Initialement prévues pour figurer dans mes articles sur la semaine d'héliski que j'ai passée avec Enak Gavaggio en janvier 2016 au Canada, ces réflexions parfois décousues se sont vite révélées beaucoup trop longues pour être intégrées dans un des articles.
Cet article qui reste très personnel parle de mon expérience, juste de mon expérience. Il est la transcription de questions que je me suis posées car si cette semaine d'héliski a representé pour le snowboarder que je suis un rêve de gosse, je n'ai pas mis pour autant de coté mon esprit critique et ma curiosité.
Avertissement : je ne suis spécialiste de rien et ne prétend détenir aucune vérité. Je ne ne cherche à convaincre personne de quoi que ce soit :)
Tout en gardant à l'esprit que je suis tout sauf un spécialiste (je me répète), j'ai tenté d'estimer l'impact carbone d'une semaine comme celle-ci. J'ai griffonné de ci de là, pris des louches, divisé par 3, multiplié par 4 et inversement, consulté des fiches techniques et je ne doute pas une seconde qu'un spécialiste pourra me retoquer aisément. Mais disons que j'ai essayé d'y voir un peu plus clair, sans présumer du résultat.
- ma quote-part de consommation de carburant helico sur une semaine d'heliski : 250 litres soit 5 pleins de la berline familiale (ok, j'imagine que ce n'est pas exactement le même carburant et le plein sert à tous les passagers en voiture). A ce stade de la réflexion, avec un peu de mauvaise foi, on se dit qu'en roulant plus tranquille toute l'année et en allant moins voir la belle famille aux vacances, on peut sauver son karma.
- ma conso de carburant avion entre la France et le Canada, et retour : au bas mot, 800 litres. Si vous allez au Japon, vous dépasserez sans doute les 1000 litres, selon votre itinéraire. Ouch.
En gros, ça veut dire que le problème n'est pas tant l'hélico, c'est en premier lieu de skier à l'autre bout de la planète. Encore pire si votre truc c'est le surf à Bali, même en mode roots trop pur reconnection avec la nature tu vois, ok l'avion c'est pas donné mais après tu payes plus rien : le bilan de vos vacances - merci le gros avion - sera implacable. Bref, on est clairement dans un problème de riches. Et c'est sans doute aussi ce qui polarise autant autour du sujet.
Sans surprise, l'hélico rajoute à la facture carbone globale d'un séjour ski lointain (à vue de nez de l'ordre de 15% si on s'amusait à tout sommer, mais encore faudrait-il pouvoir estimer l'impact carbone du ski en station pour comparer. Là, je déclare forfait).
Au final, une semaine de ski de rando au Japon (c'est très loin) aurait donc un impact carbone équivalent ou supérieur à une semaine d'héliski au Canada (c'est un peu moins loin). La semaine de février en Tarentaise avec ses bouchons parfumés au diesel est loin d'être neutre elle aussi, pour qui en douterait. Et là il faudrait rajouter l'impact des infrastructures.
- sur mon cas personnel (irrécupérable, comme pour de nombreux professionnels du monde du ski amenés à voyager), cette semaine d'heliski est l'arbre qui cache la forêt. J'ai compté vite fait : depuis 2003, j'ai effectué 40 voyages AR long courrier (plus de 7h de vol) professionnels liés au ski (je ne compte pas les vols en Europe), et une fois de l'héliski.
Tout cela n'a pas pour autant valeur de justification : ce n'est pas parce qu'on pollue déjà beaucoup par ailleurs qu'on peut en rajouter sans se poser de questions. Il s'agissait, sur mon exemple personnel, de mettre les choses en perspective.
Les nuisances de l'héliski ne se limitent pas au fait de cramer du pétrole.
Les nuisances sonores et visuelles : la Colombie Britannique n'est pas les Alpes. CMH opère 12 bases dans un désert blanc d'une surface équivalente à 1/3 de la Suisse. Les autres compagnies opérent sur d'autres territoires. On parle de 400 clients par semaine, la pratique est loin d'être massive et ne risque pas de le devenir, il n'y a pas de véritable croissance en volume possible sur ce marché : les concessions sont très réglementées et le coût limite de fait le nombre de pratiquants, même s'il est courant de devoir réserver sa place plus d'un an à l'avance sur certains lodges.
La cohabitation avec les autres pratiquants- l'impact sur la faune : CMH pour les citer dispose d'outils très complets visant à inventorier la faune et à minimiser l'impact de l'héliski sur les animaux. Les règles en cas de rencontre sont très claires comme le montre le schéma ci-dessous (version complète ici) : un signalement d'animal suffit à fermer une zone plusieurs jours. Une large section de leur site est consacré à leur relation à l'environnement (à voir ici même si on peut regretter que la plupart des documents semblent dater un peu). Au Canada, toutes les compagnies ont des programmes similaires. Peut être suis je naïf mais là encore l'impact me semble limité si on considère l'immensité des territoires concernés et l'intensité de l'activité.
Si l'héliski a sans doute le plus fort impact individuel, c'est en revanche une goutte d'eau dans l'océan de carbone généré par les sports d'hiver dans le monde, entre stations, millions de voitures sur les routes chaque saison, milliers d'avion à destination des aéroports desservant les dites stations.
Et encore, on n'a pas parlé matos. Vous savez celui qui vient d'usines dans des pays loin là bas où l'énergie est produite massivement au charbon, pays desquels il faut tout ramener en bateau ou en avion quand c'est pressé : mais tout hein, pas juste votre matos de ski pour le coup. Et les produits avec plein de trucs sympas pour la nature dedans. Dont on change chaque année parce que... Je m'arrête là, vous avez compris l'idée.
Après, le vice se cache aussi (surtout?) dans le quotidien : habiter en maison individuelle (hérésie énergétique s'il en est) à 30 minutes de voiture du bureau, polluer le matin, polluer le soir pour être égoïstement au frais dans cette montagne qu'on aime tant. Coupable.
Alors à coté de ça, on s'efforce de manger de saison et filière courte (miam le lait de la ferme d'à coté) autant que possible, on trie, on composte, on ferme les robinets, on met des couches lavables à ses gamins (c'est mon Joker), le tout même pas pour se donner bonne conscience mais parce qu'on trouve ça mieux pour la planète et ses enfants. Quoi? tout ne serait pas noir ou blanc?
J'assume pleinement ces contradictions : si l'on veut vraiment discuter du problème de l'impact environnemental de l'héliski, il faut être prêt à un examen de conscience complet et surtout à considérer l'impact environnemental du ski - et de sa vie - dans son ensemble.
Si l'on s'affranchit de la valeur symbolique que je comprend parfaitement qu'on puisse lui accorder, ce n'est pas l'héliski en soi qui fait d'un usager occasionnel un "criminel contre la planète" mais bel et bien l'ensemble de notre pratique.
Le ski, quelle que soit la façon dont on retourne le problème, qu'il soit héliporté ou de rando, n'est pas bon pour la planète.
7 Commentaires
a propos du matos on peut pousser encore plus loin : un noyau de ski en paulownia provient d'Asie de l'Est. Le pétrole necessaire au plastique des chants ABS provient de partout, le chant est produit aux USA puis usiné avec tout le reste du ski en Pologne. La semelle est produite en France et est usinée avec le ski. A la fin tous les skis partent à la/les centrale(s) de distribution de la marque ( on fait voyager tout le stock d'un coup, à priori c'est moins cher et plus fiable).
Un ski au final c'est pas loin d'un ordinateur portable en terme de bilan carbone.
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Mais à cause de tes potes qui sont allés au Japon, au Canada et à Tignes, tu ne peux pas skier même en rando avec la paire que tu gardes depuis 10 ans parce qu'il n'y a plus assez de neige en moyenne montagne
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