Voici ce que j'ai mis en commentaire d'un post de Thomas (Météo Alpes) sur le sujet :
"Bonjour à tous, je tiens à rajouter quelques éléments par rapport au post de Thomas et aux commentaires lus ci-dessous. Tout d'abord, cette diminution d'effectifs s'inscrit dans la politique gouvernementale de réduction des fonctionnaires (Action Publique 2022). Ainsi, il a été demandé à Météo-France de ne pas renouveler environ 500 postes, sur les un peu plus de 3000 que compte l'institution (après déjà 700 postes perdus sur les dix dernières années). Le plan présenté par la direction propose donc une réduction du nombre de centres, avec une centralisation qu'on peut voir sur la carte ci-dessus.
L'argumentation principale en faveur de cette évolution est l'évolution de la modélisation météorologique, qui permettrait d'aller vers de plus en plus d'automatisation des prévisions. Cependant, pour qui connait la chaine de production de la météo (observation-données-modélisation-analyse : meteofrance.fr ), pour ne pas avoir de baisse de qualité du résultat final cela signifierait que la modélisation serait devenue assez fine pour se passer d'analyse prévisionnelle, effectuée par les prévisionnistes. Dans la pratique, nous n'y sommes pas encore.
Pour rentrer un peu plus dans le détail, les prévisionnistes des centres locaux fournissent des informations capitales pour la prévision de certains phénomènes typiques de leurs secteurs, comme en montagne avec Bourg-Saint-Maurice et Chamonix. Et pas simplement pour les prévisions "normales", mais aussi et surtout pour les élus, directeurs de stations ou office de tourisme, et les personnes en charge de la sécurité civile, c'est-à-dire ceux qui ont des décisions importantes à prendre. Lors des Rencontres Météo Montagne à la Plagne en janvier dernier (ainsi qu'à la soirée juridique sur le thème des avalanche et de la responsabilité à Grenoble), ils ont tous fait part de leurs fortes inquiétudes quant à la disparition de ces centres avec lesquels ils sont en constante relation pour gérer leurs secteurs, particulièrement dans le cas d'événements climatiques particuliers (neige) voire extrêmes (tempêtes). Car comment prendre la ou les bonnes décisions, comment anticiper un phénomène sans une information météorologique de qualité ?
Le responsable de la sécurité civile (en charge avec la préfecture de décisions aux fortes conséquences potentielles comme les fermetures de routes) a notamment pris des exemples récents et précis (lors des tempêtes de décembre 2017 et janvier 2018) durant lesquels ces deux centres locaux de Chamonix et BSM ont eu un rôle capital pour leur prise de décision : dans un cas ils ont prévu une lame d'eau que le centre global (à Lyon) n'avait pas vue venir et qui aurait pu être catastrophique (nombreuses avalanches sur la chaussée dans les 3V), et à l'inverse une importante vague de précipitations annoncées par Lyon mais que les centres locaux ont fortement nuancée : les mesures prise ont été adaptées en conséquences. Bref, tout ceci pour expliquer en quoi (et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres) ces centres ont un réel intérêt dans la prévision météorologique en terme de qualité. C'est sur ce niveau de qualité que ces changements risquent d'avoir une influence.
Un autre exemple des évolutions de cette politique tournée vers l'automatisation est le potentiel futur des Bulletins d'Estimation du Risque d'Avalanche : actuellement, des prévisionnistes (un par département ou un par région, selon les secteurs) rassemblent les données depuis les centres locaux de MF, les pisteurs nivologues, les personnes sur le terrain (guides, refuges). A partir de ces informations, ils rédigent quotidiennement les fameux BERA dont nous sommes nombreux à nous servir dans notre pratique (amatrice ou professionnelle). A terme, il est possible que leur édition devienne entièrement automatique grâce à des modèles étudiant le manteau neigeux, avec les conséquences que cela peut avoir sur leur qualité sans la "patte" d'un prévisionniste qui connait son secteur. Affaire à suivre..."
En bref, ce que j'en pense : c'est "rigolo" de voir des gens confrontés aux conséquences des politiques pour lesquelles ils ont parfois voté ou carrément de leur bord politique (dans le cas d'une partie des élus qui se plaignent - ou des gens qui commentent ce sujet). Concrètement à la Plagne l'année dernière aux Rencontres Climat Météo Montagne, l'ambiance était électrique, certains (élus, responsables stations/OT) étaient venus essentiellement pour s'en prendre à Météo France. Les membres de l'institut présent s'y attendaient, mais peut-être pas avec cette virulence. Ils ont expliqué tant bien que mal que ce n'était pas de leur ressort, qu'ils déploraient également ces décisions, et que ça venait de la politique gouvernementale.
Sinon concrètement autant je doute d'un impact conséquent de ces décisions sur le grand public (qui de doute façon, n'y bitte rien à la météo), autant sur nous pratiquants de la montagne, elles pourront peut-être avoir des influences sur l'information que nous utilisons pour prévoir nos sorties (je pense notamment au BERA et son évolution future, mais pas que).
inscrit le 08/06/07
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