Au terme d’un hiver sans remontées mécaniques, un dernier assaut de l'hiver en avril 2021 fournit enfin l’occasion de mettre à exécution un plan plusieurs fois repoussé dans l’hiver : partir à l’aventure, pour une destination qui semble subitement tout aussi lointaine que le Japon, aussi sauvage que la Sibérie : la vallée du Valgaudemar, au coeur du parc National des Ecrins, pour le premier épisode d'une série d'articles consacrée au ski dans les Hautes Alpes, à suivre cet hiver...
Attestation de déplacement professionnelle et test antigénique en poche, l'aventure commence dès le poste-frontière séparant l'Isère des Hautes Alpes franchi. Après une saison passée à la maison, la vision de nouvelles montagnes est réjouissante.
Depuis Grenoble, il faut compter moins de 2 heures de route facile pour rejoindre La Chapelle en Valgaudemar, 3 heures depuis Lyon. L'aventure près de chez vous.
Depuis Saint Firmin, nous remontons la vallée du Valgaudemar, encadrées de murailles minérales et de pics flirtant avec les 4000m en longeant la Séveraisse, le cours d’eau qui nous guide vers notre objectif du jour : le refuge Chabournéou où nous passerons la nuit avant d'attaquer le lendemain l'ascension du pic Jocelme et ses 3458 mètres. Ce n'est pas tout à fait rien.
Si l'été il est possible de remonter une bonne partie de la vallée par la route, cette dernière est fermée l'hiver, du fait des nombreuses coulées d'avalanche qui la traversent. Il nous faudra donc marcher avant de skier, mais la journée est belle, l'énergie (encore) intacte.
C’est donc plein d’entrain que nous attaquons la promenade, un peu tardivement il est vrai mais il n'y a pas de risque sur cette première partie.
10 km et 800 m de D+ plus tard, enfin arrivés au refuge, nous ne sommes pas loin du coup de chaud, on fait beaucoup moins les malins : la montée en soi n'a rien de technique mais avec les sacs chargés à bloc, la remontée en plein cagnard a fait des dégâts. On dirait le sud.
Le refuge CAF du Chabournéou, souvent qualifié de rustique mais tout à fait agréable et confortable, est idéalement situé sur un nid d'aigle à 1998 mètres d'altitude. Il offre une vue magnifique sur la vallée, dominée par la muraille du Sirac (3441 mètres). Nous sommes c'est certain en territoire de haute montagne, mais plus que l'altitude, c'est la rudesse et la majesté du coin qui mettent dans l'ambiance.
lumières de fin de journée sur le vallon de Vallonpierre, vu depuis la terrasse du refuge. Un peu de sensualité dans toute cette minéralité.
Alex, notre guide et une partie du groupe partent repérer le début de l'itinéraire prévu pour le lendemain, pendant que d'autres profitent de la terrasse ensoleillée pour se re-hydrater. C'est un des avantages du mois d'avril : le soleil ne nous quittera que bien après 18h, l'occasion de prolonger l'apéro. Après quelques batailles avec le gaz, le festin prend la forme d’une succulente platée de carbonara. Les pates c’est bien pour l’effort qui nous attend. On complète avec quelques bières histoire d'être vraiment sûrs de faire le plein d'énergie. On n'est jamais trop prudents.
Alex Bompar, notre Guide, a grandi à Gap, et fait toutes ses armes, du monitorat à l'aspirant guide, dans les vallées du Champsaur et du Valgaudemar. Il a depuis accompagné ses clients aux 4 coins du monde, mais
Le Jocelme, c'est LE sommet à faire dans le Valgaudemar, le plus skiant. C'est déjà une belle ascension mais qui reste accessible alors que les autres itinéraires basculent vite vers le ski-alpinisme"
On se lève le lendemain vers 6h, en même temps que les premiers rayons de soleil viennent illuminer le Sirac. Est, Ouest, tout ça : c'est donc à l'ombre que se déroulera notre ascension du jour. Il ne fait heureusement pas trop froid, juste ce qu'il faut pour bétonner la neige après le coup de chaud de la veille. Les machines se remettent en route doucement, les batteries n'ont pas été complément rechargées depuis la veille.
Du coup, la montée est technique, les pentes raides un peu gondolées rendent les conversations un peu scabreuses. Les couteaux sont de fait obligatoires, avec plusieurs passages skis sur le dos au milieu des cailloux, portages finalement bienvenus. L’hypervigilance demandée par la dimension « faut pas tomber » augmente la consommation énergétique. L'évolution à plus de 3000 mètres se fait sentir également. Disons qu'on en bave raisonnablement, pour ce qui reste une course facile en alpinisme (cotation PD-). Mais la glace complique toujours les choses.
Un peu plus tard, le cheminement au soleil sur le paisible et vaste glacier du Jocelme - peu crevassé mais la prudence reste de mise - est un régal pour les yeux, et l'occasion de reprendre un peu d'énergie avant l'ascension finale qui se fera là encore skis sur le sac.
Il y a un hélico dans cette photo, le retrouver vous donnera une idée de l'échelle... Le vallon suspendu de Vallonpierre m'aura hypnotisé pendant les 2 jours de notre escapade, tout comme le Pic de Parières qui vient au second plan compléter le tableau.
Il n'est jamais trop tard pour faire les présentations : notre groupe est constitué du guide Alex Bompar, de Gaëtan de l'Office du Tourisme du Champsaur Valgaudemar (en telemark) et d'un groupe de 4 copines, Astrid, Julie, Coralie et Corinne monitrices et pisteuses de la vallée du Champsaur à l'énergie débordante, bien décidées à ne pas s'endormir en cette saison de pause forcée.
la vallée du Valgaudemar dans toute sa splendeur, vue depuis le Jocelme. La voiture est là bas au fond... On évite de trop penser au crapahut de retour...
En neige froide, ou décaillée, cette descente doit être un régal, avec près de 2000m de D- : régulière, sans difficulté objective, avec un paysage à couper le souffle.
Ce jour là, les conditions de glisse ne sont pas idéales : on mange notre pain blanc de neige froide en quelques virages seulement. On sera passé en quelques heures d’une montée vitrifiée à une descente dans une soupe prête à décapsuler un genou à la moindre erreur. Ce qui entendons nous bien reste préférable à une descente sur la glace. Mais peu importe la qualité de la neige ce jour là, l’essentiel est cette parenthèse magique à presque 3500 mètres.
De quoi allonger la courbe sous l'oeil du Pic de Bonvoisin (3480m). Ce passage est vraiment magnifique.
Alex Bompar pose sa trace dans ce décor de rêve. Un peu plus bas et en couleur, Gaëtan tire le meilleur parti des conditions (en telemark!)
Chaque virage nous rapproche du portage final, qui s'avérera en fin de compte bien moins pénible que craint. C'est sec mais heureux que je reprend la route vers mes montagnes iséroises. Faut pas trainer, y'a couvre-feu!
Si une bonne condition physique est requise pour soutenir 2 jours d'effort, cette course n'est en revanche pas très technique (en bonnes conditions) et reste accessible à un skieur de randonnée débrouillé, maitrisant le cheminement skis aux pieds ou sur le sac en toute neige.
Il reste en revanche très vivement recommandé de faire appel à un guide pour vous accompagner, et partager un peu de la charge mentale inhérente à toute course en haute montagne. Vous en profiterez d'autant plus!
Toutes les informations sont à retrouver sur le site du Champsaur Valgaudemar.
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