Le retour d'Est de début mars a été quelque peu décevant pour les skieurs des Alpes du Sud. Habituellement, il nous suffit de monter vers Isola pour profiter d'une neige fraiche et abondante (comme lors de ce début de saison en décembre), mais cette fois-ci, quasiment rien ne passera la frontière italienne, et ce sont nos compatriotes du Piémont qui vont tout récolter. N'ayant pas eu une incroyable saison hors des pistes autour de Nice, et étant probablement une des dernières opportunités de voir la neige dans le coin, je scrute les cartes météos depuis plusieurs jours pour voir si le week-end du 4/5 pourrait être un bon créneau de ski de l'autre côté de la frontière. En effet, la situation dans les Alpes du Sud, même si moins catastrophique que dans les autres massifs, est loin d'être exceptionnelle. Deux années de suite que l'enneigement se fait rare, et qu'à part lors des quelques chutes ponctuelles, on est obligé de rester sur les pistes au risque d'exploser les semelles et les genoux sur une neige béton ou caillouteuse. Alors quand les prévisions ont commencé à devenir fiables, on a convenu d'aller voir de nos propres yeux le Piémont enneigé, et ce fameux retour d'est. Avec Erwan, un pote de la fac, on a décidé de louer sur Cuneo, puis de voir en fonction du temps sur quel coin basculer. Et c'est ainsi que vendredi 2 mars, on est sorti du boulot skis sur le dos, et valise au cul.
Ni Erwan ni moi ne connaissons le Piémont. On a vu quelques articles, entendu parler par les collègues de Limone et de son centre ville très mignon, mais c'est une grande première. Après 2h45 d'une jolie route tantôt longeant la côte, tantôt remontant par les petits villages au soleil couchant, nous arrivons sur place. Cuneo (ou Coni), est une jolie ville, de taille moyenne, qui se trouve à 600 mètres d'altitude au cœur du Piémont. Son avantage est de se situer à équidistance de Limone et de Prato Nevoso, les deux coins qui nous tentent bien. Après avoir testé la gastronomie locale et gouté au vin du Ligure, nous voilà parti pour une courte nuit.
Le lendemain, on attaque la route vers la Riserva Bianca et son fameux centre-ville. Un sacré bazar nous attend puisqu'au moins la moitié de l'Italie a la dalle de poudreuse. C'est plus d'une heure d'attente pour réussir à récupérer un forfait et aller en haut des pistes, non pas sans quelques orteils écrasés au passage. En haut, c'est magnifique. Le Piémont, ce sont des paysages et des luminosités uniques. Du fait de sa faible altitude et de l'absence de vis à vis, on se retrouve avec une vue plongeante sur les terres, et une visibilité excellente jusqu'aux Alpes du Sud voir plus (je ne suis pas très bon en géographie). La neige est excellente sur pistes, mais c'est déjà pas mal tracé alors qu'on est sur le premier jour de beau temps.
On essaye rapidement de se retrouver au sommet, et on attaque par la jolie zone à droite du télésiège "Pian del Leone", qui offre un dénivelé de 300 mètres sur une jolie distance, peu d'obstacles ni de difficultés. N'ayant pas un incroyable niveau, c'est parfait pour moi. On a fait ainsi plusieurs rotations tant la neige était encore douce et légère, avec au final encore moyen de faire quelques jolies traces au milieu de la traffole environnante. Après une bonne pinte au chalet du coin, on repart sur le versant autour de Limone 1400.
Orienté plein sud, la température grimpe subitement, et on se rend compte qu'à l'inverse du secteur de Limone, où on pouvait facilement s'enfoncer jusqu'au genoux, il n'y a quasiment plus de neige sur ce secteur : entre les multiples runs datant des derniers jours qui ont littéralement quadrillé la zone, et le vent/soleil qui a fait fondre une grosse partie, on touche très vite le fond. Erwan n'en démord pas, et se chauffe pour une zone qu'il a vu depuis le télésiège de "Colle di Tenda". On s'élance sur la première section, hyper tracée et, même si loin d'être désagréable à skier, assez frustrante. On s'avance doucement, pour ne pas trop faire chauffer les cuisses, et d'un coup on se retrouve sur un petit champ de neige encore fraiche : miracle. Mais à peine le temps de faire trois ou quatre virages qu'on se retrouve sur une piste forestière pour rejoindre les remontées. Frustrés, on décide quand même de refaire 3/4 fois le chemin pour être sûr de bien profiter de ce petit oasis de poudreuse.
Enfin, on termine la journée par une descente au niveau de la combe à droite "del Leone". Un joli mur à descendre, avec une neige très agréable à nouveau mais toute tracée, puis un sentier qui longe l'énorme paroi rocheuse, et nous propose un paysage magistral sur toute la vallée. Au bout de 5 mn de traverse, on arrive dans une zone un peu moins tracée, et qui conserve une neige fraiche, et une bonne descente. C'est le meilleur moment de la journée. On refait un petit check DVA pour être sûr, puis on s'élance sur cette face qui restera la meilleure du séjour.
Au retour, petit restaurant et débrief de la journée : malgré ma résolution de faire du sport, les cuisses ne tiennent toujours pas assez.
Après s'être enfilé 3 fois notre poids en charcuterie et avoir pioncé comme des masses, on réattaque (non sans peine) cette 2e journée. Evidemment, on a du mal à démarrer et on se retrouve pour 8h45 à Prato Nevoso, au milieu de milliers d'autres skieurs venus également profiter de la magnifique journée. Cependant, la logistique est très bien gérée, et malgré la forte affluence, on se retrouve très rapidement sur les premiers sommets. Là où Limone proposait de beaux paysages plongeants, Prato Nevoso s'étale tout le long sur le domaine de Mondolè, proposant de nombreux points de vue très dégagés, tout en longueur, mais aussi parfois violemment abrupts. On peut ainsi avoir une vie incroyable sur tout le plateau entourant le Piémont, mais aussi des sommets aux arêtes effilées, et de grandes faces accessibles en randonnée et qui feront rêver tout amateur de ski.
On attaque le 1er run de la journée, le plus accessible, et le plus horrible. C'est tout transformé, et tout a regelé. Faut changer de secteur, mais arrivé vers la "Cima Bianca", on se rend compte que l'entièreté du domaine a été tracé. Le moindre cm3 de neige a été exploité, chaque zone quadrillée. Des faces vierges, encore accessibles en rando, nous narguent.
On glisse doucement vers Artesina, profitant finalement de la neige sur piste de bonne qualité. A 11h30, découragé par une queue trop longue sur un petit télésiège, on se laisse déraper jusqu'à une petit pizzeria locale qui nous gratifiera d'un festin pour presque rien.
On tente une dernière rotation vers "Truca della Turra", et finalement on tombe sur quelques zones qui, sans être encore vierges, restent sympa à skier. Quelques (très) petites barres rocheuses et quelques rochers enneigés nous permettent de nous tasser les vertèbres. Quelques petits runs en forêt nous remontent le moral, et le téléski de la "Cima Durand" nous permet de finir la journée avec une vue incroyable, dans une trafolle encore très légère. Le domaine possède un énorme potentiel avec des hors-pistes de gravité, mais surtout énormément de faces accessibles avec de courtes approches (30 mn à une heure max) mais de gros dénivelés réalisables. Une petite pause thé plus tard, on reprend la route vers Nice.
Le Piémont a été une expérience très courte mais très chouette. Malgré notre arrivée un peu tardive, on a pu profiter quand même de jolis paysages, d'une neige trop souvent tracée mais malgré tout agréable, et d'une gastronomie très réconfortante. Les températures annoncées pour le reste de la semaine ne laisse pas envisager de retour possible avant la saison prochaine. Par contre, soyez plus malins et plus motivés que nous, prenez les peaux car même sur le domaine le potentiel est ainsi décuplé.
Pour avoir des images plus pros, Wadeck Gorak était à Artésina la semaine dernière et a envoyé du lourd. Et sur la communauté skipass, twann74 a fait des lives de fou qui méritent le coup d'oeil. Profitez bien avant le lessivage de cette semaine, et prenez soin de vous ! (en bonus, quelques photos de nourriture pour vous convaincre d'y aller)
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