Tendre le bâton pour se faire battre

Le contexte actuel est compliqué. Pour beaucoup de monde.

Nous, qui habitons la montagne avons la chance depuis quelques jours et semaines de pouvoir profiter à nouveau de son joli manteau blanc. En effet, la grâce présidentielle de 20km / 3h nous permet désormais "légalement" d'aller et venir dans nos montagnes.

A contrario, les domaines skiables voient leurs remontées fermées jusqu'à nouvel ordre. Dur, dur. 

Il va falloir rejoindre les sommets par la force de nos jambes si l'on veut pouvoir glisser de nouveau. Les plus chanceux étaient déjà équipés, les autres devront passer par la case "battle marketplace / leboncoin / blackfriday" ou négocier avec leur commerce local un pack à moindre frais. Les derniers quant à eux, prendront leur courage à deux mains, les raquettes sur leurs deux pieds et leur matos d'alpin accroché sur le sac pour s'élancer à l'assaut des sommets avoisinants.

Bien évidemment le manteau neigeux est encore un peu limite. On ne veut pas flinguer ce beau matos qui nous a coûté un SMIC donc on reste là où l'on sait que les gros vilains sharks se font rares: les pentes lisses et plus ou moins herbeuses des domaines skiables du coin.

Sauf qu'il ne faut pas oublier que ces fameuses pistes de domaines skiables sur lesquelles nous évoluons - bien qu'elles semblent à l'abandon en ce moment - demeurent en exploitation par les gérants des domaines skiables. Les pisteurs, conducteurs de dameuses et autres techniciens qui ont été embauchés avant l'interdiction d'ouverture ont encore du boulot à mener en prévision d'une ouverture début janvier mais aussi tout simplement pour assurer la fameuse "sécurisation du domaine": Pose de matelas, filets, damage, production de neige et bien évidemment PIDA: Plan d'intervention pour le déclenchement des avalanches.

Venons-en aux faits...

Nulle doute qu'en ce beau dimanche matin du 13 décembre 20-annéedemerde-20, après les conséquentes chutes de neige de la veille, certains domaines allaient vouloir procéder à ces fameux déclenchements d'avalanches. Comme pour tout PIDA (domaine ouvert ou non), l'accès au domaine est interdit/restreint afin d'éviter la rencontre entre un skieur et une avalanche déclenchée préventivement. L'utilisation d'explosifs manipulés par la main de l'homme, tout comme les systèmes contrôlés à distance comme les Castex.... euuhhh pardon, les Catex ou Gazex, détonent à travers la montagne pour faire tomber la neige instable et ainsi anticiper sur d'éventuels dangers futurs (déclenchements naturels ou dûs aux passages de skieurs et pouvant affecter l'intégrité physique de ces derniers tout comme des bâtiments et infrastructures des domaines qui organisent ces PIDA).

Donc quand une énorme banderole barre et interdit l'accès aux pistes du domaine pour cause de déclenchement d'avalanche, damage au treuil, ou autre raison. Respectez cette interdiction.

Attendez que le damage et le minage soient fini, qu'un pisteur vienne enlever la banderole et vous fasse signe que le domaine est sécurisé pour vous élancer.

Sinon quoi?

Il suffirait d'un seul accident, d'une seule boulette, d'un seul co**ard qui se croit plus malin que les autres pour que ce soit l'intégralité de notre pratique de ski de randonnée qui soit remise en cause.

Un arrêté peut rapidement être pris par une mairie pour interdire la pratique du ski de randonnée sur son domaine skiable (c'est souvent le cas déjà pour la pratique du ski de rando en dehors des horaires d'ouverture du domaine car le câble d'une dameuse l'emporte aisément sur les ptites jambes/têtes/bras des collants pipettes qu'il rencontre).

Un accident aurait des répercussions terribles:

• Premièrement, sur la victime elle même - merci Capitaine Obvious.
• Deuxièmement, sur le pisteur ou dameur qui serait mis en cause pour "avoir malheureusement tenté de faire son boulot correctement". Traumas psychologiques à vie à la clef.
• Et troisièmement, sur toutes les personnes qui n'ont rien demandé, qui ont respecté les règles pour ne pas faire chier ces dameurs, pisteurs et autres employés de station et qui vont sûrement voir l'accès à leur pratique de ski de randonnée facile sur pistes fermées tout simplement aboli.

Alors oui, certains diront que le ski de rando sur piste c'est pour les novices, les flipettes, que le VRAI ski de rando se fait loin dans la montagne, etc. Sauf que la réalité à l'heure actuelle est que TOUS les skieurs, de toutes expériences, de tous niveaux fréquentent les pistes de leurs domaines pour cette pratique.

Bref, je pense que mon message est passé. Que ceux qui ne l'ont pas compris se regardent un moment dans un miroir pour voir s'ils ne se manquent pas eux mêmes un peu de respect. Je suis conscient qu'il y a beaucoup de règles à respecter en ces temps difficiles mais qu'il faut juste parfois s'arrêter et réfléchir 5 minutes à nos actes, prendre un peu de hauteur et faire le point sur ce qui vaut le coup d'être risqué ou non.

Soyez prudents là hauts. Soyez moins cons que vos voisins. Et peut être, seulement peut être, que nous pourrons tenter d'avoir une saison sympathique qui ira loin et finira bien, en 2021.

Nous vous proposons aussi de réviser vos classiques en matière de sécurité ainsi que de vous faire un petit rappel sur ce qu'est une avalanche avec les magnifiques suivis "Loïc Giaccone certified" des années passées.

Ci dessous une rapide explication "in situ" qui m'amène à écrire ce billet:

Domaine skiable de Samoëns sur le domaine du Grand Massif, en cette matinée du 13 décembre. J'étais non loin de cette banderole (photo ci-dessous) qui marquait la fermeture de la piste en attendant la fin du déclenchement des avalanches en cours depuis 7h30 du matin. Entre 9h30 (notre arrivée) et 11h (le moment où la piste a été ouverte et où nous avons attaqué notre rando), une grosse cinquantaine de personnes ont complètement ignoré cette banderole qui leur coupait le chemin et ce, malgré les bruits très proches de détonations assez réguliers. Certains ne se sont même pas arrêtés devant. Certains ont débattu en groupe, mais un membre avait toujours le mot "ça craint rien" pour embarquer ses com(con)-pères dans l'aventure. Des vieux solos, des couples amoureux, des bandes de potes, des familles avec leurs gamins de 10 ans, des mecs en splitboards comme des mecs en raquettes ou même à pied. Toute la faune des glisseurs sur neige est passée devant nos yeux.

Nous avons tenté d'engager la discussion avec certains skieurs: "C'est dangereux, il faut respecter le travail des pisteurs, ils n'ont pas envie d'avoir votre mort sur la conscience" mais c'était peine perdue. PERSONNE n'a vu l'intérêt d'attendre.

Alors oui attendre 1h30 alors qu'il y a 40cm de fraiche c'est emmerdant surtout qu'aucun bar resto n'est ouvert pour se réchauffer avec un green-chaud... mais bon. La connerie humaine prendra toujours le dessus et ça me désole.

Le gentil post facebook de la part du domaine pour prévenir de l'opération de PIDA - Ok il n'y avait pas clairement d'interdiction mais le bon-sens aurait du prévaloir.