Alors que les stations de ski ont fermé depuis le début du mois, les fortes chaleurs historiques qui règnent durant ce mois de mai mettent fin de manière précoce à l'ensemble des pratiques hivernales ...
Après un hiver, sans remontées, mais plutôt digne de ce nom la saison dernière : quel bilan météo pouvons nous tirer de ce cru 2021/2022 ? Données, chronologie, et explications au menu de cet article.
Après un été 2021 plutôt humide et, enfin, pas trop chaud (même si l'on est resté au-dessus des moyennes de saison) : les espoirs étaient permis pour envisager un début de saison précoce. Mais, la nature en a décidé autrement.
Le mois de septembre a été bien anticyclonique avec simplement quelques dégradations orageuses, plus marquées sur le Sud du pays. Dans la continuité, octobre a été très anticyclonique et sec. Ainsi, aucune chute de neige significative n'a été observée en altitude durant cette présaison à l'inverse de l'année précédente.
Début novembre, une première petite offensive neigeuse est venue apporter un coup de blanc dès la moyenne-montagne. On s'est alors dit que la saison allait pouvoir débuter tranquillement mais sereinement. Mais c'était sans compter sur le retour de l'anticyclone pour quelques semaines encore. Hormis un retour d'Est relativement actif, qui a apporté une belle couche de poudreuse en Haute-Maurienne et sur l'Est du Queyras en début de mois : les conditions sont restées bien calmes.
L'ouverture de Val-Thorens, le 20 novembre, s'est donc déroulée sous un enneigement largement déficitaire avec simplement des bandes de neige artificielles pour les (nombreux, après une année sans remontées) pratiquants.
Mais comme souvent, les choses ont radicalement changé en peu de temps. A partir du 26 novembre environ, les centres d'action (anticyclones et dépressions) évoluent sensiblement. Comme on le voit sur la carte ci-dessous : les hautes-pressions (plages de couleurs rouges et valeurs de pressions autour des 1030/1035 hectopascals) se décalent sur l'Atlantique tandis que les dépressions d'origine nordiques (plages de couleurs bleues et champ de pressions autour des 995 hectopascals) descendent sur la France et le centre de l'Europe. Dans ce contexte ; de l'air frais et humide s'engouffre sous ce courant de Nord propice à l'enneigement jusqu'à basse-altitude d'une très grande partie des massifs français.
Ce type de temps se maintient jusqu'au 10 décembre environ avec par moments un courant de Nord frais donc, et par moments un courant d'Ouest à Nord-Ouest relativement plus doux mais encore plus humide. L'enchainement quasi quotidien des perturbations garantit alors la mise en place d'une sous-couche épaisse sur de nombreux reliefs, en particulier côté Pyrénées où les hauteurs de neige deviennent exceptionnelles pour la période.
Entre mi-décembre et la première semaine des vacances scolaires : les conditions sont très anticycloniques. Même si il fait très doux en altitude, par inversions de températures avec souvent du brouillard en plaines et vallées : les épaisseurs de neige ne diminuent pas trop, hormis en pentes plein Sud, grâce à l'air sec et au soleil très bas à cette période de l'année (les jours sont au plus courts). Bref : c'est un début de saison idyllique partout en montagne avec du soleil et une couche de neige présente partout jusqu'à très basse-altitude.
Mais c'était, évidemment, sans compter sur le traditionnel coup de pluie jusqu'à 2500/2800 mètres environ désormais observé une à trois fois par hiver. Il s'est produit cette année autour du 28 décembre. La qualité de neige s'en est retrouvée partout altérée. Mauvaise nouvelle ? Pour les conditions de ski oui forcément. Mais cet épisode était très bénéfique, en "pourrissant" le manteau neigeux en profondeur et ainsi purger le manteau neigeux en limitant (à terme) le risque d'avalanches.
S'en est suivi : des records de douceurs pour le jour de l'an, puis une nouvelle séquence assez agitée sur les 10 premiers jours de janvier conduisant à des cumuls de neige très important en altitude sur les Pyrénées, et au retour d'une épaisseur de neige importante sur les Alpes du Nord, les Vosges et le Jura.
Ensuite : on peut dire que cela en était fini de la saison 2021/2022 côté agitation météo et chutes de neige. Le mois de janvier a, globalement, été très anticyclonique avec un cumul de précipitations bien inférieur à la moyenne pratiquement partout comme bien visible sur la carte ci-dessous. Exception faite donc de la chaîne pyrénéenne grâce à l'épisode perturbé très important du début de mois.
Que dire pour les mois de février et mars donc ? Pas grande chose forcément. Février a vu la persistance d'un courant de Nord-Ouest, majoritairement anticyclonique, mais qui a laissé passer brièvement quelques perturbations sur le flanc Est de l'anticyclone avec des chutes de neige souvent concentrées en moyenne et haute-montagne vers les Alpes du Nord ou le Jura.
Plus globalement, et en exemple ici en fin de mois, les hautes-pressions venaient s'installer fréquemment sur le pays avec des valeurs de pressions élevées (autour des 1030 à 1035 hectopascals). Le différentiel d'enneigement entre pentes Nord (voyant encore relativement peu le soleil) et pentes Sud très ensoleillées est alors marqué partout.
En mars : la circulation atmosphérique va, à nouveau, bien changer. Un flux d'Est à Sud-Est exercera son influence durablement sur le pays. Est-il responsable du retour des épisodes neigeux ? Non. Seules les régions proches du Golfe du Lion (et donc une infime partie de l'Est des Pyrénées) voit le retour de précipitations significatives. Ailleurs : le temps est souvent sec. On observe même, à nouveau, l'arrivée du sable du Sahara dans l'atmosphère ...
Fin-mars l'enneigement est alors partout déficitaire avec une fin de saison parfois précoce en basse et moyenne-montagne sur les versants les moins bien exposés.
On se dit alors que le printemps est définitivement installé. Mais, début avril (notamment le 1er de ce mois) : une brutale descente d'air polaire gagne le pays. Il neige, parfois abondamment jusqu'à très basse-altitude sur l'extrême Est du Massif-Central et sur les massifs proches de Grenoble où l'on observe les chutes les plus importantes depuis la toute fin-novembre.
Mais cet épisode n'est qu'un intermède dans un océan d'ennui et ne suffit pas à combler le déficit d'enneigement qui est déjà notable en pentes Sud. Il devient même présent, dès le 11 avril, en pentes Nord à toutes altitudes sur l'ensemble de l'arc alpin hormis en Chartreuse/Bauges/Beaufortain/Aravis/Belledonne comme on peut le voir sur la carte ci-dessous.
Et la situation ne s'arrange absolument pas par la suite. Le temps est sec, plutôt doux, sur la deuxième quinzaine du mois d'avril. S'agissant de mai, que dire ? Vous l'avez tous forcément remarqué. Il a fait chaud. La séquence du 10 au 22 mai a été tout bonnement historique avec des records de chaleurs pour un mois de mai qui ont été littéralement pulvérisés sur de très nombreuses stations. Pire : cette séquence a été très durable et s'est accompagné d'un air très sec avec simplement quelques orages sur la fin de la période. Cela tranche avec certains mois de mai passés ces dernières saisons, notamment l'an dernier, où l'on observait quelques chutes de neige jusqu'en moyenne-montagne et où le ski était possible jusqu'au mois de juin à haute-altitude. Rappelons nous l'ouverture de saison ... une fin mai en 2021 du côté de la Clusaz.
Les choses ont donc bien changé cette année même si des flocons s'invitent, pour l'anecdote, le 24 mai dès 1600/1800 mètres sur les Pyrénées.
Un graphique pour synthétiser tout cela : le cumul de précipitations agrégées à l'ensemble de la France depuis le début de l'année ... il est famélique. Nous vivons ainsi le troisième début d'année le plus sec depuis le début des relevés en 1959.
Deux graphiques pour représenter l'enneigement sur le massif cette saison :
- un enneigement très important en décembre, notamment en début de mois et après une toute fin-novembre déjà bien neigeuse. Les hauteurs de neige étaient inédites depuis 2012 au 15 décembre sur, pratiquement, l'ensemble du massif. On relevait par exemple 90 cm au sol à Chamonix (1042 mètres) le 11 décembre ou encore 1 mètre 25 à Valmorel à 1350 mètres, hauteur inédite à cette date depuis le début des mesures officielles en 1985.
- un cumul de neige très faible sur les trois mois : janvier/février/mars mais ce constat peut également être reporté pour les mois d'avril et mai non représentés ici.
Notons également un excédent d'ensoleillement important sur l'ensemble de la période de novembre à mai. Une situation ennuyeuse pour les amateurs de poudreuse mais idyllique pour la plupart des stations qui ont connu une fréquentation très importante cette année en partie grâce à une constitution du manteau neigeux en novembre/décembre et, par la suite, l'omniprésence du beau temps. Le dicton, que l'on ose : "hiver chiant, ravi l'exploitant" était donc plus que jamais de rigueur cette année ...
Pour être tout à fait exhaustif, notons la fin précoce de la saison de ski de randonnée puisque suite à l'historique coup de chaud de la mi-mai tous les pratiquants (même parmi les plus téméraires) ont rangé les planches. Et pour cause : la fonte a 3 semaines d'avance par rapport à une année beaucoup plus classique.
Si le manque de neige s'est vraiment fait ressentir, seulement, en toute fin de saison sur les Alpes du Nord : la situation est bien différente sur les Alpes du Sud.
A aucun moment, il n'a semblé qu'une sous-couche durable ne daigne à s'installer sous les 2000/2200 mètres sur le massif. Tout au long de l'hiver, la crainte était là et les médias (comme ci-dessus sur cette une de Nice-Matin au coeur de la saison) se sont interrogés sur l'état des domaines skiables ...
Alors que s'est-il passé ? Il faut bien évidemment se pencher sur la circulation météo à l'échelle de l'Europe ces derniers mois pour comprendre. L'anticyclone a souvent dominé sur l'Europe Occidentale, comme en résulte la sécheresse précoce actuelle sur l'ensemble du pays. Mais, au seul moment où les chutes de neige ont été très nombreuses et parfois abondantes sur le reste du pays : c'est un courant de Nord à Nord-Ouest qui prédominait. En jetant un œil sur notre article complet concernant " L'enneigement des massifs français " : vous verrez que les Alpes du Sud sont asséchées par ces courants de Nord-Ouest qui ne déversent plus de précipitation une fois passé les Ecrins.
C'est donc l'absence de courant d'Ouest à Sud qui a fait défaut, conduisant à un des pires enneigement de ces soixante dernières années sur l'ensemble de l'hiver (exemple ci-dessous autour du 1er février).
Soyons clairs : sans neige de culture, les domaines skiables seraient restés fermés de très nombreuses semaines en particulier là où le déficit a été le plus marqué (Mercantour, Queyras, Ubaye, Haut-Verdon). Ici, le cumul de neige total sur l'ensemble de la saison n'a pratiquement pas dépassé les 1 mètre à 1 mètre 50 sous 2000 mètres et les épaisseurs de neige n'ont jamais atteint les 70-80 cm sous 1800 mètres.
Nous sommes d'ailleurs fin-mai, et les névés se font déjà beaucoup trop rares. A moins d'un été, vraiment pourri : les glaciers vont malheureusement énormément souffrir cette année avec un bilan fortement négatif.
Une saison de rêve ... côté stations de ski où la-aussi on a battu des records de fréquentation un peu partout.
Des perturbations, copieuses et souvent neigeuses jusqu'en basse-montagne, se sont enchaînées entre la fin du mois de novembre et le début du mois de décembre. Cette succession d'épisodes neigeux a permis la mise en place d'un enneigement record pour la période entre le 1er et le 10 décembre, que ce soit à l'échelle départementale sur l'extrême Ouest de la chaîne comme le graphique de droite en Pyrénées-Atlantiques en témoigne, et de manière plus locale à peine plus à l'Est comme en Haute-Bigorre (graphique de droite). Seules les Pyrénées-Orientales connaissaient alors un enneigement, bien que très conséquent, moins exceptionnel.
Lorsque l'on se concentre un peu plus sur le graphique de droite ci-dessus on voit que, après une nouvelle offensive perturbée (s'accompagnant d'un redoux) notable début janvier ; le temps est devenu bien plus calme. L'anticyclone a en effet dominé la partie avec des perturbations qui peinaient à atteindre le massif où douceur et soleil régnaient en mettre permettant donc aux stations de ski de faire le plein pendant la période la plus importante : le coeur de l'hiver (fin-janvier à début-mars).
Comme partout ailleurs, les conditions sont restées très calmes en fin d'hiver permettant à l'enneigement de revenir dans les moyennes mi-mars puis de passer un peu en-dessous en toute fin de mois. En avril/début mai : seule la haute-montagne conaissait encore un enneigement au-dessus des moyennes. Puis, mi-mai : la fonte a été très rapide en lien avec les fortes chaleurs. Notons tout de même que, le 24 mai et contrairement à ailleurs, le massif a connu un furtif retour en hiver avec des chutes de neige très éphémères dès 1600/1800 mètres environ.
Un hiver coupé en deux ... Quelques données pour illustrer cela : sur l'ensemble de la période (de novembre à mai), le cumul de neige total du côté de Mouthe (25) à 940 mètres a été de 179 cm, ce qui est bien faible. Mais, c'est entre fin-novembre et le mois de janvier que la quasi-totalité (162cm) du cumul a été observée. Ce constat est valable pour une grande partie du massif du Jura, mais également des Vosges.
Grâce au flux de Nord-Ouest durable et dynamique du 24 novembre au 14 décembre, les chutes de neige ont en effet été très fréquentes et parfois abondantes. Comme partout ailleurs : on s'est alors dit que c'était bien parti pour un bel hiver ... Il n'en a rien été.
Néanmoins, les conditions anticycloniques de janvier ont permis à la neige de bien se conserver. Au fil du mois de février, et en raison d'un temps souvent sec, une fonte progressive a en revanche pris le relais. En mars, l'enneigement était très déficitaire partout puis commençait à devenir problématique un peu partout en toute fin de mois juste avant la fermeture des stations.
Le coup de blanc du 1er au 4 avril, éphémère, était donc là simplement pour le symbole ....
Le cumul de neige, sur l'ensemble de la période, au Falgoux (15) à 975 mètres est famélique : 60 cm. Surtout qu'il fait suite à un hiver 2020/2021 très bien enneigé sur cette partie du massif.
Détaillons un peu plus : après une période très calme en octobre/mi-novembre, les choses se sont accélérées comme partout en fin de mois avec de fréquentes chutes de neige, qui se sont succédées jusqu'à mi-décembre. Et puis ? Et bien retour aux habitudes : le temps a été souvent calme, avec des mers de nuages en vallées, de la sécheresse, de la douceur en altitude et de brèves incursions perturbées qui ont touché la façade occidentale et septentrionale du massif en raison du courant de Nord-Ouest prédominant. Au final, l'enneigement a été déficitaire partout.
Ce déficit a été encore plus important sur le Sud-Est du massif, qui a besoin de courant de Sud-Ouest à Sud pour observer de copieux épisodes neigeux, jusqu'à mi-mars ... et puis ; il est tombé en moins de trois jours un mètre à un mètre 50 de neige sur les sommets du Mont-Lozère, du Mézenc, ou encore de l'Aigoual avec un épisode remarquable grâce aux remontées humides méditerranéennes (épisode cévenol).
Aigoual, attardons nous y un peu d'ailleurs : la station météo présente au sommet est l'une des plus anciennes de France et surtout ne subit aucun effet d'îlot de chaleur urbain (comme c'est le cas sur une autre station très ancienne du côté de Paris). Et bien, on en a peu parlé en raison des inversions de températures de janvier qui ont un peu "biaisé" le ressenti : cet hiver a été très très doux en montagne. Le graphique ci-dessous fait en effet état d'un nombre record de températures maximales supérieures à 5 dégrés sur les trois mois d'hiver (décembre, janvier, février) puisqu'ils sont au nombre de 40 ! Notons qu'en 1915 ou 1940 ce nombre était de zéro !
Pour conclure on peut dire que, après un départ en fanfare (de fin-novembre à mi-décembre) : cet hiver a été particulièrement sec, peu enneigé, et une nouvelle fois bien doux. Ce cumul de neige faible, ainsi que la sécheresse et la chaleur qui s'accentuent depuis des semaines laissent présager d'une année catastrophique pour la plupart de nos glaciers. C'est clairement inquiétant ...
4 Commentaires
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Ben celui de Zermatt au village à 1600 m est 181 cm
(1964: 170 de nov à avril dont un affolant total de 6 cm sur 90 jours de dec à fev ,
1949 a probablement le total à Zermatt je n'ai que les mois janv fev mars 1949 total 54 cm et vu que la couche n'avait jamais dépassé 10 cm sur les autres mois, ils n'ont pas du gonfler bcp le total ... )
2022 cumul env 220 cm à Zermatt fury 1867 m ,211 cm à Saas fee 212 cm à Grimentz , 286 à Arolla 2070 m , 554 cm à Verbier ruinettes 2200m , 437 cm à Morgins
690 au Titlis trubsee 1780m , 844 cm au Grimsel Hospiz 1970 m
Mais tous ceux là ne se font pas lessiver leur neige en 48 h comme Mouthe..
Chez les gros bras du Glaris: à 810m Linthal 395 cm cette année (942 en 1999 )
Schwagalp 1350m :669 cm (1421 en 1999 )
et lessivages rarissimes chez eux aussi ....Grrr....
Rem . en 1996 cata aussi là bas c'est un bien louche total de 64 cm ! pour météosuisse et 117 pour SLF -> ??? -> les joies des archives mensuelles incohérentes (en plus MS compte la neige à 8 h pour la date de la veille, pas SLF )
Connectez-vous pour laisser un commentaire