Lundi matin, retour au bureau, je m'installe avec mes pantoufles et mon café (les avantages des inconvénients du télétravail). Je me pose la question : que veulent lire les Skipasseurs, lorsqu'ils glandent au boulot prennent leur café ?
Avec un titre comme ça, je vais attirer les fans de Ski Porn. Je pourrais mettre en avant notre grosse production, avec hélicoptère personnel, répétitions et maquillage.
L'effort de la montée, dans ce long vallon du Badet pour atteindre le Pic de la Gela, me fait prendre du recul.
Un tempête de sable du Sahara a déposé une couche rouge sur nos montagnes. Si le phénomène n'est pas rare dans les Pyrénées, l'intensité était exceptionnelle. Je nous voyais déjà faire des images de virages blancs sur un paysage rouge, et raconter nos aventures sur Mars. Mais malheureusement heureusement pour nous, 10 à 15cm de fraiche étaient venus recouvrir le sable sur les hauteurs Pyrénéennes.
Si le sable est un épiphénomène, nous faut-il quand même nous préparer à arpenter nos montagnes en string ?
Cette saison si spéciale nous force à utiliser nos muscles pour gravir les pentes convoitées. Pas d'aide mécanique, pas d'électricité.
Sommes-nous devenus écologiquement responsable ? Sommes-nous, de toute façon, responsables individuellement de ce réchauffement qui menaces nos montagnes, les Pyrénées et stations de moyenne altitude en tête ?
Station fermées, limite des 20km, rupture de matériel neuf : le ski de rando en 2020, la définition du ski durable !
Le changement climatique est bien en route, tel un cargo lancé à pleine vitesse au milieu des Icebergs, et de la même façon, le ralentir ou lui faire changer de trajectoire n'est pas une mince affaire.
Il se traduit dans nos montagnes par un réchauffement mesuré et visible (1) : fonte des glaces, chutes de blocs, réduction des quantités de neige moyenne, remontée de l'iso 0.
Nous savons déjà que les stations des Pyrénées, comme celle de moyenne montagne, sont menacées en 1ère ligne (2), et l'activité ski de tourisme avec.
Nous, simples skieurs, montagnards, amoureux des montagnes, ou professionnels du secteurs, sommes parmi les premiers témoins de ce réchauffement des montagnes. Ayant sous les yeux les glaciers, le téléphone connecté en continu aux nivôses et autres mesures des cumuls de neige, nous voyons en direct la nature se transformer.
Revenons dans mon vallon du badet : l'ascension réelle débute au fond du vallon, remontant jusqu'à la Hourquette de Charmentas, découvrant enfin l'objectif du jour : le couloir du string, caché dans les replis du Pic de la Gela. Couloir de près de 300m de dénivelé, entre 40 et 45°, direct et esthétique. Très visible depuis le pic de Piau, il nous donne régulièrement envie.
C'est une sortie un peu spéciale pour moi, car c'est un prétexte à fêter mon anniversaire en montagne, ou peut-être l'inverse, l'anniversaire étant un prétexte à une nouvelle sortie.
Voilà 34 ans que je côtoie ces montagnes, et si je ne me souviens pas des premières années, je sais que le jour de ma naissance, la ville de Tarbes était recouverte de 20 cm de neige.
Je ne me souviens pas avoir vécu ça à nouveau.
Une trentaine d'année, c'est court pour faire des statistiques, mais je constate que de plus en plus souvent, l'iso 0 est un poil trop haut, le réchauffement après la chute de neige arrive un poil trop vite, la neige se transforme trop souvent en pluie, pour profiter régulièrement de grosses sessions poudreuse.
Et pour les Alpins, qui découvrez ces dernières saisons (malchanceuses) les redoux, la croutasse, le "D-day only", bienvenue dans notre monde. Vu de quelques degrés dans votre futur, je peux vous inciter à provisionner des RTT, il faudra être réactif pour profiter de la peuf !
Le ski de loisir peut sembler un détail futile dans le paysage mondial, mais ici sur Skipass, c'est notre futilité. Pour certains, un moyen de vivre, pour d'autre une raison de vivre, une motivation pour se lever le matin. Je réclame le droit à parler de ski, défendre cette passion, en étant conscient du privilège.
L'origine anthropique du changement climatique (notre faute, quoi) est largement prouvée et documentée. Alors, si c'est de notre faute, que faut-il faire ?
Les responsabilités individuelles et collectives sont intimement liées, et si faire des efforts tout seul dans son coin n'a pas beaucoup d'intérêt, penser que cela nous dépasse serait, d'abord faux, et ensuite bien déprimant.
Si vous faites du ski, il y a de fortes chances que vous fassiez partie des catégories sociales supérieures en terme de revenus. Les émissions C02 individuelles étant directement corrélées aux dépenses, les plus riches polluent le plus.
Si vous vivez en montagne, voire de la montagne, votre modèle de vie est basé sur une activité fragilisée.
Le cabinet Carbone 4 a estimé que 25% de nos émissions individuelles (5) sont éliminables sans effort financier particulier.
C'est déjà un grand pas en avant.
N'oublions pas les ordres de grandeur.
En bon Toulousain, je fais des centaines de kilomètres en voiture pour rejoindre mes spots préférés, et comme tout citadin, mon impact principal au ski, c'est le transport (surtout sur la journée).
Energie utile (4) pour monter les 100kg de bonhomme et matériel sur 1200m en 3h : 330 Wh (280 calories)
Energie dépensée pour faire 400 km pour arriver à la station (et revenir) : 320 000 Wh (275 000 calories)
Ouaip.
Même si on covoiture à 3 ou 4, la partie montée en montagne reste négligeable en terme d'énergie en jeu (à pattes ou en télésiège).
Si on ajoute le matériel aux déplacement et logement, c'est pas joli-joli (3). La voiture électrique, bien que pleine d'intérêt, serait typique d'une fuite en avant du monde "riche" qui souhaite conserver son confort de vie (quitte à sponsoriser des grands snowboardeurs pour vendre des tanks électriques).
N'oublions pas que les premières stations des Pyrénées ont été créées pour apporter une activité hivernale aux bergers et leurs familles. Ainsi c'est la subsistance de la vie dans nos montagnes, et le pastoralisme local qui était en jeu à l'époque. Quelle modèle de vie à la montagne voulons nous aujourd'hui pour nos enfants ?
Un changement conséquent de modèle de société et d'émissions n'est possible que par une action politique de grandeur ampleur.
Le politique répond à 2 forces : l'opinion publique et les grands enjeux financiers (indirectement liés à notre vote-carte-bleue).
L'optimisme est donc de mise : c'est l'addition des individualités qui fera pencher la balance et basculer le modèle (6).
Personnellement, en me renseignant sur le sujet plus en profondeur, je suis passé par plusieurs phases, comme beaucoup:
- le choc, de l'ampleur de la tâche
- "il faut tout changer immédiatement"
- la déprime, au vu de l'état de l'action,
- l'information continue, l'apprentissage, la formation,
- Enfin la compréhension que la clé, c'est la diffusion de l'information et du savoir au plus grand nombre, et l'évolution de l'opinion publique.
D'abord, apprendre, se renseigner. Je vous propose des ressources plus bas, celle-ci n'étant pas exclusives.
En première approche, je conseille une conférence "Energie et Climat" sur la chaine de Jean-Marc Jancovici, c'est complet et suffisamment facile à regarder (1h de youtube) ; et pourquoi pas son intervention dans la conférence du Syndicat des Guides de Haute Montagne.
Ensuite, évoluer. Si vous aviez prévu votre prochain trip ski au Japon, au Chili, regardez du côté de l'Europe de l'Est, des Pyrénées, ou pourquoi pas de la Corse !
Peut-être nous faudra-t-il accepter que le ski sera réservé aux gens de la montagne. Et pour moi, pourquoi pas, déménager, changer pour une vie plus proche de mes sommets favoris, régime graines et tofu ?
Météo France éclaire le climat en France : https://meteofrance.com/actualites-et-dossiers/actualites/meteo-france-eclaire-le-climat-en-france-jusquen-2100#:~:text=La%20temp%C3%A9rature%20moyenne%20en%20France,scenario%20RCP%208%2C5).&text=continus%20en%20%C3%A9t%C3%A9.-,Le%20r%C3%A9chauffement%20atteindrait%203%2C9%20%C2%B0C%20par%20rapport%20au,scenario%20RCP%208%2C5).
Pour les Pyrénées : OPCC, l'Observatoire Pyrénéen du Changement Climatique. https://www.opcc-ctp.org/
Le site https://bonpote.com/ plein de ressource à portée de lecteur néophyte. Commencez par une interview d'un certain… Loic Giaccone (si tu me lis, ton mémoire n'est plus dispo…) https://bonpote.com/bon-pote-4-loic-le-ski-est-il-ecologique/
Les Conférences de JMC "énergie et climat" et pour approfondir, ses cours de l'école des mines
Le résumé pour décideur du 5ème rapport du GIEC https://www.ipcc.ch/site/assets/uploads/2018/03/WG1AR5_SPM_brochure_fr.pdf
1 https://www.skipass.com/news/151739-nos-montagnes-se-rechauffent.html
2 https://www.skipass.com/news/189456-skiera-t-on-encore-en-2100.html
4 : l'énergie dépensée par le bonhomme est bien supérieure car le corps humain est très peu efficient (regardez comme on transpire !) Il faut de plus ajouter la distance, les frottements, etc.
7 Commentaires
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Je n'ai pas bien compris où nous menait cet article ?
La solution que tu proposes, c'est de privatiser "vos montagnes"?
Il faut sauver le tourisme ou l'empêcher ?
Il faut coller les gens au chômage (et donc les faire migrer dans des métropoles) ou y pérenniser des emplois ?
Il faut verser les indemnités gouvernementales covid aux stations ou pas ?
Bref, bien content pour toi, mais je ne pense pas que la solution, ce soit que l'on aille tous y habiter...
Je ne propose pas de solution mais une réflexion, et un encouragement à s'informer.
D'ailleurs je ne parle ni de covid, ni d'indemnité. C'est un problème à court terme avec des solutions court terme.
Imagine s'il y a plus du tout de neige exploitable dans les pyrenees dans 50 ans, est ce qu'on se pose la question d'indemniser les stations ou est ce que cette question n'a pas de sens ?
Connectez-vous pour laisser un commentaire
À chaque fois que j’ai tenté de trouver une solution pour aller en train depuis Strasbourg avec mes enfants dans les Alpes, ça s’est révélé logistiquement super galère, super long >10h et bien cher.
Je parle du covid et des indemnités, justement pour se demander si ça vaut le coup de perfuser aujourd’hui une activité dont on est sûr qu'elle n'est pas durable dans cette forme? Sans compter que ça passerait mal de faire financer aux français une activité qui leur soit interdite pour la grande majorité.
La réalité, c’est que l’on a encore près de 5-600 stations de ski en activité, qu’on ne peut non seulement pas démonter, mais qu’elles font vivre les vallées concernées, sans cela les personnes n’y trouveront plus de travail et devront les quitter ; les fabricants de matériel fermeront et réduiront d’autant l’offre disponible, accélérant le déclin de l’ensemble.
Donc, oui avoir conscience de notre empreinte et du réchauffement, c’est bien, mais il faut trouver de vrais axes de solution si l’on souhaite sauver les activités en montagne.
Arrêter totalement le ski aujourd’hui, ne changera plus grand-chose à l’histoire du réchauffement malheureusement.
Je t’assure que dans les Vosges le problème est encore plus imminent que dans les Pyrénées.
Connectez-vous pour laisser un commentaire