Oberland Bernois : Le bureau du directeur

Quand tu randonnes dans le Diemtigtal, il faut une fois l’an prendre rendez-vous chez le directeur. C’est un mec sympa, mais qui a ses journées. Il faut donc jouer de finesse pour que ce rdv ne soit que luxe calme et volupté.

Mr Männliflue, c’est son nom, est à son poste depuis de nombreuses années. Il règne en maître sur la vallée du haut de ses 2652m (il est grand, oui). Aujourd’hui, par une belle journée de printemps, j’avais pris rendez-vous pour mon entretien annuel. Je vous en livre  ici le récit :

"- Bonjour monsieur, j’espère que vous allez bien.

- Ah, Jean-Poulpe, je t’attendais…

- Euh monsieur, moi c’est Thoams, c’est qui Jean-Poulpe ?

- Écoute moi bien Jean-Poulpe, t’avais rdv à 11h au sommet, et il est midi. Tu m’as fait poireauter une heure dans le vent, je t’appelle comme je veux.

- D’accord monsieur, désolé pour le retard, c’est que j’…

- J’m'en cogne Jean-Poulpe, l’heure c’est l’heure, alors maintenant, tu vas bouffer les conséquences. Tu sais de quoi je parle ?

- Oh non monsieur, pas la lourdasse dans la face sommitale… siouplait.

- Ta gu...le (ouais, il déconne pas le directeur). Tiens, j'te rajoute un morceau de croûte pour le dessert.

- Ok, ok monsieur, je suis désolé du retard.

- Bon, ça passe Jean-Poulpe. Mais pour la lourdasse, je peux rien faire de plus. Va falloir faire avec. Ça a été l’ascension ?

- Oui, nickel, vu le retard, j’avais une neige bien revenue sur toute la montée, même pas besoin de porter les skis ni même des couteaux. Les couteaux c'est pour les faibles et les...

- Jean-Poulpe… Je t’ai vu enlever les couteaux devant la porte du bureau. Tu vas y avoir droit à ta croûtasse…

- Oh… Bon c’est vrai monsieur, mais vraiment je les ai mis juste pour les 50 derniers mètres, pour être sûr de pas m’en mettre une.

- Ok JP, mieux vaut prévenir que guérir hein ?

- Oui monsieur.

- Bon t’as prévu quoi pour la descente ?

- Ben je vais m’enquiller la lourdasse traffolée sous le sommet histoire de travailler mon virage sauté pourri dans une neige pourrie.

- Ok Jean- Poulpe, bien. Et la suite ?

- Ben la suite, je vais la jouer futé : d’abord je vais traverser pour retrouver la pente ouest sous le Winterhorn, en neige dure mais un peu revenue. Ensuite je vais aller vers le Wyssi flue tenter de trouver…

- de la croûte, t’en fais pas. C’est là que je l’ai cachée.

- Ah, bon ben mauvais choix… Mais bon, je pense que la fin devrait être super skiante avec une moquette parfaite, même dans la prairie de Steibode.

- Ouais, bonne analyse Jean-Poulpe. Comme j’t’aime bien je t'ai mis la meilleure neige de la journée sur la fin, sympa non ?

- Merci monsieur le directeur. Mais bon la lourdasse dans la partie raide et la croûtasse dans la plus belle pente, vous êtes sûr que vous m’aimez bien ?

- Fais gaffe Jean-Poulpe, sinon je balance la pluie jusqu’au sommet demain.

- Ok, bonne journée monsieur.

- Tout de bon J-P."

Et voilà, c’est comme ça que ça s’est passé. Le Männliflue ne sera pas faisable encore longtemps : ça passait sans déchausser aujourd’hui (sauf au niveau du ruisseau vers 1558m), mais il y a de moins en moins de neige. J’avoue avoir traversé pas mal de plaques d'herbe avec les peaux.

Niveau météo, il faisait extrêmement chaud à la montée, mais nous fûmes cueillis par un vent bien frais au sommet. La semaine qui s’ouvre s'annonce chamboulée, hâte de voir ce que ça donnera.