Dans Libération d´aujourd´hui Lundi 16 août.
Les conducteurs de 4x4 en prennent pour leur grades.
Du massif de Bellevarde, au sein de la haute Tarentaise, le spectacle est grandiose. Le mont Blanc et le glacier de la Grande-Motte servent de décor à un plateau vallonné. Parfois, l'ombre d'un nuage vient lécher la pente herbeuse. Tout est calme. L'air est vif. Il fait à peine 4°. En contrebas, sur l'espace Killy, les essais grandeur nature du 21e Salon international 4 x 4 et loisirs de Val-d'Isère ressemblent à un chantier Majorette. Des pistes que l'on dirait dessinées au doigt dans le sable. Trous, bosses, pierres et boue. Des petites voitures qui tournent sur le circuit et dégringolent les chemins. Des figurines qui vont et viennent au milieu des véhicules. Un bac à sable de 200 hectares à 2 700 mètres d'altitude. Un peu plus loin, à l'entrée de Val-d'Isère, 90 constructeurs présentent leurs derniers modèles sur un espace clos de 20 000 m2.
Grondement. C'est ici que se pressent les visiteurs venus tester les nouveaux modèles avec des pilotes démonstrateurs. Plus on approche, plus la terre gronde et se soulève. Les amateurs sont ravis. Et toujours plus nombreux. Alors que le marché de l'automobile se traîne, celui du 4 x 4 affiche une hausse de 19,6 % sur les six premiers mois de l'année. Chez Hyundai, on confirme : la clientèle potentielle a presque doublé depuis un an et demi. Il y a bien sûr les pionniers, les voyageurs. Michel, 44 ans, sapeur-pompier dans le Var, a emprunté ses premières pistes en Guyane en 1984. Frédéric a passé neuf mois à traverser l'Amérique du Sud avec femme et enfants. «Pour faire 90 % de pistes, le choix du véhicule s'est porté sur le Land Rover Defender, un modèle qui serait inadapté au milieu urbain.»
Mais, parmi les visiteurs, il y a surtout des propriétaires de 4 x 4 ou de monospaces vivant en ville et qui veulent renouveler leur véhicule. Laurent possède un Mitsubishi Pajero mais veut changer sa deuxième voiture. Lui et son fils Erwan sont venus de Strasbourg, comme chaque année depuis quatre ans. Ils essaieront cinq modèles, l'occasion d'alimenter une vieille lutte familiale. Quand Alain ne jure que par les «Mitsu», Erwan se damne pour le Patrol de Nissan. Pendant son essai, Cathy, la belle-soeur de Laurent, les a accompagnés. «C'est incroyable ! On monte tranquille...» Les deux hommes acquiescent. En haut d'une forte pente : «Et si ça lâchait ?» Laurent, regard vissé sur le pare-brise : «Ça lâche pas.» Sourire entendu du pilote et du fils. Erwan conclut : «Je te l'ai toujours dit : le Patrol, c'est de la bombe.»
Plus loin, le tout nouveau propriétaire d'un Jimny, petit modèle de Suzuki. Benjamin, 24 ans, est venu voir ici, «ce qu'il peut faire en montagne». Ses copains ne le ratent pas : «Tu montes surtout sur les trottoirs !» Philippe, 43 ans, possède un «Toy» (Toyota) 6 680. Il dit «pouvoir aller partout avec un 4 x 4», mais avoue vite ne faire que de la route, «puisque, de toute façon, c'est partout interdit et qu'on ne peut aller nulle part». Conçus pour la piste, ces engins se retrouvent donc le plus souvent en ville (lire ci-contre). Pour tous ces urbains frustrés de ne pouvoir goûter au plaisir de la vitesse, l'idée est de miser sur la ligne et le confort. «C'est une autre façon de conduire, plus tranquille», explique Patrick. Ce pilote de ligne, ancien propriétaire d'une voiture de sport, roule aujourd'hui en Range Rover. «Et avec son allure, les autres voitures ne nous embêtent pas. Ça évite les conflits.»
«Frimeurs». Selon François Goupil de Bouille, directeur commercial de Nissan, un tiers de la clientèle veut d'abord un «véhicule différenciant». Paulo, membre actif du Club des aigles de Val-d'Isère, qui gère un terrain communal où les membres peuvent venir «4 x 4ter» pendant l'été, propose, pour limiter l'usage des 4 x 4 aux seuls vrais mordus, de faire de faux 4 x 4 : des voitures normales mais surélevées, avec de grosses roues et le pare-chocs qui va avec, pour contenter les frimeurs. «En ville, beaucoup de gens veulent se démarquer avec des signes extérieurs de richesse. Comme ceux qui vont chercher le pain avec leur moto de course et le blouson de cuir assorti. Ou ces jeunes qui passent toute leur paye à bricoler leur voiture. De toute façon, conclut-il, les tuneurs d'aujourd'hui seront les frimeurs en 4 x4 de demain.»
inscrit le 04/02/03
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