Pendant 25h, j'ai cru ne jamais pouvoir écrire ce récit de la CCC 08 tellement j'ai failli ne jamais arriver au bout ...
C'est ainsi que le mercredi 9 janvier 2008, j'etais en
route pour ma deuxieme participation a la North Face
Courmayeur-Champex-Chamonix, 98 kms et 5600m de dénivelée +.
- INTRO
Mardi 26 Aout, a J-4, depart de la maison, que je quitte non seulement pour Chamonix mais aussi pour la Suede, le surlendemain de la course, pour faire mon master pendant 2 ans. Aussi, l'emotion est double lorsque le portail se referme sur mon chat et mon toutou... Mardi soir, afin de couper dans les heures de route, arret a Grenoble, ou je dois egalement recuperer bulletins de notes et diplome de fin d'annee, indispensable pour ma rentree des classes le lundi suivant a Göteborg. Mais vers 17h, petit coup de fil de la responsable scolaire sur mon repondeur me disant qu'il est "hors de question" (ndlr : non, nous ne nous sommes pas toujours tres bien entendues cette annee...) que je recupere les papiers car il me manque une note... Stu-pe-fa-ction et horreur ... Tout se chamboule dans ma tete, la course, la suede (les suedois ;)), ma soeur qui m'y attend dans notre nouvel appart, mon futur ... J'ai le pouls plus fort quand dans la pire seance de "frequencé" que j'aie pu faire en entrainement ... ! Petit rappel de la personne et apres m'etre pris un ouragan en pleine de face, je suis assignee a passer un oral le jeudi matin suivant. Un oral le jeudi matin suivant... Donc si je comprends bien, au lieu d'arriver mercredi matin en fin de matinee pour tranquillement entrer dans ma course, je vais n'y arriver que jeudi apres-midi, apres avoir passe un oral de marketing strategique (inutile de preciser sans preparation) la veille de ma course??? I must be dreaming... Malheureusement non ... No panic, enfin ... Inutile de preciser que ce mardi et le mercredi suivant, je ne dormi pas beaucoup et mal ... Heureusement mes amies grenobloises sont la pour essayer de me divertir un peu (Ju et Cyrielle, speciale cace-dedi ...). Jeudi 28 aout, veille de la course, je me presente donc a mon ecole pour un oral en "marketing strategique" qui s'averera - est-il besoin de le preciser?- incroyablement passable mais apres un echange cordial avec la responsable scolaire, j'obtiens mon Graal (2 quêtes en une semaine ... Indy va etre jaloux!) et pars enfin en direction de Chamonix, ou j'aurais dû me trouver depuis un peu plus de 24h maintenant ... Mais ne pas regarder derriere, sinon on trebuche (ça ne vaut pas un "Qui avale une noix de coco fait confiance à son anus" mais, je m'entraine ... ;) )
Ce meme jeudi donc, arrivee a Chamonix vers 15h ou le temps est
radieux et le massif du Mont-Blanc toujours aussi grandiloquent. Ouf, j'y
suis enfin... Je me dirige donc vers le "Ultra Trail Show"
(salon de l'ultra trail avec plusieurs marques spé et également le
nouveau-né Allibert
Trail) pour recuperer mon dossard. Apres 45 minutes d'attente, au
cours desquelles je retrouve mon pote Bastien et mon (deuxieme) maitre
et ami Stephane qui fait le grand tour, j'accede enfin au controle du
materiel ... Toujours aussi stressant (peur d'avoir oublie quelque
chose) mais ca fait partie de la course, et enfin, mon
dossard ... Numero 6073, mlle Gratianne Daum ... That's me!
Mais
maintenant que je l'ai, c'est comme si je voulais le rendre...
"Non, pas encore" ... Maintenant que je l'ai, il n'y a plus cette
interminable et pourtant excitante attente qui nous habite depuis que
l'on recoit le mail de confirmation d'inscription... Maintenant que je
l'ai, je n'aurai dorenavant plus de raisons de me lever le matin (au
sens de fil conducteur, pas de "raison de vivre"!), plus de raisons de
me priver de foie gras (ouch... c'est dangereux ça!! En meme temps, je
ne me suis pas souvent privee ... ). Bref, c'est une page qui se tourne,
et cette etape de la course, cette pré-course me fait avancer, et
maintenant que j'y suis ... Mais il n'est pas non plus necessaire de
philosopher cent ans car demain, il faut quand meme y aller!
Donc
retour a l'hotel, preparation du sac, des affaires, c'est bon, j'ai
tout. Ensuite, diner avec maman, Bastien et Stephane, dont je reproduis
les moindres gestes: Saint-Yorre et pâtes natures (je me repete mon
ptit Stephane, mais c'est vraiment tres triste!!), et au cours duquel
nous rions beaucoup, ce qui est vraiment appreciable et benefique a
quelques heures de la course.
22h30, il est temps de se coucher. Le
sommeil est dur a trouver malgre les medicaments mais le marchand de
sable passe quand meme.
2. LA COURSE
Jour - J. 6h45, je me leve et, les yeux encore
collés, tâche de m'habiller, petit dejeuner et rassembler mes affaires
en direction du bus qui nous amene a Courmayeur.
Une fois dans le
bus, je suis detendue, beaucoup moins de pression que l'an dernier. Tout
comme ces derniers jours d'ailleurs. Alors que l'an dernier je
suffoquais a l'entree de Chamonix et a la vue de la place du Triangle
(depart et arrivee de la course), cette annee, je ne realise pas
vraiment que j'y suis. J'ai cette bizarre sensation de manquer de
stress, le bon stress qui fait avancer, comme si j'occultais la
difficulte que serait cette seconde edition, comme si je fuyais. Aussi, je
ne suis pas stressee mais pas non plus sereine du tout. Et au
sortir du tunnel, la vue sur Courmayeur, "Your hands in mine
(w/strings)" (PLEASE LISTEN TO IT TO
UNDERSTAND!) d'Explosions in the Sky a fond dans les oreilles (c'est
pour toi Manu), des torrents coulent sur mes joues.
J'y suis. No turning back. Je crois que je realise. Je suis en
route... Et la conversation que j'avais eu avec oncle Doudou quelques
jours plus tot raisonne en moi : " je l'ai deja fait une fois, j'ai fait
la course parfaite et tout s'est bien passe, la joie et la victoire
personnelle etait extraordinaire, et je suis mieux preparee cette annee +
l'experience de me connaitre un peu mieux ; mais cette annee, ca va
etre plus dur". Maintenant je le sais, je le sens. Le doute est alors
beaucoup plus fort que l'an dernier.
M - 10. Je me place dans le peloton, dans le fond
comme a mon habitude. Le soleil brule et la temperature doit bien
avoisiner les 30*. Vangelis est lance a fond, le coeur se sert et bat la
chamade, les batons se levent, la foule applaudit, maman m'applaudit,
je lui rends un large sourire, et c'est parti...
Ma "stratégie" de
partir en queue de peloton, ce qui c'etait avéré payant sur les courses
passees, me penalise cette annee. En effet, la boucle supplementaire de 7
kms et quelques ainsi que le denivele rajoutés en debut de course en
vue d'etirer le peloton n'est pas une franche reussite et je suis encore
coincee a l'arret pendant plusieurs minutes apres 1h de course et de
meme un peu plus tard, je dois patienter pendant 8 minutes (!) pour
passer le premier controle de Bertone apres 12 kms
et 2h30 de course. Je suis alors en 1873*
position. J'entame alors la montee vers La Tete de la Tronche
(2584m) apres 4 kms et 600m D+, toujours sous un soleil et une chaleur
epouvantable. Je sens que mes jambes ne repondent pas encore tout a
fait, je me demande alors si je ne les ai pas oubliees dans le bus ...
Une fois en haut, j'entame la descente poussiereuse dans un premier
temps et rocheuse ensuite puis la remontee vers le refuge Bonatti
que j'atteinds 2h30 plus tard apres 6 kms parcourus. Je suis alors en 1826*
position. Ca se bouscule au ravito mais comme je vais beaucoup mieux
(enfin), je decide ne pas m'attarder, je bois juste un coca et je
repars. Apres 4 kms, j'arrive a Arnuva (26 kms
et 6h11 depuis le depart, 1722* ) ou
je tache de me restaurer mais j'ai un peu de mal, dû a la chaleur et a
un mal de crane qui commence. Mais je bois: soupe, the, maxime, coca et
eau.
Puis j'entame mon passage prefere de la course, celui qui, comme je
le disais deja l'an dernier, me faisait rever quand je regardais les
videos de la course ou l'on voit cette tente jaune troner au sommet en
guettant nos arrivees : le Grand Col Ferret culminant a
2537m. Le sac tres lourd apres avoir rempli ma reserve d'eau en entier,
je peine un peu a redemarrer. Et le reste de la montee s'avere beaucoup
moins finger in the nose que l'an dernier mais j'avance quand
meme ... J'arrive en haut en 1h50 apres avoir fait 5 kms et 700m D+. Je
suis alors 1660*. Et comme il fait un froid de gueu
la-haut, j'enfile ma veste et commence les 9kms descendant qui me
separent de La Fouly (en Suisse) ou je suis deja juste
juste sur les barrieres horaires (a peine 45minutes d'avance), que
j'atteinds apres 9h35 de course et me place en 1604*.
Mais le trajet a ete laborieux: j'ai peiné a trouver du jus,
du dynamisme, j'ai eu du mal a relancer, meme dans les descentes. Je
courrais par episode seulement. Le moral etait pas mal retombé depuis
Bonatti... Je ne cessais de comparer avec l'an dernier, a quel point
j'avais du mal a trouver mon rythme, apres quand meme 40 kms
passés sur la course... Je commence alors a me poser quelques questions
: est-ce que ca va aller mieux? pourquoi ca ne va pas bien (on retrace
alors TOUS les entrainements faits, les repas, les quelques sorties avec
les potes qui peut-etre jouent maintenant, les evenements familiaux qui
peut-etre influent egalement, etc, TOUT est passé en revue)?
que faire pour aller mieux? comment essayer d'avancer un peu plus et
rattraper la barriere horaire a Champex??
Une fois au
ravitaillement, je n'arrive guere a manger plus de 2 morceaux d'orange,
toujours sous le coup de l'insupportable chaleur. Je sors alors ma
frontale puisqu'il est a present bientot 21h et la pénombre est bel et
bien tombee. (J'en profite alors pour remercier PETZL pour ce veritable PHARE qu'ils m'ont donne). Je sors alors mon
telephone pour la premiere fois depuis le debut, histoire de voir si
quelqu'un pense a moi. 8 messages recus! Dont 2 d'anciennes collegues
que j'ai a peine croisees, me disant qu'elles me suivent et trouvent que
c'est tres bien ce que je fais a present!! (dont une himalayiste sans
oxygene! Qui me dit que ce que je fais MOI c'est bien!!) ainsi que les
amis et la famille. Et croyez-le ou non mais ca me redonne un super
sourire et une envie de vraiment m'accrocher et de passer cette ligne
d'arrivee, pour, en quelque sorte, leur rendre une partie de ce que j'ai
recu; partager avec eux ce que je gagnerai (la ligne) grace a ce qu'ils
m'auront donne.
Je repars donc avec 2 TUC dans la main que je tache
d'avaler en repartant. Je sais deja que le chemin est long et penible
vers Champex. Je suis alors completement a plat, j'arrive guere a
courir, je n'ai aucun jus, aucune puissance, et le moral retombe autant
que les questions recommencent a affluer. J'ai alors du mal a me voir a
Champex mais je tache de me concentrer sur mes pieds : un apres l'autre.
Je dois effacer les mauvaises pensees et me concentrer sur mes pieds.
La nuit est completement tombee. Et je n'arrive pas a courir. Enfin, vu
mon etat, je me garde de courir pour conserver les quelques forces qui
me restent pour atteindre Champex dans un premier temps et continuer la
course dans un second temps. Mais les kilometres passent et je ne vais
pas mieux... Je doute, je doute, je doute... Je me dis
que peut-etre ces courses ne sont pas/plus pour moi (je me suis deja
prouve ce que j'avais a me prouver). Et (toujours en comparant avec l'an
dernier) je commence serieusement a me demander si ca vaut la peine de
continuer apres Champex. Cela vaut-il le coup si je suis toujours juste
juste par rapport aux barrieres horaires? (si tant est que je ne sois
arretee avant). J'attaque alors la montee vers Champex avec cette
question (mot, avec la fatigue...) qui me taraude a chaque pas un peu
plus : continuer? Et meme si je ne m'avoue pas encore
vaincue, la seule idee flottant dans ma tete me maintient le moral bas
et je m'imagine deja raconter mon abandon a mes proches, mes amis, la
honte au ventre... Et je m'imagine deja en train de faire un nouveau
recit d'abandon (voir Annecime) et meme, me dit que je n'en ferai pas en
fait... A 23h29 (barriere horaire a minuit) j'atteinds
les 55kms de la course a Champex, en 1460*
position. Lorsque le bip de passage retentit, je suis alors a 60/40%
d'abandonner. Ce, principalement a cause des comparaisons
incessantes que je fais (et ne peux m'empecher de faire par
rapport a l'an dernier) plus que mon vrai etat physique. Cela
m'insupporte d'etre moins bien que l'an dernier et d'envisager une temps
moindre (en proportion) que l'an dernier. Mais je ne rends pas mon
dossard tout de suite. Tout d'abord, ma decision n'est pas arretee et
puis je veux m'assoir, tacher de manger, retrouver la gnaque
(orthographe?) et... repartir. Mais j'ai toujours la gerbe (sentiment
que j'ai depuis le Grand Col Ferret), l'ai encore plus a l'idee de
manger, et surtout, je pense a ce qui m'attend : 3 ascensions, dont 2
des plus difficiles du parcours... Et je ne sais vraiment
pas/plus quoi faire... Mais, les Dieux de l'Ultra-Trail
n'avaient pas decide ma mort et m'ont envoye un coup de pouce : alors
que je sortais mon telephone pour chercher de l'energie dans vos textos,
Incoming Call from Doudou (mon oncle, triathlete et
marathonien aguerri et experimente) s'affiche sur mon ecran ... Je
decroche :
- Allo?
- Salut ma grande, ca va bien?? C'est GE-NIAL,
tu as gagne 400 places depuis ton depart, c'est SUPER ce que tu fais!!
(sacré Doudou ... ;) )
- Oui, merci mais la, ca va pas du tout, j'ai
la gerbe, j'ai pas de jus, j'arrive pas a bouffer, j'ai plus de motiv...
j'arrive plus ...
- Attends ma grande, tu as SIGNE pour en chier, on
savait que ce serait difficile mais tu as gagne 400 places! La tu
attaques la nuit, ca va etre difficile, peut-etre pendant 3, 4h et
apres, ca va aller mieux, apres, ce sera presque gagné!
Et en a peine
quelques secondes de plus, il a reussi a me redonner ce petit quelque
chose qui me manquait, cette petite flamme qu'il me fallait pour me
f**tre un c**p de pied aux f*sses... Je me change alors rapidement et
regarde avec horreur (et soupir) ma montre : 23h55, il va deja etre
l'heure de repartir... F*ck... Mais les Dieux de l'Ultra
m'octroient une deuxieme prolongation : quelqu'un (le messie) prend un
micro et répand la Bonne Nouvelle a tous les "disciples" de Champex ; la
barriere horaire est deplacee a 00h30. Une prophetie plus
clemente se laisse alors presager. Je vais chercher 2 yaourts
et 2 quartiers d'orange que je prends le temps d'ingerer (je ne peux, de
toute facon, faire autrement), du the et du coca et a 23h20 je repars
de Champex.
La nuit est veritablement sombre ou nous sommes mais le ciel est beau et ca ajoute un point a mon moral. Je me souviens des mots de Stephane la veille au soir alors que nous nous quittions : "Profite". Et bien tout comme j'ai suivi tes conseils a table, je les suis a nouveau maintenant : je profite. Maintenant que je connais mes pieds par coeur (voir trajet vers Champex), je regarde le ciel et ses etoiles. Des pensees m'envahissent mais bien plus legeres et agreables que celles que j'avais dans ce meme trajet vers Champex : est-ce vrai qu'une etoile apparait lorsque que quelqu'un rejoint le ciel? Mais d'ailleurs, celle que je vois la est en fait morte il y a des annees lumieres de cela ... Je guete egalement les etoiles filantes, dont la poussiere magique pourrait arriver jusqu'a moi... Apres quelques kilometres, j'attaque Bovine, LA montee de la course, avec ses fameuses "marches" a franchir. J'avale alors un petit crocodile tout bleu d'Haribo ("tchit tchit pas de marque"), comme me l'avait conseille mon (premier) maitre et conseiller Pierre B. (je t'avais dit que je courrais aussi pour toi! Meme a distance tes conseils me portent!) et qui me donne le sucre necessaire pour mettre un pied devant l'autre (ou plutot "au dessus" vu la hauteur des marches et de ces satanees pierres!!) et arriver au sommet (1987m) apres 9kms et 500mD+ en 2h30 et en 1382* position. Il est donc 2h51 et il me faut a present faire 6 kms (700D-) en moins de 2h pour etre avant la barriere horaire de 5h a Trient. J'y suis en 1h50 et passe donc a Trient a 4h38, toujours en 1382* position. Je m'assieds 5 minutes, toujours la gerbe aux levres, bois du coca, puis du the, et tache d'avaler un bout de fromage sur un TUC mais je n'arrive a en manger que la moitie.
Je repars en direction de Catogne et ses 5kms
d'ascension pour 700mD+ . Je mastique un nouveau
crocodile, vert celui-ci (les spécialistes vous le diront, il faut
varier les apports! ;) ), que je garde, tel le tabac des cow-boys, entre
ma levre et mes dents. L'effort est difficile, je me concentre a
nouveau sur mes pieds, le droit, le gauche, puis le droit a nouveau ...
Mais je ne m'arrete pas, je tache de maintenir un rythme regulier,
j'avance, j'avance car au-dessus peut-etre est le sommet. Je ne renonce
pas.
J'arrive en 1316* position au sommet (2011m)
apres 1h30 d'ascension. Je remercie les benevoles au
poste de controle de nous attendre, les derniers... et reprends un
crocodile.
Il est 6h44 et les lueurs de l'aube ont
deja commence lorsque j'entame la descente. Le lever du jour
porte en lui le lever des doutes. A present, il me faut
parcourir les 6kms (700mD-) me ramenant en France et Vallorcine
en moins d'une heure pour y arriver avant 8h (originellement 7h45),
Vallorcine la derniere barriere, la derniere frontiere
vers la Terre Promise : la ligne d'arrivee... J'atteinds Vallorcine (km
81) a 7h53. Dans les derniers metres de la descente,
les larmes me montent aux yeux : je vois MA Terre d'Israel, je vois les
rues de Chamonix, les passants, le dernier gauche/droite/gauche et la
ligne d'arrivee... C'est bon, maintenant ca va aller.
Je repars de Vallorcine en 1306* position
avec 3 bouts de saucisson dans la bouche.
Je me dirige a present vers LA partie du parcours que je redoutais le plus : la montee vers La Flegere, rajoutee au programme cette annee. J'en ai beaucoup lu et entendu parle mais n'ai pu aller reperer avant la course (matrice BCG et autres "vaches a lait" et "produits stars" a la place...). Au sortir du Col des Montets, j'apercois un serpent multicolore sans queue ni tete avancer dans la montagne en face de moi et suis prise de panique avant un profond sentiment de lassitude agacee : ca ne s'arretera donc jamais? J'avale mon dernier crocodile (jaune) et attaque ce "mur" de 4kms et 700m D + deja brulant au soleil. Je me cale derriere 5 hommes et refuse de perdre leur rythme. Je lutte a grand-peine pour ne pas vomir le bayou de mon estomac et continue inlassablement a mettre un pied devant l'autre, parfois au dessus de l'autre car de belles marches nous attendent encore. Une fois a La Tete aux Vents (2130m), un peu moins de 3h apres avoir quitte Vallorcine et en 1281* position, je suis prise d'un violent coup de chaud qui m'oblige a m'asseoir pour ne pas tourner de l'oeil. Le soleil est deja extremement chaud et il me faut 2 minutes pour me souvenir de mon prenom et ce que je fais la ... Je ne suis vraiment pas bien, j'ai plus que jamais l'oesophage sur la langue et repars avec beaucoup de mal. Mais je n'ai plus le droit de m'arreter. Je suis deja trop juste sur les limites. Il me faut 50 longues minutes pour faire 4 petits kilometres. J'arrive au dernier controle de La Flegere a 11h38 en 1278* position. Je bois 2 immenses verres de Maxim (tchit tchit pas de marque mais boisson energisante) et repars tres rapidement. Il me faut a present mettre le dernier coup de cravache : 7 kms (800mD-) a faire en moins de 1h10. Je ne traine donc pas et apres 1 ou 2 kilometres, je commence a courir. Mon cerveau a completement fondu comme neige au soleil mais mes jambes ont pris le controle de mon corps. Je me demande si elles sont a moi ou si je n'ai pas pris celles des benevoles de La Flegere ou celles d'un autres coureur par inadvertance. Mais soit, je leur obeis, car je REVE depuis Trient (donc depuis 5h du matin) de faire pipi et dans de vrais toilettes et il est temps maintenant d'arriver ... Cette derniere descente se fait dans la foret mais je vois deja Chamonix, j'entends les applaudissements, je vois les couleurs des sponsors, et je vois la ligne... je la vois ... cela fait a peu pres 24h50 que je suis en course et je peux a present dire que je vais le faire ce recit, parce que je vais au bout. Il m'aura fallu 25h de doute mais je vais au bout.
A 12h50 j'entre dans les rues de Chamonix ou les passants sont la (beaucoup plus nombreux que l'an dernier a 10h, j'ai bien fait de trainer!) et nous portent dans ces derniers metres, j'entends des "Allez Ghislaine!!", "Allez Christiane!!" ou encore "Allez ..... heu ... Allez!!" (=> "Gratianne"), mes levres sont bloquees en mode sourire, mes jambes elles, ne sont plus la, j'ai du les perdre ou les faire tomber au profit d'ailes, la ligne droite de la rue Joseph Vallot, le dernier gauche, le dernier droite, encore un leger gauche et enfin, LA DELIVRANCE, la ligne d'arrivee ... La fichue ligne d'arrivee. Et maman qui m'attend. JE - L'AI - FAIT ... JE - L'AI - FAIT ... Je l'ai fait ... Il est 12h57, je suis 1237* dans 3 minutes le couperet tombera, il m'aura fallu 25h56m57s mais je suis cette annee encore finisheuz de cette sublime (sic mais sublime) course (700 abandons). Moi Gratianne, je l'ai encore fait.
3. EPILOGUE
L'emotion est beaucoup plus intense et douloureuse que l'an dernier mais aussi en un sens beaucoup plus belle que l'an dernier tant j'en ai chié! Du debut a la fin je n'ai cessé de douter, je n'ai rien voulu plus que de passer cette ligne et avoir mon titre de finisheuz mais je n'en ai en meme temps jamais plus douté. Du debut a la fin j'ai du lutter, contre mon corps et ma tete,et inlassablement me forcer a mettre un pied devant l'autre, a coup de pauvres bonbon crocodiles et boissons energisantes pour me faire avancer. Du debut a la fin j'ai puisé au fond de moi, tant dans mes intestins que dans mes tripes (tete) pour me pousser encore, au prochain ravitaillement, au suivant puis a la ligne. Du debut a la fin je me suis battue contre moi-meme et je peux dire que je me suis foutue la patée! "Abbat Gratianne et longue vie a Gratianne"!!
Au retour a l'hotel, et tout le reste de l'apres-midi, je recois de nombreux textos et de nombreux coups de fil, je raconte ma course, mais ne realise pas tres bien en fait l'etendue de ce que je viens de faire, ni meme ce que je viens de realiser tout court ... Et je me couche avec un sentiment bizarre de ne pas profiter au maximum de ce succes. Mais au lever le lendemain, je me reveille en larmes, comprendant enfin ce que je venais de faire, et avec deja l'impatience d'etre sur la ligne d'arrivee, du Grand Tour cette fois-ci ...
4. REMERCIEMENTS
- Je voudrais partager cette "victoire" avec toi Doudou, sans
toi, JE N'ETAIS PAS AU BOUT, avec Pierre Bernard, j'espere que tu vas te
remettre tres vite et que tu m'epauleras a nouveau l'an prochain et que
l'on fera le grand tour ensemble.
- Je voudrais remercier toux ceux
qui m'ont supportee de pres ou de loin, maman, merci de m'avoir
accompagnee cette annee.
- Et je voudrais dire un grand merci a
Patrice du magasin Adrenaline de Grenoble et Alban de Salomon pour
m'avoir fait confiance cette annee en me donnant du super matos
ainsi qu'a Frederic du magasin Running Altitude de Lourdes pour tous ces
conseils (alpins et pyreneens vous savez maintenant ou vous fournir).
NB : je dois avouer que j'ai tout de meme quelque peu hesite
avant de mettre mon recit en ligne car je me suis sentie atrocement
ridicule lorsque j'ai appris que pour le grand tour (166kms et
9000mD+!!), un espagnol de 21 ans a mis a peine ... 20 H
!!!! Et moi j'en mets 6 de plus pour le mini tour!! Mais, nous ne
sommes pas tous nes pareil et puis prenez le gateau basque : qu'il soit a
la creme ou a la confiture de cerise, il EST bon, cela depend seulement
de ce que l'on recherche et de la situation!!
:D
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