J'ai passé toutes mes vacances d'enfance au Mont-Saxonnex.
L'hiver je passais mes journées entières à dévaler les pistes de skis en me prenant pour un champion.
Je rêvais en voyant les gamins du "ski club " avec leur équipement et la facilité avec laquelle ils tournaient autour des portes.
Pour nous les "touristes" ,c'était le ski de "loisir" avec du border-cross entre les sapins et du hors-piste de proximité tout sur l'arrière !
Dans les années 80 , personne autour de moi ne parlait de ski de randonnée.
L'été, le vert prenait le dessus sur le blanc et on partait pour le Lac Bénit ou les Rochers de Leschaux. Avec mon père et mon frère on faisait le Jalouvre et sa fameuse "arête du Rasoir". En Aout il y avait encore de la neige dans sa face nord !
Je crois que c'est là que j'ai eu la révélation.
Dans le topo Bornes-Aravis de Roumaillac et Tardivel, je tombe sur la course rêvée: 43-le tour de la pointe blanche 2438M.
Départ du Chinaillon, montée au col du Rasoir, descente en combe nord du Jalouvre, remontée à l'arête de Chevry ,bascule dans la combe de Sotty et remontée au col de Balafrasse avant de rechausser les skis pour rejoindre la voiture.Un dénivelé positif d'environ 1500 mètres .
En résumé le plus bel enchainement à skis du secteur dans ce type de difficulté (2.3 E2 F).
" tout est affaire de montagnes quand elles sont belles et de compagnons quand ils sont bons"(Dominique Radigue ).
Je décide de partir avec Damien mon compagnon de cordée depuis toujours et Bénédicte pour la touche féminine de l'équipe.
On a besoin d'une neige stable, plutôt début de saison ,mais je rêve de poudreuse et je sais que les faces nord du secteur sont quasi désertes et ne prennent jamais le soleil . Par contre les faces sud transforment vite et sont prises d'assaut par les skieurs.
Jeudi 7 janvier , c'est grand bleu sur les Alpes et la neige est au rendez-vous.
La montée au Rasoir se fait sous le soleil en tee-shirt , ce qui contraste avec la température du départ (-8°C ). Petits pas d'équilibre sur l'arête qui me rappellent mes souvenirs d'enfance.
Pas une trace en versant nord: je bascule le premier dans une poudreuse légère , grand moment d'émotion.
Tous les randonneurs qui arrivent au col de balafrasse portent leur regard en versant nord : celui-ci impressionne par sa beauté froide. Pour nous il s'agit de la remonter avec les skis sur le sac : atmosphère exceptionnelle , on fait la trace dans une neige profonde et froide.
Je bataille avec la corniche sommitale pour sortir et retrouver le soleil qui commence à faiblir.
Merci à ce massif si sauvage et si proche à la fois.
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