Poudreuse en Crète

Peio Gaillard vous avait livré il y a quelques semaines ses meilleures photos dans les massifs pyrénéens, nous le retrouvons cette fois-ci en... Crète ! Ses quelques clichés postés sur Skipass Photos ont aiguisé notre curiosité et nous lui avons donc demandé de nous conter son voyage sur l'île grecque cette fin d'année 2016. Parfois, en cherchant l'or blanc là où il se trouve, il y a de beaux voyages à la clé...

En cette fin d'année 2016, le moral n'est pas au beau fixe... Les Pyrénées (ndlr : vous l'aurez compris Peio est Pyrénéen) et plus largement tous les massifs français attendent désespérément le déblocage de la situation météo... Ce foutu anticyclone semble avoir pris ses quartiers sur l’hexagone pour une durée indéterminée (mais c'est peut-être enfin fini) ! Une envie pressante voire obsessionnelle commence à m'envahir. C'est une envie assez simple et peut être un peu primitive : celle de retrouver des montagnes avec un véritable aspect hivernal, des arbres croulant sous la neige et quelques combes vierges de toutes traces !

Dimanche 25 décembre, le repas dominical terminé, une évidence s'impose. Le bike ou la rando en hiver c'est très sympa mais cela ne remplacera jamais le ski. Assez rigolé ! Je m'installe devant mon écran et je commence à regarder les différents modèles météo. Premier constat, le père noël est un radin, il semble avoir complètement oublié la France... Rien à se mettre sous la dent ! J'ai beau scruter les prévisions des pays frontaliers, rien à l'horizon... En revanche, il semble que depuis le début de la saison, la zone du Caucase, la Turquie, le Liban et la Grèce ramasse sévère. En regardant de plus prêt, il semble même que quelque chose de très sympa se profile sur la petite île de Crète. Après quelques recherches sur les webcams du coin et plus particulièrement sur celle du plus haut sommet de l'île, le Psiloritis, les conditions y sont déjà plus que correctes...

Efficacité ! Nous sommes Dimanche 25 décembre, je viens de trouver un vol pas cher au départ de Barcelone pour le lendemain, le lundi 26. Dans ces moments là, tu es content d'avoir des potes réactifs. Une heure plus tard, Fabien débarque à la maison avec sa housse à skis, prêt à prendre la route. Moins de 20h plus tard, nous débarquons à l'aéroport d'Héraklion. Il pleut des cordes, la température est fraîche, bref cela s'annonce bien.

Nous avons eu le temps dans l'avion de repérer l'itinéraire de la face sud ouest du plus haut sommet de l'île qui culmine à 2456m. Notre pote Sylvio, qui avait été trainer dans le coin l'année dernière nous avait donné envie, en évoquant cette belle face de plus de 1000m de dénivelé parfaitement taillée pour le bon ski. Lorsque nous prenons la route en direction du village d'Agia Galini, qui sera notre camp de base, nous ne savons absolument pas à quoi nous attendre. A mi-chemin, nous nous arrêtons dans un petit village de montagne afin de faire trois courses pour le lendemain. Cinq minutes plus tard, nous nous retrouvons attablés à la caisse de l'épicerie à déguster du vin crétois et de la saucisse locale préparée par le patron. Bienvenue en Crète !

Le lendemain matin, en partant pour l'ascension du Psiloritis, le massif semble complètement accroché. Assez partisan du fameux adage « qui regarde trop la météo, passe sa vie au bistrot », nous forçons le destin en chaussant les skis sous la tempête de neige... Nous remontons un incroyable bois d'oliviers en direction du refuge de Toubotos Prinos. Il neige fort, nous n'y voyons pas bien loin mais le moral est bon. Arrivés au refuge (uniquement ouvert en été), nous essayons de nous caler à l'abri du vent et de la neige en espérant pouvoir se réchauffer un peu. Peine perdue, la météo n'évolue pas mais Fabien me motive à continuer vers le sommet. Après plus de 3 heures à cheminer dans le brouillard, nous nous retrouvons juste sous le sommet. Nous n'y voyons pas plus loin que le bout de nos skis ! Malgré l'attente dans le froid et le vent, la météo ne s'améliore pas... Et puis parfois en montagne, tu ne sais pas vraiment pourquoi mais il semble qu'une incroyable bonne étoile t'accompagne... Le temps d'enlever nos peaux, et les nuages se déchirent de façon magistrale laissant place au soleil et à une incroyable vue sur la côte crètoise et la mer de Lybie.

Le reste se passe de commentaires, la descente est simplement parfaite sur une neige excellente à rider de haut en bas. Lorsque nous rejoignons la côte le soir, nous savons que le trip est, à nos yeux, déjà gagné... Quel plaisir de glisser dans ces conditions dans un cadre pareil.

Les jour suivants nous faisons le choix de rester dans le coin. Nous sommes tombés amoureux de ce massif. Nous avions prévu de tirer à l'ouest vers le massif des White Mountains, mais il semble que nous ayons été atteints par le fameux rythme grec : « Lentement le matin, doucement l'après midi et pas trop vite le soir ! ». Nous voulons prendre le temps de nous balader, de profiter, de repérer, bref d'être parfaitement en phase avec l'ambiance locale. Et cela tombe plutôt bien car nos repérages successifs des jours suivants nous permettront de profiter pleinement des conditions dantesques que nous allons rencontrer. Une première perturbation laissera sur son chemin un cumul d'un bon mètre de neige poudreuse parfaite à skier... Inutile de vous dire que nous aurons su faire honneur à ce cadeau du ciel. 

Nous avons alors exploré des bois plus beaux les uns que les autres, de longs runs poudreux entre chênes et oliviers, vécu ces moments intenses où vous avez vraiment la sensation d'être au bon endroit au bon moment ! Il va de soit que durant cette semaine passée sur les versants du Psiloritis, nous n'aurons pas croisé un seul skieur ou randonneur. Nous aurons juste amusé quelques bergers locaux, vivant la haut à l'année avec leurs chèvres et brebis, surpris de nous rencontrer sur leur terre. Ces moments de partage et de rigolade lorsqu'ils nous questionnent sur notre matériel « one palette or two palettes ? », leurs têtes stupéfaites lorsque nous leur expliquons que nos vestes sont garnies de laine de moutons et leurs visages radieux en observant nos visages décomposés avec quelques verres de Raki ! La Crète est certes une destination improbable pour un trip ski mais après quelques années à arpenter les massifs, elle reste à mes yeux, surement l'une des plus belles destinations qui m'ait été donnée de découvrir avec mes spatules.