UTMB 2011 - Pouvoir se dire: j'ai realise mon reve... (de 5 ans) - 2 2 commentaires

5 ans. 1827 jours. Il y a exactement 1827 jours, je decouvrais l'UTMB, The North Face Ultra Trail du Mont Blanc sur la place de Chamonix, un vendredi soir. En ce jour je decidais de faire cette course et depuis, je n'ai cesse d'en rever, de m'entrainer pour et imaginer ce moment ou je passerais la ligne... Et il y a quelque jours (deja), 1827 jours soit 5 ans et 1 jour plus tard, je l'ai fait. (+)

UTMB 2011 - Pouvoir se dire: j'ai realise mon reve... (de 5 ans)

5 ans. 1827 jours. Il y a exactement 1827 jours, je decouvrais l'UTMB, The North Face Ultra Trail du Mont Blanc sur la place de Chamonix, un vendredi soir. En ce jour je decidais de faire cette course et depuis, je n'ai cesse d'en rever, de m'entrainer pour et imaginer ce moment ou je passerais la ligne... Et il y a quelque jours (deja), 1827 jours soit 5 ans et 1 jour plus tard, je l'ai fait. (+)

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Vous dites? On est le 27 mars, pas le 27 janvier??! Pourtant …

" celle-ci, d’ordinaire assez peu demonstrative, me prend dans ses bras et me souhaite « lycka till » avec un regard semblable a ceux qu’on lance aux condamnes a mort, comme si elle me disait au revoir avant ma derniere heure…" 

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Derriere le physique d’un chene, (peut se cacher) un roseau - 3 3 commentaires

Derriere le physique d’un chene,  (peut se cacher) un roseau

 

 

Au mois d’Avril dernier, quelques mois seulement apres avoir glorieusement termine notre premiere course main dans  la main, mon oncle Doudou The Devil me telephone pour me lancer un nouveau defi : le « TGV”. « Heu… oui… mais, que veux-tu dire mon Doudou ? » « Je veux dire que je te propose de faire le Trail des Glaciers de la Vanoise ». Touchee par cette invitation, il ne me faut pas plus de temps pour accepter que lorsque j’avais lance a Papa 2 ans plus tot a Chamonix « l’an prochain c’est moi que tu applaudiras », tant je suis emballee a l’idee de faire une nouvelle course avec mon fidele supporter et futur fidele co-equipier !

Jour J : reveil a 3h, et direction la ligne de depart vers 4h40. A quelques minutes du depart, l’organisation nous demande une minute de silence pour les disparus du Mercantour quelques jours plus tot ; une course similaire ou 3 concurrents sont decedes suite a des conditions climatiques épouvantables. Le cerveau n’est pas encore bien eveille mais il l’est assez pour me dire que ce n’est pas une super mise dans l’ambience …

5h, enfin le depart est lance. En seulement quelques metres Doudou est devant moi. En quelques kilometres, il me devance de pres de 2 minutes, mais je ne suis pas etonnee, he’s been training hard for his Iron Man the Devil ! Nous nous retrouvons sur le premier ravito, au Refuge du col de la Vanoise à 2517m, au km 7. « Mister Devil, you here ? What a surprise !! »

Nous repartons ensuite ensemble sur les 14 kilometres suivants pour rejoindre le Refuge de l’Arpont à 2309m. Tout va bien, nous allons a rythme normal, ce qui laisse a Doudou le temps de faire « quelques » photos. 

Redepart a nouveau ensemble pour le passage un peu chiant de la course avec beaucoup de ups and downs mais nous rejoignons a quelques minutes d’ecart (pour une fois c’est moi devant ! J Surement une courtoisie du Devil !) le Refuge Plan Sec à  2310m. Nous sommes plutot juste sur la barriere horaire, a peine une quinzaine de minutes. Aussi nous tachons de trouver des restes de nourriture sur le ravito et repartons dare-dare, enfin, apres encore quelques photos… tout de meme ! J La nous repartons pour 15 bornes relativement faciles : une bonne petite montee mais apres, grande traversee puis grosse descente sur le Refuge de l’Orgère à 1935m au km 51. Pendant la traversee, je commence a etre un peu trop devant Doudou a mon gout aussi je me retourne regulierement pour voir ou il se trouve. Au debut je me dis qu’il doit prendre des photos, ensuite qu’il a du s’arreter pour une pause « Ou le roi va seul ». Et puis avant d’entamer la descente dans le bois je ne le vois plus du tout. Je continue tout de meme d’avancer, convaincue qu’encore une fois il n’est que quelques minutes derriere moi. Arrivee au refuge, apres avoir repris 20 minutes sur la barriere, je me refais une petite sante (que c’est bon les TUC et le fromage de pays bon sang !!!!) en attendant patiemment Doudou car un gros bout nous attend ensuite. Mais les minutes filent et je ne le vois pas arriver. Je demande alors aux concurrents arrives apres moi (si si ca existe !) s’ils n’ont pas vu un photographe… pardon ! un concurrent (et je leur fais la description). Deux me disent qu’il correspond effectivement a quelqu’un qu’ils ont double vers la fin et qui n’etait pas en tip top etat … Disons qu’il etait un peu dans l’etat de quelqu’un qui aurait trop bu pendant Bayonne … Petrifiee par cette annonce, j’espere qu’ils se trompent de personne et je continue de scruter les derniers metres avant le refuge, tout en commencant a penser a « what’s next »… L’idee de continuer seule ne m’enjoue guere, pour 2 raisons : d’une part parce que j’imagine mes oncles et tantes parler entre eux, commenter et dire que ce n’etait pas bien du tout de ma part de le laisser derriere dans cet etat, « il aurait pu y passer », etc… Ndlr ; dans ces courses, quand on est un peu fatigues, l’imagination prolifere !!!! J’attends alors encore un peu. Puis il va vraiment etre temps de repartir … J’hesite j’hesite : ce n’est pas comme si je briguais la premiere place ! (non pas cette fois-ci ! J ) et puis nous avons decide de faire cette course ensemble alors it’s no fun to continue on my own … Mais je me dis egalement que s’il devait me voir la, a son arrivee, abandonnant « pour lui », il me collerait un sacre « bourre-pif » !! Alors je decide de repartir en laissant un petit mot a son attention.

Repartir… oui d’accord, mais toutes ces emotions m’ont bien gardee de me concentrer sur le « troce » qui m’attend a present … 8 kms et 1000 m de denivele d’ascension pour atteindre le col de Chaviere a 2796m, sous la chaleur encore ecrasante… Continuer or not continuer en fait ?! Mais si, continuer of course ! J’attaque donc la premiere partie de la montee a bon rythme, je laisse litteralement sur place les 4 costauds derriere moi. Arrivee au replat, a mesure que le sol s’aplanit, je me dis que j’y suis deja, mon D* mais I rock !! Ce n’est pas possible, j’ai bouffe du Kilian Jornet voire meme de l’Haile Gebreselassie au dernier ravito !! Mais la, je dechante tres tres vite… La trace s’aplanit bel et bien mais part s’evanouir dans cette immense cirque qui se couvre d’une toiture grisatre et surtout dont l’unique sortie semble etre ce mur la-bas tout tout tout au fond, avec ces petites fourmies qui escaladent ce neve-rempart … Non, non, non… NON ! NON ! NON ! Ce n’est pas possible ! C’est pas la qu’on va !! C’est pas possible, c’est a encore au moins 3 jours de marche !!!! Mais maintenant que j’ai lachement abandonne Doudou, je ne vais certainement pas m’arreter. Alors, je remets mon cerveau et mes etats d’ame dans mon sac a dos, sous vide dans un Zip Loc et je continue d’avancer, au plus regulier possible, « comme un metronome (que j’aurais bouffe etant petite) » selon les dires d’une autre concurrente. Il faut que je pense a quelque chose d’agreable : une plage de neige fraiche, une pente vierge, personne, seuls Luc (Alphand) et moi, de la poudre aussi legere que l’air qui virevolte autour de nous, en mangeant du gateau basque… Just the perfect dream ! Mais soudain, my perfect world est « rocked », completement retourne par l’un des coups de foudre (different de celui de Luc et moi J) les plus dechirants jamais entendus… Je rouvre alors les yeux et decouvre que cette toiture grisatre s’est completement refermee sur nous en changeant au noir encre, ne laissant aucune chance au plus courageux d’entre nous… Bon d’accord, j’en rajoute un peu, mais pas sur la couleur du ciel ni sur le tonnerre qui se vivifie et nous transperce les tympans chaque coup un peu plus… Mais, encore une fois, je laisse mon encéphale dans son sac et y rajoute mes oreilles… J’avance, j’avance … J’arrive enfin au pied de cette muraille. J’entame la premiere partie en eboulis où un pied en avant me ramene quatre pas en arriere… Presque comme a Bayonne ma X-tine … Malheureusement, pas de carte chance, ni de passage par la case « teletransportation jusqu'à la ligne d’arrivee… ».  Soit, j’avance. Puis, au moment d’attaquer le neve, nous sommes survoles par un helico de la gendarmerie. Helico à gendarmerie àcol à orage… Ok, la course vient d’etre annulee, nous allons donc etre helitroyes depuis Chaviere. Nouveau flash imagination : je m’imagine une cage a requins, suspendu au bout de l’helico, pour les derniers participants et moi-meme, pour un helitroyage jusqu'à a Pralo, pendus dans le vide, transis de froid, debout, tous en pleurs, essayant d’appeler nos proches … ». Non c’est pas possible ! Je ne peux pas faire ca ! Je prefere crever foudroyee que de monter dans cet helico, ou plutot cette tombe d’acier ! Mais un nouveau coup de tonnerre me ramene a moi et une pluie diluvienne commence alors a tomber du plus fort de son poids, me trempant completement en quelques secondes. Je continue d’avancer… Enfin j’arrive au col ou je suis accueillie par un tres beau CRS J … Je m’avance vers lui, alors que nous sommes dans une situation des plus romantiques : la menace/peur de la mort (mais si, presque !), l’isolement, la pluie, les elements se dechainant, cette rencontre inattendue … « Excusez-moi, heu, qu’est-ce qui se passe ? La course continue ? » Et la, comme dans le plus beau des films, il me lance, de sa voix savoureusement distante : « Ben ouais hein, maintenant tu descends. ». Mon Dieu, je (ne) suis  (pas) amoureuse ! Quelle (in)delicatesse dans ses paroles ! En plus, il pointe le chemin du doigt sans regarder, ne daignant meme pas me regarder… Oui, c’est sur, je suis amoureuse ! Je n’oublierai pas de (ne pas) demander son numero a l’organisation ! J J Goujat ! Alors, guidee par l’Amour (really ?), en tout cas, a l’aveugle, je me lance a corps perdu dans la descente. Ou devrais-je dire : les toboggans aquatiques !! Aurais-je mal lu le descriptif de la course ?! Ma teletransportation aurait-elle en realite fonctionne ? Serais-je a Walibi ?! Cela y ressemble fort en tout cas ! Pour preuve : j’attrape cette corde-fixe a laquelle je m’accroche du peu de forces qu’il me reste et que le froid m’a laisse et je n’ai qu’a me laisser glisser pour me retrouver plusieurs metres plus bas… Mon Dieu mais c’est genial ! Et dire que j’ai failli abandonner et que j’aurais pu louper ca ! Someone was watching me and guided me !! Mais comme dans tout parc a theme, il y a les montagnes russes, avec ses hauts, et ses bas : je suis en course depuis pres de 13 heures, seule, en montagne, a 2700m sous l’orage et la pluie moussonienne… Et je n’ai toujours pas de nouvelles de mon Doudou mais je n’ai pas pour autant la force de m’arreter pour sortir mon portable. Je ne peux alors pas non plus voir si maman m’a laisse un message. Nouveau flash imagination : apres le rappel du Mercantour ce matin, je vois maman en pleurs devant son televiseur, ecoutant Harry Rose’ lui lancer : « Un nouveau drame dans le petit monde des traileurs… » Elle qui avait fait tant d’efforts en 2 ans pour comprendre cette passion, m’accompagnant meme sur la CCC l’an dernier… Quelle injuste remerciement et gratitude que je lui temoignais alors. Il me faut subséquemment lui « prove wrong » aussi, encore et toujours, je continue a avancer. Je rejoins 20 minutes plus tard le refuge Péclet Polset au km 60. Je me change avec un T-shirt tout sec avant de finir toute bleue. 2 petites soupes et c’est reparti pour les 12 derniers kilometres pour rejoindre la ligne d’arrivee et les nouvelles « du monde exterieur ». Portee surement par l’instinct de survie, je « devale » ces 12 derniers kilometres pour atteindre 2 heures plus tard les prémices du village. J’aimerais avoir un nouveau flash imagination mais malheureusement ce sont bel et bien des rues desertes qui s’ouvrent a moi. Mais qu’attendre d’un dimanche pluvieux a 20h ? Qu’importe, je range a present mes jambes dans mon Zip Loc, comme a chaque course, tant je vole, aimantée par cette ligne. Derniere ligne droite, l’arche jaune et dessous, un photographe, pardon, mon Doudou qui m’attend, avec son appareil (c’est bon, il va bien alors !!), avec l’un des plus beaux sourires que j’ai vus, le meme que s’il avait lui-meme passe cette ligne avec moi. Il ne m’en veut pas. C’est sur, tout va bien maintenant. Alors je lui rends son sourire, encore plus grand, a mesure que je me rapproche de lui et … la ligne, la fin, ses bras, ses mots. I’m safe.

 

Il y a eu la famille, l’hostilite des elements, la victoire, mais ce n’est pas une vraie « happy ending » mon Doudou. J’ai longtemps hesite avant de faire ce recit, qui me paraissait trop amère. Puis je me suis dit qu’a la maniere de Primo Levi, il me fallait « temoigner », moi la survivante mais parce que je sais que je te le dois en partie : tu etais la avec moi ! Je sais que c’est toi qui a appelle les Elements et a fait tourner les vents. C’etait toi l’orage a 2800, c’est toi qui grondais pour me faire avancer, tes coups de tonnerre etaient en fait les onomatopées pour  « Allez allez, on y va ! ». Tout comme ce texto que tu m’avais envoye pendant ma premiere CCC juste avant la montee au Grand Col Ferret, tu me disais « Hate toi doucement, on (je) est (suis) avec toi ». Mister Devil, now I’ll call you « Lifeguard » if you don’t mind !!!!! And I’ll listen for the thunder during the UTMB in one month …


NDLR : Apres relecture, l'auteure a remarque avec emotion que c'est le premier recit sans auto-lynchage. Et trouve ca plutot encourageant :) :) 

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Parce que Botero est un artiste aussi ou la nécessité d’abolir les diktats...

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CCC 08 ... Récit d'une course que pendant 25h, j'ai cru ne jamais pouvoir écrire ...

Pendant 25h, j'ai cru ne jamais pouvoir écrire ce récit de la CCC 08 tellement j'ai failli ne jamais arriver au bout ...

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Encore une victoire de la Grosse Bertha - 13 13 commentaires

 

Au lendemain de la Courmayeur Champex Chamonix (the North Face Ultra Trail tour du Mont-Blanc), je vivais avec un sentiment de plenitude, de jouissance d?avoir accompli quelque chose de grand, quelque chose que j?avais prepare pendant un an, avec les efforts et les difficultes avant la victoire ?personnelle et sportive. Depuis, un sentiment de vide. J?avais passe un an a penser chaque instant a un meme objectif et maintenant, je n?en avais plus. Qu?allait donc faire la Grosse Bertha maintenant ?

Apres avoir donc laisse passer quelques semaines pour nourrir a nouveau l?envie de courir (en competition), etre sure que ce dont j?avais vraiment envie c?etait de refaire des courses, j?ai cherche un nouvel objectif, « une nouvelle folie » comme disent certains de mes proches ou amis. J?avais trouve : la Saintelyon.

 

La Saintelyon, : 69 kms entre Saint Etienne et Lyon, mi route mi chemin, depart a minuit (ben voui, sinon a quoi bon ?...) le dimanche 2 Decembre.

 

Cette fois-ci, je n?ai pas mon ptit Papou qui m?accompagne comme a la North Face du Mont-Blanc, ni personne d?ailleurs? Soit.  

Samedi 1er Decembre, 18h30, arrivee au Parc des Expositions stephanois, je recupere mon dossard. Ouf, tous mes papiers sont en regle. Je me trouve alors un petit bout de tranquillité pour m?allonger et dormir encore un peu. En vain, je n?arrive pas a dormir, baignee par la peur et le stress paralysant, mais l?envie reprend bien vite le pas.   

Entre 19h et 23h le temps me parait une eternite malgre les quelques coups de telephone a mes proches. Et puis vient la derniere heure. La plus longue et en meme temps la plus courte. On commence a s?affairer, se preparer. Beaucoup ont leurs rituels, des mecanismes un peu superstitieux. C?est amusant de regarder chacun s?apprêter.

23h35, un dernier tour aux toilettes. Et la, c?est le drame ! Nooooooooooon, ma creme anti-frottements !! Commence alors une autre course, celle pour en trouver mais personne n?en a !! L?angoiiiiiiiiisse. Je me souviens d?une phrase de Vincent Delebarre, ultra trailiste francais bien connu qui disait si justement que dans ces courses-la, il suffit d?un grain de sable pour que vous ne vous focalisiez plus que sur celui-ci. Or dans ces courses, on n?aime pas les grains de sable ! Mais apres 20 minutes de lutte, je trouve enfin mon graal.

Il faut maintenant que je me rue vers le depart?

J?ai a peine le temps de me glisser dans la foule et d?allumer ma frontale que le speaker lance le decompte. Minuit : c?est parti !

 

Les premiers kilometres se passent tres bien, je prends mes marques, il ne fait pas trop froid, a part de temps en temps quelques raffales qui glacent le sang mais le ciel est étoilé et la lune est belle.

Juste un peu avant le km 16 et le premier ravitaillement de Saint Christo en Jarez, des bolides commencent a nous depasser. Cela fait un peu moins de 2h que nous courrons et les relais qui sont partis une heure apres nous nous ont rattrape. Ils sont pour la plupart habillés d?un simple short et d?un T-shirt, j?en ai meme vu un en debardeur ! Ils ont vraiment une allure de kenyans et c?est un peu rageant pour nous qui maintenons un cap de moyenne allure pour se preserver. Apres Saint-Christo, la galere commence avec les premiers champs de bataille. Nous traversons des champs de ferme (oui ! oui ! a l?odeur c?est bien ca !) et on se croirait a Verdun. Quand la boue n?est pas aussi collante qu?un carambar collé dans la dents et qu?elle n?arrache pas votre chaussure du pied, ce sont de veritables flaques ou le mollet entier rentre et ça glace le sang.

J?atteints la mi-course un peu avant 4 heures de course. Le meilleur n?est plus qu?a une heure et quelques poussieres de secondes de la ligne d?arrivee. Moi je fais la queue pour les toilettes (un reel desavantage pour nous les femmes, je suis sure que c?est un homme qui a inventé la course a pieds). Je perds facilement 10 minutes et une centaine de places, avant de repartir d?are d?are. Apres Sainte Catherine commencent les descentes, un tantinet soit peu glissantes et casse binette? « J?aurais su j?aurais pas v?nu !! » Ou alors j?aurais pris mes skis? ! J?assiste a quelques jolies chutes dans le peloton et me mets en même a penser en regardant ma montre que je pourrais etre en ce moment meme en boite, en train de faire la fete? Mais non, je fais mumuse dans la boue et je courre? Lorsqu?on quittait le macadam et que l?on voyait des panneaux « réservés aux engins agricoles », (veridique !) avant d?attaquer les chemins, un râle se faisait entendre  dans les troupes car on savait ce qui nous attendait? Au sortir de ces chemins, une interminable descente commence apres le kilometre 34. Pendant plus d?une heure nous courrons sur du bitume, une vraie torture pour les genoux. 

J?arrive à Soucieu en Jarrest au km 46 aux alentours de 6h45 et je me dis qu?avec seulement 23 kms restants je serai sur la ligne d?arrivée vers 8h30, 9h, comme prevu avec Papou, car je vais bien physiquement malgré mes genoux, mais la fin de l?histoire est toute autre !

Ces 20 derniers kilometres sont tres, tres longs. Le tracé est un peu descendant au debut, quelques grosses remontees coupent le rythme, avant de s?applanir et les paysages sont d?un ennui monstre. Surtout apres la derniere foret de Chaponost, que je traverse au lever du soleil et avec l?aube levante et la brume qui s?enfuit, on se croirait tout droit sorti d?un film de Burton, tel Sleepy Hollow. C?est terrifiant. Surtout la traversee du pont et ses marches.

Les 15 derniers kilometres sont terribles : on rentre dans la banlieue lyonnaise. Et les 10 derniers? Ah, les 10 derniers? J?aurais etripee sur place la jeune femme qui m?a lancé cette terrible nouvelle. Comment, encore 10 !? Non ce n?est pas possible ! J?ai beau courir, je n?avance pas, c?est comme si la route etait un tapis roulant. C?est affreux ! Ensuite, la vingtaine de marches qui ramenent aux quais. Une torture pour les genoux, qui tres vite sont encore plus meurtris par les galets glissants du bord de fleuve. Km 62 : Bellecour, cette place que j?ai connu si grouillante de passants est apocalyptiquement vide, c?est triste. Puis les 4 derniers kilometres, je scrute chaque panneau jaune kilometrique au loin  et bon sang que c?etait dur. Les 2 derniers, l?arrivee dans la Doua, « ou est la ligne, ou est la ligne ?! ». Ca y est je la vois, une derniere mini-descente, l?entree dans le stade, le c?ur explose, les larmes sont la, elles affluent mais je les contiens, 20m? 10m? et ENFIN la ligne? Ca y est ! Je passe cette ligne d?arrivee ! Je m?agenouille quelques secondes, essaie de me resituer, oui, je realise? Et j?explose de joie.. en larmes ! Mais non, je vais bien ! Je suis  heureuse ! Je regarde autour de moi et vois des familles ou amis partout, moi je suis seule, et j?aurais aimé partager mon émotion avec quelqu?un mais en fait, quand on coure, n?est-on pas seul dans la souffrance ? Puis un homme arrivé quelques secondes avant moi et voyant mes larmes ruisseler, me tape dans le dos et me lance « Bravo, ce n?est vraiment pas une course facile ». Oui, l'émoi et la douleur sont tellement forts que je ne peux contenir cette profusion de sentiments qui m?emplit. En effet, ce n?est pas seulement physique mais aussi et surtout moral : j?ai su assez rapidement que je passerais cette ligne mais de me dire qu?une nouvelle fois j?avais ete capable de realiser ce petit exploit a mon niveau, me dire que moi, Gratianne, 0,5% de confiance en moi, j?avais trouve la force necessaire de me depasser... Je me rendais compte qu?une nouvelle fois, j?avais ete capable de faire quelque chose de grand, je me rendais compte que peut-etre je valais quelque chose. Cette jouissance que j?avais trouvée dans la douleur pendant la course prenait tout son sens sur cette ligne d?arrivee.

« Aimes-tu vraiment souffrir me direz-vous ? » Oui je vous répondrai parce que je me sens vivre, et parce que c?est cela que j?aime et recherche dans le sport et spécialement dans ce genre de courses un peu « extremes » pour les non-iniciés : la souffrance, n?est que subjective, mais le résultat, lui, est bien reel et lui seul compte: annihiler le quotidien et ses doutes, pour ne se recentrer que sur soi et se decouvrir voire se construire, en épousant ses limites et meme en les repoussant, mais avec maitrise, acquise grâce a chaque peine et a chaque joie de course. Ma tante m?a demandé un jour apres la course de Chamonix si cela avait changé quelques chose dans ma vie. Je n?ai pas su répondre sur le coup mais avec le recul, je me rends compte que chaque victoire sur moi-meme me change un peu, me fait grandir.

Apparente absurdité ou maîtrise et conscience évidentes ?   

 

En résumé, quelques chiffres :

Dossard : 371

Km 16 :2h09, 2928e

Km 30 : 3h56, 2750e

Km 46 : 6h48, 2643e

Temps Final : 10h29s52

Classement général : 2414

Classement catégorie : 66

Douche glacee apres l'effort: 1(qui des 1000 premieres a pris toute l'eau chaude!?)

Ongles perdus : 2

Ongles violacés : 5

Bémol : 1 (le temps a l?arrivee, je pensais faire un peu moins)

Confiance gagnée : 1 point

 

Satisfaction : ENORME.

 

 

 

 

 

 

 

   

 

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Courmayeur Champex Chamonix 2007 : petit pas pour l?homme, grand pas pour Gratianne - 5 5 commentaires

Courmayeur Champex Chamonix 2007 : petit pas pour l?homme, grand pas pour Gratianne L?aventure que je vais vous conter a commence le vendredi 25 Aout 2006 a Chamonix, France. Je me trouve alors sur la place du Triangle devant la maison des guides avec Papa. La nous tombons sur l?un de ses amis qui se lance dans une course qui me parait alors completement folle, comme bien de non-inicies autour (+)

Manifeste d'un ras-le-bol ecologique et moral - 2 2 commentaires

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