Le massif des Dolomites est composé de nombreux sous massifs tous reliés les uns aux autres grâce au fameux domaine Dolomiti Superski qui serpente entre les sommets escarpés. Pour la topo, dans les Dolo il n’y a que très peu de zones de pâturage ouvertes et débonnaires, on passe le plus souvent directement de la zone d’arbres à la zone des cônes d’éboulis sous les immenses falaises dolomitiques dont les sommets côtoient la plupart du temps les 3000 m. Quelques téléphériques permettent de descendre du sommet de la Tofana di Mezzo, du Lagazuoi ou de la Marmolada par une ou plusieurs pistes et ce pour le plus grand plaisir des skieurs du monde entier.
Mais l’avantage des Dolo, et malgré une anthropisation extrême avec des remontées de partout (domaine le plus étendu du monde), c’est de pouvoir se retrouver dans des conditions de haute montagne avec des itinéraires plus ou moins engagés au coin des pistes.
Après avoir passé 8 ans à écumer la zone, laissez-moi donc vous comptez l’histoire du massif des Sella et de la Funivia du Sass Pordoi.
Il était une fois Maria Piaz, dite la Madre del Pordoi, née en 1877, entrepreneuse de la vallée de Canazei. Afin de booster le tourisme dans la région elle s’est dit qu’un téléphérique qui nous monte sur un des plus beaux balcons des Dolomites serait nécessaire. Malgré les deux guerres qui ont laissé de nombreuses traces dans le massif, le projet lui est resté en tête. La Funivia a été inaugurée en 1963, période pionnière du développement des remontées et première remontée d’envergure dans les Dolomites. C’est aujourd’hui un des téléphériques les plus actifs, été comme hiver, afin de faire admirer la vue de là-haut aux touristes, qui redescendent par le même moyen. Ainsi, en tant que skieur, on profite d’une remontée dans un endroit hors normes et libre à la découverte.
La meilleure analogie étant de dire que c’est le La G**** des Dolos… Un téléphérique part du Passo Pordoi à 2.200m et nous monte au sommet du Sass Pordoi sur le plateau du massif des Sella à 2.900m.
Les Sella se composent de cet immense plateau en forme de fer à cheval qui nous permet de redescendre par une multitude d’itinéraires. On peut toujours retrouver les pistes en bas de chaque descente afin de retourner au point de départ (ça peut être long !). Sans faire du ‘sciovinismo’ (nom masculin, Chauvinisme), c’est surement le spot avec le ratio peautage/ski de couloir le plus incroyable que l’on peut trouver sur cette Terre.
Le plateau étant à une altitude moyenne de 2.800m, il ne fait pas bon se trouver là-haut par jour blanc, grand vent ou mauvais temps, du moins pour les itinéraires les plus éloignés. De toute manière le téléphérique ouvre rarement quand ça craint trop car il est fortement soumis aux vents lui aussi.
Ci-dessous un screenshot des différentes lignes que je vais vous décrire. Ce sont les plus fameuses et celles que je pense pouvoir partager sans me valoir une interdiction de territoire. Il en existe heureusement de nombreuses autres plus ou moins cachées et pas toujours référencées. Afin d’avoir des photos de qualité pour les illustrer je me suis basé sur mes propres photos, mais j’ai aussi demandé à Francesco Tremolada (aka proguide.it) qui m’a gracieusement envoyé quelques photos pour les spots que j’ai principalement skiés par mauvais temps ou dans lequel je n’ai pas eu de photos qui rendent grâce à la ligne (conditions de neige, luminosité…). Je le remercie donc au passage.
En effet, les dolomites sont localisées dans un coin assez protégé des Alpes et sont donc sèches en neige. Les perturbations doivent arriver du sud ou de l’ouest afin de bien décharger. En 8 saisons là-bas, on a eu 2 hivers mémorables et le reste plus ou moins OK. Mais ça reste tellement beau qu’on n’est jamais déçu, et puis si ça skie pas on peut grimper au soleil, même en décembre.
Francesco est aussi l’auteur des deux topos de ski les plus connus sur les Dolomites, à savoir Freeriding in the Dolomites et Skimountaineering in the Dolomites. N’hésitez donc à vous équiper de ces deux bibles très détaillées si venez dans le coin.
Commençons par les premières lignes accessibles par gravité. Le numéro 1, et pas des moindre, est simplement le couloir Holzer, 500m de couloir à 45° avec une section à 50°. Pour garder l’analogie avec La G****, c’est comme si le deuxième tronçon nous balançait au sommet du Y, en moins expo, certes… Ce couloir est un bijou, surement un des plus beau de la planète et si on a des bonnes conditions jusqu’à Schiavvaneis, c’est 1.400m de descente de pure joie. La plupart du temps il faudra faire le court rappel d’une dizaine de mètres au milieu, mais il est possible qu’il saute en fin de saison enneigée.
Les lignes 2 et 3 sont les deux vallons principaux à skier par gravité, à savoir la Forcella Pordoi (2) ou le Val Lasties (3). Souvent les plus rapidement tracés même en cas de mauvais temps, on est sur des pentes plus larges avoisinant les 30/35°, idéales pour lâcher les chevaux. La 4 est le fameux couloir Joel, couverture du livre de Francesco. Accessible en remontant 50m à pied depuis la forcella Pordoi, l’entrée du couloir est assez abrupte mais cela se calme rapidement. Au milieu, les parois se rejoignent quasiment.
Pour les lignes 5 et 6, on est respectivement dans les couloirs Sass de Forcia et Larséi Est. Tous les deux accessibles par une courte remontée à pied. Un peu plus raides que le Joel, ils ne sont pas en conditions chaque hiver et il faudra sortir la corde la plupart du temps.
Toutes ces lignes orientées Sud (2, 4, 5 et 6) sont à faire principalement lors de la tombée de neige ou juste après, car ça transforme vite. Sinon on attendra le bon moment pour avoir la moquette et enchainer les rotations car on peut rapidement rejoindre la funivia.
Le prochain objectif numéro 7 est le sommet du massif, le Piz Boè, 3.152m. Il est possible d’effectuer la montée uniquement à pied avec les crampons ou de mixer l’approche avec les peaux. Une fois là-haut, on a accès à une multitude d’itinéraires. Mon préféré est la descente côté sud dans le Val de le Fontane. Là aussi à effectuer en conditions stables, moquette ou à la rigueur après une période de fort vent Nord/Nord-Ouest qui va bien remplir les couloirs sud. C’est un beau voyage qui nous fait arriver directement en bas à Arabba. L’autre possibilité est de passer côté nord par le Canale del Ghiacciao qui conserve la bonne neige et, plus large, qui permet de faire de belles grandes courbes pour rejoindre le fameux Val Mezdi.
Que dire d’autre que c’est la vallée blanche des Dolo (ligne 9). Il faut traverser une partie du plateau, c’est tout même plus rapide avec les peaux. Mais il n’est pas rare de voir de nombreux pistards le faire à pied lorsque les conditions de neiges sont printanières et stables. Le couloir d’entrée est un peu plus raide mais ça reste accessible. Le vallon en soit est plus débonnaire. Pendant mes années dans les dolo, je ne l’ai fait qu’une fois la première année, histoire de voir. J’ai ensuite préféré les autres itinéraires moins fréquentés. Le retour par les pistes par Corvara est assez long.
A noter que si les conditions ne sont pas bonnes dans le Mezdi, il est aussi possible de récupérer le Val Lasties par le Couloir Col Alton (ligne 8) bien sympathique, souvent gorgé de neige en cas de vent du nord.
Là on passe dans la partie du massif qui m’est la plus chère, où j'ai passé le plus de temps et qui me manque le plus. L’utilisation des peaux est définitivement conseillée pour réduire le temps d’approche des différentes lignes. Il y en a des dizaines qui permettent de rejoindre les pistes de l’autre côté, au Passo Gardena. Faire deux rotations dans la journée, c’est possible, mais va falloir être actif !
La ligne 10 permet d’accéder au vallon du Refuge Pisciadù par un petit couloir pour pouvoir ensuite remonter un peu pour faire le Val Setus, Val Culea ou Culea Integrale. Chacun étant constitué d’une succession de couloir (35/40°) et vallons terminaux larges incroyables à skier. On mixe tous les plaisirs du ski de montagne dans tous ces itinéraires.
La ligne 11 est une des plus éloignée car on se paye le tour du fer à cheval et permet de rejoindre le Piz Miara et de skier le magnifique Valon de Meisules pour finir côté Passo Sella. Cette ligne nécessite de faire un rappel de 30m au bout du vallon, il faut donc être équipé. Le couloir d’entrée est assez raide (50°), il est souvent soumis aux vents, on peut donc aussi avoir besoin de la corde pour passer la corniche ou la faire péter.
Pour effectuer le retour de quasiment toutes ces lignes, il est nécessaire d’avoir le forfait Dolomiti Superski (qui augmente chaque année, comme partout). Il était à une cinquantaine d’euro quand je suis arrivé en 2014, on est maintenant à 83€ … ça devient tout de même un luxe d’évoluer là-haut hors forfait saison.
Voilà, une sorte d’antipasto des Dolomites et plus particulièrement des Sella. J’espère que ça vous donnera envie de visiter la zone. Le tourisme de masse impacte énormément ces montagnes trop facilement instagrammables, mais c'est aussi lui qui permet le maintien des infrastructures dont nous profitons tous. On arrive néanmoins à trouver encore beaucoup de coins préservés en toutes saisons, que ce soit pour du ski de rando, de la rando en été ou de la grimpe. Et puis les Dolomites c’est aussi l’art de vivre à l’italienne avec des bons petits plats dans les refuges, le bombardino pour les plus téméraires et la sympathie des locaux toujours ouvert à la discussion et à la rigolade peu importe le bourbier dans lequel on se lance.
Ciiiiiiiao !
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