l'article définitif
Une bouffonnerie plus que prévisible
Les statistiques analysant les performances des coureurs montrent l’évidence du dopage.
Par ANTOINE VAYER, Professeur d’EPS et ancien entraîneur de Festina, il dirige AlternatiV, une cellule de recherche sur la performance, à Laval.
On lit dans nos chroniques à Libé depuis des années les trahisons aux lois de la physiologie et de la nature. La soi-disant impuissance des dirigeants se nourrit de surpuissance. Celle du maillot jaune Contador, miraculé de la médecine et de l’anévrisme, lui a permis de pousser sa chaise roulante dans le dernier col, l’Aubisque, une minute et vingt secondes plus vite que le triste recordman de la montée, Richard Virenque. Sastre, Mayo et Soler (surnommé «440 watts»
ont également effacé des tablettes la sinistre performance de Riis et des Festina quand ils avaient lâché Indurain dans le Tour 96. Celui de la curée, où certains affichaient des hématocrites à 60 %. Avec 20 watts de mieux sous la semelle.
Inhumaine. Sur le premier col du Tour 2007, la Colombière, 26 coureurs étaient diagnostiqués «hors limite» en terme de «watts étalons» (calculés pour un athlète de 70 kg). Ces données mathématiques et physiques comparent précisément, dans le temps, la force et la cadence de pédalage de la tricherie et du mensonge. Tout expert du vélo sait qu’au-dessus de 410 watts, dans certaines circonstances, la respiration est inhumaine et que les muscles sont nourris de produits médicamenteux incroyablement efficaces.
Contador, au plateau de Beille, a développé 433 watts de moyenne. Mieux que les honnis Basso et Armstrong au même endroit, trois ans avant. Avec la longue quinzième étape de montagne censée épuiser les organismes après plus de cinq heures d’effort, il a réussi d’incroyables accélérations à 465 watts de moyenne pendant 4 min 55 s dans le col de Peyresourde. Rasmussen peinait dans sa roue. Quatre démarrages sur une pente à 8 % en moins de 2 km, alors qu’à peine 500 m à 410 watts auraient dû le faire zigzaguer jusqu’à le mettre à l’arrêt. Normalement, un champion parfaitement entraîné aurait produit de l’acide lactique qui brûle les jambes. Lui, rien.
Ce jeune prodige ex-fils prodigue de Manolo Saiz, comme Jalabert l’était, est un ballon d’oxygène. Notre ministre de la Santé et de la Jeunesse et des Sports risque d’apporter dimanche son soutien à un homme qui honore parfaitement le triple symbole de sa charge. Le Tour ne mérite ni ses propriétaires ni sa famille, tous coupables, tous cupides. Ils pratiquent l’euthanasie. Ils fossoient. Ils croque-mordent. L’hypocrisie de «l’effarement de la découverte» que Vino faisait du boudin avec du sang pour foncer dans les contre-la-montre n’a d’égal que la lâcheté de ne pas avoir stoppé la bouffonnerie.
Prudhomme m’a écrit, le 24 décembre 2005, pour dire «ne pas être un révolutionnaire dans l’âme» et qu’il croyait que «le dopage tue le vélo (sic)». Maintenant, il prône le Grand Soir. Qu’il commence par virer tous les anciens «pros» lobbyistes du système qui n’ont pas fait leur coming-out. Vous verrez, ils seront au départ à Brest en 2008. Ils encourageront toujours un Cancellara qui, comme à Compiègne, après avoir torché le prologue à Londres à plus de 500 watts, gagnera, les mains en haut du guidon, des sprints d’une minute équivalents à deux chevaux-vapeur (1 ch = 736 watts). On invitera aussi Armstrong, qui maîtrisait ses adversaires en développant en moyenne, dans les grandes arrivées en montagne, 405 watts en 99, 420 en 2000, 430 en 2001, 415 en 2002, 425 en 2003, 440 en 2004, 425 en 2005 (1).
Gueule. Cette année, Rasmussen était leader avec une moyenne de 430 watts, dont 428 pour l’Aubisque, 436 pour Peyresourde, 433 pour Beille et 425 pour la Colombière. Il cède sa place à Contador, qui tourne à 427 watts de moyenne (respectivement 419, 436, 433 et 419). Quant aux Français, ils s’en sont pris plein la gueule. Partis avec le plus gros contingent (34 coureurs), les trois meilleurs, Goubert, Halgand, Moreau (380 watts), terminent tuméfiés à plus d’une heure du vainqueur. Ce sont pourtant trois ex-Festina de la grande époque. Des durs. A Madagascar, on dit : «Le même tombeau pour les morts, la même maison pour les vivants.»
inscrit le 25/02/05
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