneur, conseiller technique de la marque.
La marque se diversifie avec le lancement de la gamme Nautic (Franck Cammas intègre le team en 1998) et la gamme Baby, destinée comme son nom l'indique aux tout-petits.
En 2010, Julbo lance le programme RX Trem, destiné à fournir des lunettes solaires adaptées à la vue. 2013 marque les 125 ans de la marque, avec la réédition des fameuses Vermont. Enfin, en 2015, le Labo RX est développé au sein du siège à Longchaumois, prenant la relève dans la création sur place des verres solaires adaptés à la vue (voir plus bas dans l'article).
Après ces présentations, nous allons refaire le trajet du développement d'un nouveau modèle de lunettes, depuis l'idée jusqu'à son arrivée dans les rayons des magasins. Tout commence dans le bureau des chefs produits...
Les trois chefs de produits, Mireille (optique), William (lunettes) et Nicolas (casques et masques) sont ceux qui ont la lourde tâche de gérer le développement d'un nouveau produit. Ils doivent identifier un besoin à partir des retours des utilisateurs, détaillants, commerciaux, athlètes, et ensuite imaginer et créer le produit qui y répondra, prenant en compte les différents impératifs (techniques, objectifs de la marque, délais, prix, normes, etc.).
Le chemin "classique" du développement est le suivant : partant du besoin identifié, les chefs produits envoient leurs demandes aux designers. Une fois le design validé, le prototype sera envoyé au bureau d'étude, puis à la mécanique pour développer les outillages (comme le moule qui servira à l'injection), avant de partir en production (une partie, la moitié environ, est fabriquée sur place, l'autre en Roumanie), et enfin en livraison.
Ce processus peut prendre un à deux ans avant l'arrivée du produit fini sur le marché, qui y restera en moyenne trois ans avant d'être éventuellement retravaillé (certains produits à grand succès pouvant y rester plus longtemps). D'autres produits un peu particuliers ont mis plus de temps avant d'être commercialisés : le masque Aerospace par exemple, a été imaginé en 2007, prototypé en 2011 et mis en vente en 2015.
Les athlètes de la marque (une cinquantaine sous contrat, auxquels il faut rajouter les ambassadeurs, plusieurs dizaines) sont intégrés au processus de développement. Ils font partie des testeurs qui font leurs retours sur les prototypes jusqu'à la validation d'un modèle. Certains ont même leurs promodels (gamme Aero avec Martin Fourcade, lunettes Rancho, masque Fam Cham pour les riders chamoniards, etc.). Chaque team se retrouve au siège une à deux fois par an pour faire le point sur les produits et envisager leur évolution.
Ce sont les designers qui vont donner sa première véritable forme au produit en développement. Ils commencent par une ébauche à la main, avant de passer au dessin sur ordinateur, et enfin à la fabrication de maquettes 3D. Au-delà de l'aspect visuel, ils doivent s'assurer tout au long du processus du confort du produit. Celui-ci est primordial. La tenue et le style viennent ensuite.
Après la forme, ils vont travailler sur les couleurs, tentant de suivre les dernières tendances. Un produit a généralement autour de 8 couleurs différentes (plus il y a de couleurs différentes, plus la conception se complexifie). Avant de partir au bureau d'étude, les idées "concrètes" prototypées sont validées (ou non, et retravaillées puis validées) par les chefs de produits.
Une fois un modèle validé, le bureau d'études est chargé de sa faisabilité, notamment les contraintes liées aux moules qui seront utilisés pour l'injection plastique : il en faut un pour la face, et un pour chaque branche. Un moule, c'est une pièce métallique creusée à la forme du produit voulu, dans lequel sera injectée de la matière plastique sous pression et chauffée. Ils sont entièrement conçus sur place par la méca, d'abord sur ordinateur :
Puis ils seront usinés directement dans des blocs de métal (première photo ci-dessous) par une machine à commande numérique (deuxième photo, moule en cours de fabrication), en plusieurs étapes améliorant progressivement la précision. Les dernières photos représentent des moules face et branches terminés. La conception complète des moules pour un modèle de lunettes prend environ un mois et demi, après une mise au point lors d'essais de fabrication. Une fois les moules prêts, on peut passer à la production en série.
Les modèles étant validés, l'outillage est prêt, on passe désormais à la partie fabrication des différentes lunettes. Une lunette, c'est un assemblage de cinq éléments principaux : la face de la monture, les deux branches et enfin bien sur, les deux verres. On peut y ajouter le cordon pour certains modèles.
Dans un bâtiment dédié sont fabriquées les montures, c'est là qu'a lieu l'injection plastique. Le principe : le plastique (sous forme de billes transparentes ou de couleur) est placé dans une sorte de gros entonnoir surplombant une presse, sous laquelle est placé le moule. Le ratio entre billes transparentes et billes de couleur permet d'ajuster précisément la teinte que l'on souhaite.
Cette presse (ci-dessous à droite) va chauffer et injecter sous pression la matière plastique dans le moule, prenant ainsi la forme de la pièce voulue (à ce sujet, voir l'article sur la fabrication des chaussures de ski). Quand c'est prêt, il n'y a plus qu'à ouvrir et démouler, et vous obtenez une première partie de lunette. Dans le même atelier sont assemblés les différentes pièces des cordons de lunettes (cinquième et sixième photos).
Les verres des masques et lunettes sont essentiellement en polycarbonate, une matière plastique tout aussi transparente que le verre mais plus résistante. Ils sont fournis bruts par un prestataire et doivent donc être retaillés et traités (avec l'ajout d'un film polarisant par exemple) en fonction du modèle auquel ils sont destinés. Ces verres originaux, ronds, sont donc disposés sur des moules en bois qui serviront de guides pour leur donner la forme voulue à l'aide d'une découpeuse.
Une fois les montures et les verres prêts, il n'y a plus qu'à assembler l'ensemble. Ensuite, chaque produit passe au Contrôle Qualité, y compris ceux qui n'ont pas été fabriqués sur place (toute la production passe par Longchaumois avant d'être expédiée aux détaillants).
Les catégories des verres sont vérifiées (photo à gauche ci-dessous, de 0 à 4 selon les normes ISO, qui correspondent à des pourcentages de filtrage de la lumière), ainsi que les axes des films polarisants (photo de droite). Au passage, savez-vous ce qu'est un film polarisant et à quoi il sert ? Sur le principe, c'est assez simple : leur but est de filtrer les rayons de la lumière issus d'une réflection horizontale sur une surface réfléchissante telle que l'eau, un écran, etc.
En pratique, physiquement, c'est un peu plus compliqué à expliquer (si cela vous intéresse, voici une excellente vidéo sur le sujet) mais retenez seulement qu'un verre avec un filtre polarisant possède un axe sur lequel il bloque ces rayons. Si vous faites tourner votre optique devant une source de lumière polarisée, vous vous en rendrez compte assez vite : sur un axe elle bloque totalement la lumière issue de cette source, et à 90° de cet axe elle la laisse passer.
Un dernier test sur un banc d'essai permet de vérifier que la paire de lunettes répond à certaines normes : celle-ci est placée entre un laser et une cible, chacun à deux mètres d'elle. Les deux cercles noirs de la cible correspondent à deux valeurs de deux normes qui doivent être respectées : les points du laser passés au travers des verres ne doivent pas être en dehors.
Une partie particulière a été développée au siège de Julbo en 2015 : il s'agit du Labo RX. Cette section est dédiée à la fabrication de verres optiques solaires sur mesure. Julbo est le seul fabricant au monde à posséder en interne cette capacité.
Le principe : une personne souhaitant une paire de lunettes solaires adaptées à sa vue demande à son opticien d'envoyer ses besoins de correction à la marque. Celle-ci va alors partir d'un bloc de verre (un palet "galbé" comme ci-dessous à gauche) qui, au travers d'une série de machines, va être travaillé pour obtenir précisément la correction voulue sur un verre correspondant au modèle demandé.
Le cycle complet de création d'une paire de verres optiques utilise une dizaine de machines, qui vont progressivement donner la bonne forme et la bonne correction au palet originel (usinage, polissage, ponçage, vernissage, etc.). Le Labo RX peut produire jusqu'à une trentaine de paires par jour, pour environ une dizaine de milliers de commandes par an (France et étranger).
Enfin, les produits prêts et contrôlés sont emballés puis stockés au sous-sol en attendant leur expédition vers l'un des nombreux clients de la marque.
Vous savez désormais tout sur les fameuses lunettes que certains d'entre vous utilisent chaque jour dans la vie courante ou durant la pratique sportive. Presque tous les modèles produits par la marque jurassienne sont regroupés ci-dessous, dans le show-room de la salle de réunion (à côté de la partie historique, vue en début d'article) :
35 Commentaires
Sans oublier la marque Solar, rachetée par Julbo, qui fait des lunettes toujours aussi françaises, mais moins axées sport. Bonne idée pour des lunettes originales avec une vraie histoire.
"production (une partie, la moitié environ, est fabriquée sur place, l'autre en Roumanie)" : comment c'est réparti ?
[mode conditionnel]Ce serait quand même un beau foutage de gueule, de la part de marque(s(?)) qui font leur buiseness avec les sports natures, que de salement dezinguer l’environnement pour fabriquer leurs produits...[mode conditionnel off].
Mais dans ce monde aujourd’hui plus rien n’est surprenant...
quelle est la qualité des écrans de ski zebra cameleon etc...
Il n’est pas dans notre habitude chez Julbo d’intervenir directement en commentaires mais devant les réactions calomnieuses postées à la suite de l’article sur notre entreprise, nous nous sentons obligés de réagir.
Nous employons plus de 100 personnes en France dont près de 90 au siège social dans le Jura. La production est assurée à 70% en Roumanie, 20% par des fournisseurs en Asie notamment pour les casques, les 10% restant étant réalisés en France. Nous maîtrisons en France, le design/bureau d’étude, la fabrication des moules destinés à la production, le surfaçage des verres pour les lunettes à la vue, l’assemblage pour les verres les plus techniques ainsi que tous les services commerciaux, marketing et logistiques.
Nous avons toujours communiqué de façon transparente sur l’origine de nos produits sans chercher à exploiter indûment le label « Made In France ». Nous sommes fiers de notre organisation et modèle économique, unique en son genre en Europe et dans l’univers de la lunette de sport.
L’auteur des commentaires en question a dirigé notre filiale Roumaine pendant 18 mois et a été licencié en décembre 2016. Consommation de matières hors contrôles, organisation catastrophique, menaces, pressions et intimidations sur les salariés, énorme turnover du personnel, désastre financier, nous ont conduit à prendre cette décision.
2 images sur les 3 publiées ne proviennent pas de notre site, nous n’avons pas de rivière et encore moins de poissons à proximité ! Les photos ci-dessous illustrent la réalité actuelle de notre site de production.
Nous ne répondrons pas aux éventuels nouveaux commentaires à ce sujet.
Christophe Beaud, Président Directeur Général Julbo.