Sur les hauteurs de Grenoble, à l'extrémité sud du massif de Belledonne, Chamrousse et sa station accueillent hiver et été les visiteurs venus vivre la montagne sur ses pentes.
À l'instar d'autres territoires alpins, le domaine voit son fonctionnement impacté par de nouveaux défis : augmentation des coûts de l'énergie, raréfaction de l'enneigement et de la ressource en eau, préservation de la faune et de la flore locale, et équilibre à trouver entre aménagement et préservation de l'environnement.
Depuis la saison dernière, la gestion de l'énergie est devenue une problématique plus centrale encore pour les stations, du fait de l'augmentation drastique des prix qui mettent en péril l'équilibre des comptes, qui s'ajoute au spectre des coupures d'électricité qui mettraient les remontées à l'arrêt. Pour faire face à ce défi, Chamrousse a dû se mobiliser rapidement dès l'automne et tout au long de l'hiver afin de trouver des solutions lui permettant de réduire sa consommation énergétique, et se projeter dans une démarche de sobriété afin d'anticiper les saisons à venir.
Concernant la problématique environnementale, les stations de montagne évoluent sur une ligne de crête, entre valorisation de leur environnement naturel, et aménagements permettant l'accueil des visiteurs. Les projets d'aménagements actuels et futurs doivent désormais impérativement prendre en compte leur pérennité, et considérer la raréfaction de l'enneigement : si la recette du tout-ski a fonctionné pendant plus de 60 ans, les stations de moyenne montagne doivent aujourd'hui impérativement envisager des modes de développement alternatifs, permettant d'amorcer une transition hors du modèle basé uniquement sur l'exploitation de la neige.
L'hiver dernier, nous sommes allés à la rencontre des équipes de Chamrousse, pour une incursion en altitude qui fut l'occasion de découvrir les objectifs de la station, en matière d'appréhension des enjeux environnementaux et de sobriété énergétique.
Si l'histoire de la commune est récente, avec une création en "seulement" 1989, sur des territoires autrefois rattachés à Saint-Martin-d'Hères, Séchilienne et Vaulnaveys, l'histoire du ski là-haut remonte au début du siècle. Pour remonter dans le temps, l'histoire voudrait qu'Henry Duhamel, alpiniste Grenoblois, fût le premier en France à expérimenter le ski, en se rendant sur les pentes du Recoin pour les essayer. En 1911, c'est le Club Alpin Français (CAF) qui fait édifier un chalet sur ce même secteur du Recoin de Chamrousse, destiné au développement de la pratique du ski là-haut. La route ne menant pas jusqu'en haut à l'époque, il était nécessaire d'avoir une structure là-haut pour y permettre une pratique régulière. En 1929, c'est au tour du ski club de Chamrousse de voir le jour, accentuant le développement de l'activité sur ces pentes.
Puis, afin d'entretenir la belle dynamique mise en place là-haut, la création de la route est décidée en 1937 : il s'agit alors de l'itinéraire qui passe par le Luitel, lieu qui marque d'ailleurs la fin de la route jusqu'à l'avant-guerre. Ce n'est qu'ensuite en 1949 que celle-ci rejoint le Recoin : l'aménagement de la station passe alors à la vitesse supérieure, puisqu'en 1952, Chamrousse se dote de sa première remontée mécanique, avec la construction d'un téléphérique !
Au début des années 60, un projet de création d'un centre de jeunesse est porté par les instituteurs de la vallée. Celui-ci voit le jour dans les clairières de Bachat Bouloud, et plusieurs villes y prennent alors part : Mantes-la-Jolie, Échirolles, Tarare, Villeurbanne, Lyon, Boulogne-Billancourt, ainsi que quelques départements : l'Isère bien sûr, mais aussi le Loiret, la Marne et le Bas-Rhin.
En 1968, les pentes de Chamrousse sont à l'honneur sur tous les téléviseurs, avec la tenue des Jeux Olympiques de Grenoble. La station de Belledonne a, en effet, été sélectionnée pour être le grand stade des disciplines alpines : six épreuves s'y tiennent. Les skieurs d'aujourd'hui ont d'ailleurs encore la possibilité d'évoluer sur les itinéraires "Olympique homme" et "Olympique dame".
À la suite des Jeux Olympiques, si le développement économique de la station se poursuit, sa population entame un déclin au cours des décennies suivantes : la commune qui comptait 718 habitants en 1968, n'en compte déjà plus que 544 en 1990, pour 411 aujourd'hui. L'école qui a compté jusqu'à autrefois une centaine d'élèves dans ses rangs n'en recense aujourd'hui plus qu'une trentaine.
Par ailleurs, certaines infrastructures de la station qui peinaient à continuer de trouver leur public et à être entretenues sont démantelées. C'est le sort que connurent la piscine et la luge d'été, dont le trajet partait du col de Balme et s'arrêtait au Recoin.
Aujourd'hui, parmi les 411 habitants que compte la station, 250 y habitent à l'année, travaillant quasi-tous exclusivement dans le secteur du tourisme. Si le vaste bassin d'emploi que constitue l'agglomération Grenobloise se trouve au pied de la station, il faut environ 45 minutes de route pour s'y rendre, sans prendre en compte les inévitables embouteillages générés par le flux des travailleurs.
Le reste des habitants recensés prend en compte les propriétaires de résidences secondaires, qui disposent de leur droit de vote, et pèsent largement dans l'orientation de la gouvernance de la station. Pour la plupart, leur intérêt est d'entretenir le développement économique de Chamrousse, afin de préserver la valeur de leur bien.
Si la station a su accompagner le développement du ski alpin au cours de son histoire et s'est construite comme ses consœurs sur le modèle du tout ski, les défis d'aujourd'hui et de demain exigent de réinventer là-haut un modèle qui poursuive la dynamique du territoire, tout en prenant en compte les enjeux de sobriété énergétique et de transition écologique nécessaire à sa viabilité.
Au premier rang des sources en énergies indispensables au fonctionnement d'une station figure l'électricité. L'hiver passé s'est profilé sous le signe de nombreuses tensions quant à son prix et sa disponibilité : entre augmentation des tarifs, avec parfois une multiplication du MWh comprise entre 5 et 10 selon les contrats des stations, et la menace de coupures d'électricité généralisées.
L'État avait alors tenté de rassurer les stations, en déclarant qu'elles ne seraient pas concernées par les éventuelles coupures volontaires, mais invitait celles-ci, à l'instar des directives faites aux entreprises françaises, à réduire leur consommation électrique de 10%.
Pour atteindre cet objectif, et entamer une politique plus globale de réduction de sa consommation, Chamrousse s'est concentrée sur le principal pôle de consommation d'énergie électrique, à savoir le fonctionnement des 16 remontées mécaniques que comprend son parc. La station a travaillé sur une adaptation de leur fonctionnement : tout d'abord, certaines remontées dont la mise en service n'est pas "nécessaire" pour effectuer certaines liaisons, mais qui servent à ne pas saturer les files d'attente ont fonctionné de manière limitée. C'est ainsi que le téléski de la Perche et le télésiège des Amoureux ont vu leur mise en route cantonnée aux mercredis et week-ends de vacances scolaires.
Autre levier utilisé par la station : la vitesse de fonctionnement des remontées a été adaptée à la fréquentation grâce au déploiement d'un capteur d'affluence permettant de juguler le débit de certains télésièges en fonction de la file d'attente.
Enfin, la station a fait le choix d'arrêter l'une de ses activités phares depuis plusieurs saisons : le ski nocturne, pour qui jusqu'alors plusieurs pistes du domaine étaient éclairées de janvier à mars les samedi soirs, ainsi que les jeudis de vacances scolaire d'hiver. Une activité qui, si elle continuait de trouver son public, n'était plus en accord avec les enjeux de la saison et les objectifs de sobriété énergétique de la station. Celle-ci a donc été remplacé par la mise en place de soirées "ski coucher de soleil", avec un fonctionnement des remontées mécaniques jusqu'à 18h30 aux mêmes périodes que le ski nocturne précédemment.
Le second poste de consommation électrique de la station concerne l'enneigement artificiel des pistes, qui a donc naturellement été travaillé afin d'aller dans le sens des objectifs de réduction énergétique. Le domaine de Chamrousse comprend 42 pistes qui s'étendent sur 90 kilomètres, dont 48% sont enneigeables artificiellement. Afin de pouvoir skier avec moins de neige, et donc en limitant la quantité à produire, la station a investi dans une solution embarquée dans les dameuses qui analyse l'épaisseur du manteau neigeux, et permet ainsi d'optimiser le damage.
À noter qu'il est désormais interdit depuis l'hiver 2022 de produire de la neige lorsque la station fonctionne, sous peine d'être verbalisé.
Autre énergie essentielle au fonctionnement d'une station de ski : l'énergie thermique indispensable à celui des engins de damage. Si la question de l'utilisation de dameuses électriques pourrait être légitimement posée, il faut savoir que les modèles existants ne sont actuellement pas assez puissants pour affronter la déclivité des pentes des domaines. Leur usage se cantonne pour l'instant aux domaines nordiques, ainsi qu'aux fronts de neige et espaces débutants, aux profils plus plats.
Les engins de damages fonctionnant au gasoil sont la première source de gaz à effet de serre issus de la gestion d'un domaine skiable. À partir de l'hiver à venir, les dameuses de Chamrousse fonctionneront pour leur part à l'huile végétal hydrogénée (HVO), un carburant de synthèse fabriqué à partir d'huiles végétales ou issu du retraitement de déchets. Objectif annoncé avec l'adoption de ce nouveau carburant : la réduction des émissions de CO2 de 83% par rapport à l'utilisation du diesel. Les conducteurs ont, en outre, été formés à l'éco-conduite de leurs engins afin d'optimiser au maximum la consommation de carburant. Le travail des dameuses a par ailleurs été limité sur les pistes rouges, qui restent désormais façonnées plus longtemps par les passages des skieurs.
Autre levier de consommation d'énergie thermique : l'utilisation des motoneiges. Si Chamrousse s'était retrouvée au cœur d'une polémique il y a quelques saisons de cela à propos de leur utilisation, en autorisant l'emprunt de son domaine par une société privée qui proposait des excursions nocturnes, leur usage a dorénavant était restreint. Cette dernière pratique a, tout d'abord, été interdite par la justice, et pour ce qui est de leur utilisation par les services de la station, ceux-ci les empruntent de manière plus limitée. En effet, les secouristes de Chamrousse se déplacent désormais uniquement par l'intermédiaire des remontées mécaniques, et interviennent sur les secours skis aux pieds depuis les deux postes situés à la Croix et au sommet de la Bérangère. L'utilisation des motoneiges se trouve à présent cantonnée à la maintenance et au transport de matériel pour le balisage et la sécurisation du domaine.
Située sur les hauteurs de l'une des plus grosses aires urbaines du territoire français, commodément accessible en train ou en voiture, Chamrousse se trouve à la croisée entre la ville artificialisée, et la montagne sauvage qui s'étend au-delà. La station se trouve dans une position d'aire de transition entre un public généralement issu d'un environnement urbain, et un espace naturel qui constitue un territoire d'initiation aux sports outdoor. En effet, Chamrousse est une station très prisée des débutants qui apprécient son accessibilité : nombre d'entre eux viennent là vivre une première expérience, qu'il s'agisse de leur première sortie raquettes, ou de leur première sortie ski de randonnée par exemple. Afin de pouvoir accueillir son public dans les meilleures conditions possibles, la station s'est dotée d'aménagements pensés pour s'intégrer au mieux dans leur environnement.
La Croix de Chamrousse, sommet de la station, a vu ses aménagements repensés la saison passée, dans une optique de développement d'un modèle "quatre saisons", afin que ceux-ci soient aussi profitables aux skieurs l'hiver qu'aux randonneurs et piétons en été.
La station a aménagé là-haut son "Panoramic Park" : une zone qui comprend 3 belvédères panoramiques, une passerelle himalayenne, et une tyrolienne géante. Ces équipements ont été conçus en utilisant des matériaux qui reprennent le même métal que celui utilisé dans la construction du restaurant d'altitude en contrebas, dans un souci de respect de l'harmonie du site. Le premier des belvédères est intégré au toit d'un bâtiment déjà existant qui accueillait autrefois des services météo, et offre un point de vue côté Grenoble. Un second point de vue se trouve situé à proximité du téléski de l'Infernet et offre un panorama côté Oisans. Enfin, un dernier belvédère a été achevé durant l'été au sommet du Dôme de Casserousse, à l'arrivée de la passerelle himalayenne. Longue de 120m, elle est empruntable gratuitement, et permet depuis la Croix de rejoindre le sommet du Dôme de Casserousse durant la saison estivale.
Enfin, dernier élément qui compose le Panoramic Parc de Chamrousse : sa tyrolienne géante. Sa construction a été achevé au début de l'été, et a accueilli ses premiers visiteurs durant l'été, et il s'agit de la plus grande tyrolienne à pylônes du monde. Elle sera pour sa part accessible été comme hiver pour les visiteurs venus rechercher des sensations fortes avec vue.
En aval du sommet, la station dispose de 3 retenues collinaires : le lac des Vallons, la Grenouillère, et celui de la Lauze, accueillant ainsi une réserve totale de 180 000m3 permettant de stocker l'eau nécessaire à la production de neige de culture l'hiver. Ces équipements font l'objet d'obligations légales : en situation de sécheresse, les domaines skiables disposant d'un stock d'eau sont tenus de partager cette ressource avec les éleveurs, ou de la tenir à disposition en cas de besoin pour lutter contre les incendies ou subvenir à un manque d'eau potable. La règlementation en vigueur interdit actuellement d'utiliser ces réservoirs en tant que zones de baignade, mais Chamrousse travaille sur une réflexion qui permettrait d'utiliser ces équipements comme espaces de rafraîchissement durant la saison d'été. Pour l'instant, ce sont les tritons et les crapauds qui jouissent des lieux.
Si ces aménagements servent le développement économique de la station, ils doivent être réalisés de manière raisonnée, en prenant en compte la préservation de l'environnement de Chamrousse et des espèces végétales et animales qui y vivent. En 2020, une commission environnement a été créé au sein de la mairie, avec pour mission d'arbitrer sur les différents projets à l'étude. La construction de nouveaux télésièges et de nouvelles pistes VTT y est ainsi débattue, de même que la mise en place de mesures de protection. À partir de 2020 la commission a ainsi mis en place des nouvelles réglementations relatives au bivouac autour du lac Achard, une zone sensible qui abrite entre autres des populations remarquables de pins cembro : le site était alors très fréquenté par les randonneurs désireux de passer une nuit en montagne dans un environnement montagnard. Le spot étant facilement accessible de par sa proximité avec le parking, de nombreux visiteurs s'y succédaient du printemps au début de l'automne. Les zones autour du lac, soumises au passage des randonneurs, et à l'installation régulière de tentes peinaient à se régénérer, tandis que les pins se trouvaient parfois sciés pour allumer des feux qui alimentaient encore davantage la dégradation des sols... La décision a été prise d'interdire le bivouac du 1er mai au 30 octobre, tandis qu'un garde vert se trouve là-haut durant la saison estivale afin d'effectuer un travail de sensibilisation auprès des visiteurs du site.
Habitant là-haut à l'année, Philippe a également développé un parc accrobranche au sein de la station, afin de faire vivre la montagne là-haut en toute saison. Mais l'hiver n'est pas la seule saison qui soit impactée par le changement climatique : en effet, la saison d'été est également concernée, puisque les arbres du parc accrobranche souffrent de la sécheresse depuis maintenant plusieurs saisons. Certaines espèces risquent de disparaître de son environnement d'ici une dizaine d'année.
Afin de cohabiter au mieux avec la flore, mais aussi la faune, la station dispose d'un inventaire des connaissances environnementales des espaces naturels, qui prennent également en compte la répartition des zones humides, des zones d'hivernage, et des zones de reproduction. Si cet outil est principalement interne au fonctionnement de la station, leur matérialisation auprès des visiteurs constitue parfois un réel dilemme : en ne les indiquant pas, ces zones se trouvent exposées à un risque de passage qui risque de déranger la faune, mais leur balisage conduit parfois à attirer les curieux désireux d'observer ces animaux sauvages. Un travail pédagogique et de sensibilisation apparaît donc comme une mesure conjointe nécessaire afin d'entretenir une cohabitation pérenne avec les espèces qui peuplent le territoire. Une attention particulière doit en outre être apportée à la saison hivernale, car c'est durant cette période que les herbivores et les insectivores doivent fournir le plus d'efforts pour accéder à la nourriture enfouie. C'est également la saison qui correspond à la période de gestation des chamois.
La dialectique d'exploitation et de préservation s'articule de manière simultanée au sein de cet espace naturel complexe, afin de faire coexister à Chamrousse un tissu économique dont l'équilibre est en cours de mutation, à l'intérieur d'un environnement naturel fragile. Dans le but de disposer d'une grille de lecture globale, la station utilise divers outils de travail qui lui permettent de disposer d'une vision transversale des enjeux.
En 2017, la station décide de se lancer dans l'aventure Flocon Vert.
Développé par Mountain Riders, association de promotion de la transition écologique en montagne née en 2001, le Flocon Vert se veut à la fois être un label, mais également une démarche de travail. Son objectif est d'amorcer la transition écologique des stations de montagne, tout en les accompagnant dans ce processus. Il vise à inclure le maximum de parties prenantes au sein de la station afin d'engager une transition globale et d'éviter que les mutations ne se fassent à différentes vitesses au sein des structures et territoires.
Aujourd'hui, Chamrousse possède le label "un flocon", sur une échelle qui comporte trois niveaux. Si aucune station n'a pour l'instant atteint ce dernier palier, il témoigne des efforts qui restent à parcourir à Chamrousse concernant la réalisation de sa transition écologique.
Si lorsque l'on se rend à Chamrousse pour skier, l'entité station est perçue comme unique, son bon fonctionnement résulte en réalité de la synergie entre trois acteurs principaux qui participent à la gouvernance de la station : l'Office de Tourisme, la Mairie, et la Régie des remontées mécaniques. Ces trois acteurs ont été impliqués dès le début du projet d'adhésion à Flocon Vert, qui constitue maintenant pour eux un outil de travail pour le pilotage de la station, et permet d'éclairer les prises de décision au quotidien. Des réunions mensuelles ont lieu entre les différents référents Flocon Vert travaillant au sein des organismes qui structurent le fonctionnement de la station. Ces réunions visent à piloter le développement de Chamrousse en s'assurant que celui s'inscrit dans la démarche de durabilité que requiert le label.
Parmi les acteurs participants à ces réunions, on trouve bien sûr des représentants de l'Office de tourisme, de la municipalité, ainsi que de la Régie des remontées mécaniques, mais pas seulement. En effet, depuis 2020, la station mène une expérimentation avec d'autres parties prenantes de la station, incluant principalement ses commerçants. En effet, nombre d'entre eux ont demandé à prendre part à la démarche Flocon Vert afin de s'inscrire dans la dynamique globale de développement de la station. Pour l'instant, ce réseau de commerçants rassemble majoritairement des artisans de Chamrousse, qui sont nombreux à être regroupés au sein de LACIM, l'Association des Artisans Créateurs Investis en Montagne. La station accueille en effet un réseau varié, parmi lequel figurent savonniers, fabricants de produits issus de la cueillette des plantes du territoire, ainsi que nombre de producteurs locaux. Pour ces acteurs qui souhaitent s'inscrire dans une démarche durable, à travers notamment leur ancrage local, il fut naturel de chercher à s'associer à ce projet qui promeut la transition des territoires de montagne.
Pour répondre à la demande de ses commerçants, la station a été pionnière avec la création d'une charte qui puisse inclure un maximum d'acteur. Ce travail a été validé durant l'hiver 2023, donnant naissance à plusieurs critères d'évaluation portants par exemple sur la qualité des produits d'entretien utilisés, le système de chauffage en usage, ainsi que le caractère frais et local des approvisionnements.
Pour les instances dirigeantes de Chamrousse, le Flocon Vert est appréhendé comme un outil de gouvernance interne qui structure la transition de la station : la communication autour de ce label est jusqu'ici plutôt limitée. La majorité des clients de Chamrousse sont des skieurs qui viennent à la journée : la proximité avec le domaine représente pour eux l'un des atouts majeurs. Pour ce qui est du choix des clients qui s'y rendent pour un séjour de plusieurs jours, pour qui la proximité est un critère moins déterminant, celui-ci est davantage conditionné par l'offre en termes de logement, du prix du séjour, et de la hauteur de neige en bas des pistes, que par la prise en compte de l'avancement de la transition écologique réalisé par la station.
À l'hiver 2023, la station a validé son audit de renouvellement du label, satisfaisant aux 20 critères fixés par Mountain Riders. Actuellement, la station est labellisée Flocon 1, comme la majorité des stations lauréates, sur une échelle qui compte 3 niveaux.
De par son implantation géographique, Chamrousse présente une situation singulière : avec une agglomération de plus de 400 000 habitants à ses pieds, elle constitue la 11ème métropole du territoire français parmi les 12 que comptabilise l'INSEE. Une situation qui la place dans un certain particularisme par rapport à la majorité d'autres stations des Alpes.
À la différence d'autres destinations montagne, il est plus difficile pour Chamrousse de revendiquer un éloignement de l'agitation des villes, ou de mettre en valeur l'héritage d'un patrimoine issu d'une tradition agricole comme d'autres territoires le font avec les fromages AOP et spécialités gastronomiques qui font leur renommée par exemple. Enfin, malgré sa taille moyenne, Chamrousse ne bénéficie pas particulièrement d'une architecture qui puisse la faire figurer sur l'image d'Épinal d'une station de ski aux yeux des touristes.
Si l'implantation de Chamrousse ne l'inscrit pas dans le cadre reculé que l'imaginaire traditionnel développe autour des stations de montagne, il faut considérer à cette proximité les atouts qu'elle permet d'imaginer.
Tout d'abord, l'un des leviers majeurs de poursuite de transition écologique à Chamrousse réside dans la réduction des émissions de CO2 issues du transport de voyageurs. En effet, le transport constitue actuellement pour les stations de ski la plus grande source d'émissions de CO2. C'est donc un axe majeur à travailler pour imaginer un fonctionnement futur moins impactant pour ces destinations. De par sa situation, il est plus facile pour Chamrousse d'envisager une décarbonation du transport des usagers.
En termes d'offre en matière de transports, celle-ci varie au cours de l'année. Durant les saisons hivernales et estivales, deux lignes différentes relient la métropole Grenobloise et la station. Une première circule entre Chamrousse et la gare de Grenoble, tandis qu'une seconde ligne débute à Verdun et s'adresse ainsi principalement aux skieurs résidants dans le centre-ville. Il faut d'ailleurs noter que la métropole et la station entretiennent un niveau d'intégration significatif, puisque l'abonnement des Transports de l'Agglomération Grenobloise (TAG) permet de se rendre en bus à Chamrousse, ainsi que dans quelques autres stations proches du bassin Grenoblois. Enfin, la justification d'un trajet réalisé en bus permet de bénéficier d'une réduction de 20% sur le prix du forfait : de quoi économiser à la fois sur le porte-monnaie et sur le bilan carbone. Hors saison, l'offre de transports en commun reste pour le moment limitée, puisque celle-ci se cantonne aux bus à la demande et aux cars scolaires.
Et lorsque l'on s'intéresse aux séjour plus longs, Chamrousse peut se projeter plus loin que l'horizon de la métropole grenobloise pour ce qui est d'envisager la venue de skieurs en mobilité douce. En effet, la "capitale des Alpes" ne se trouve qu'à 3h de TGV de Paris, 1h30 de TER de Lyon, ainsi qu'à seulement 1h de TER de Valence qui possède également sa gare TGV. Un bus supplémentaire assure d'ailleurs la liaison avec la station les samedis, en correspondance avec le TGV Paris-Grenoble.
D'autre part, bien que la station soit proche de Grenoble, son environnement demeure montagnard et rural.
Implantée en Belledonne, Chamrousse voit graviter sur les flancs du massif, et en contrebas dans le Grésivaudan un réseau conséquent de producteurs, éleveurs, et agriculteurs qui lui permettent d'envisager de renforcer son ancrage local en valorisant les approvisionnements en circuit court et d'intensifier les échanges avec les acteurs du massif afin de s'inscrire dans une démarche de développement d'un territoire durable.
Enfin, la proximité avec Grenoble permet à la commune de se projeter au-delà du tourisme.
Si actuellement, effectuer quotidiennement les allers-retours à Grenoble est chronophage et que l'offre en matière de transports en commun se trouve restreinte, les évolutions des modes de travail peuvent permettre à la station de se projeter dans une autre dynamique que celle du 100% tourisme. L'essor du télétravail et la digitalisation de certains métiers pourront permettre à des actifs de s'établir là-haut tout étant domiciliés non loin d'une liaison TGV avec la capitale pour d'éventuels déplacements ponctuels. Le maintien du dynamisme des territoires de montagne passe également par une remise en question d'un développement entièrement orienté vers le tourisme.
Aujourd'hui, Chamrousse dispose des atouts qui lui permettront d'inscrire son avenir dans une logique de durabilité, grâce à un environnement montagnard singulier à préserver, une implantation géographique unique, et un tissu d'acteurs qui lui permettront de développer une logique intégrée à son territoire.
Merci à Sylvain et Christopher de l'Office de Tourisme de Chamrousse, pour la visite et la présentation de la stratégie de développement de la station.
Merci à Patricia, de la Régie des remontées mécaniques pour les explications quant au fonctionnement de la régie, et les mesures prises en matière de réduction de la consommation énergétique.
Merci à Ketty, élue, pour la présentation de la démarche Flocon Vert, et la vision sur l'histoire de la station.
Merci à Philippe, président du bureau des guides et responsable d'exploitation, pour le partage de sa vision sur le volet exploitation/cohabitation avec la nature.
Et enfin, merci à Laurie de la savonnerie Doux Voyage, pour la démonstration de son savoir-faire et les échanges sur le volet artisanat.
6 Commentaires
Je travaille à l’Office de Tourisme de Chamrousse en tant que chargé webmarketing & CRM. Je suis aussi référent Flocon Vert. Je me permets quelques remarques concernant l’extension du domaine skiable sur les Vans.
À ma connaissance, il n’y a jamais eu d’étude de projet concernant cette extension. La mobilisation qu’il y a eu en a plus fait de publicité qu’autre chose (mars 2016).
Quand un projet semble sérieux, il y a des études avec des cabinets extérieurs. Les études environnementales, les analyses d’impact, les analyses financières sur le retour sur investissement ou la faisabilité technique et les coûts permettent parfois de clore une idée.
L’extension du domaine skiable aux Vans n’a pas fait l’objet d’étude. Les Vans reste un sujet passionnant pour des débats enflammés à l’apéro : comment gérer l’énorme flux de skieurs de randonnée dans ce secteur ? Faut-il sécuriser les Vans pour cette pratique ? Qui paie ? Faut-il limiter le nombre de skieurs de randonnée dans ce secteur ? Sur quelle base légale ? La pratique est en hausse, est-ce soutenable ? Les Vans mériteraient un article à eux tous seuls.
En espérant avoir apporter des éléments intéressants à vos réflexions.
Cordialement,
Sylvain DARCILLON
Chargé webmarketing & CRM
Office de Tourisme de Chamrousse
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Bonjour,
Je travaille à l’Office de Tourisme de Chamrousse en tant que chargé webmarketing & CRM. J’imagine que vous faites référence aux derniers aménagements à la Croix de Chamrousse.
Pour les non connaisseurs, il s’agit du sommet de la station avec un grand bâtiment TDF (Télévision De France, rien à voir avec le ski donc) visible depuis le centre-ville de Grenoble. Le sommet comprend trois gares d’arrivée (télécabine de la Croix, télésiège débrayable des Amoureux, télésiège des Lacs Robert). Sur place, on trouve aussi un restaurant d’altitude semi enterré, des toilettes publiques ainsi que les derniers aménagements tout récents.
Je suis aussi référent Flocon Vert. Aussi, je me permets quelques remarques en essayant d’être bref.
Cet été (2023), Chamrousse a inauguré l'aménagement de la Croix de Chamrousse : Chamrousse Panoramic Park (youtube.com Le but est de diversifier l’activité de la Régie des remontées mécaniques avec :
- Une offre « points de vue » pour du tourisme de contemplation (très important en Norvège par exemple) avec 3 belvédères dont le rooftop vue Grenoble et une zone pique-nique aménagée. Cette zone pique-nique est sur dalle béton à la demande de l’ABF (Architectes des Bâtiments de France) pour une cohérence architecturale avec le restaurant de la Croix.
- Une offre ludique avec le jeu sous application mobile Chamrousse Explor Games®
- Une offre pédagogique sur la géologie pour développer le voyage scolaire. Notamment grâce à son ophiolite.
- Une offre sensation avec la passerelle himalayenne et la tyrolienne géante Chamrousse Adrenaline Park (la plus grande tyrolienne à pylônes du monde)
C’est une manière de sortir du tout ski. Les belvédères sont reliés par des cheminements piétons accessibles à un large public.
Que s’est-il passé cet été ?
La Régie des remontées mécaniques a connu une augmentation de sa fréquentation estivale de 23% (hors tyrolienne). Parallèlement, la fréquentation du lac Achard a baissé de 14%. Ce lac situé en pleine ENS (Espace Naturel Sensible) souffre de sur fréquentation avec tous les impacts négatifs que cela peut avoir. Pour cette première année, nous pouvons dire que l'aménagement de la Croix a permis de réorienter une partie du flux touristique en créant de l’activité économique à la Croix tout en baissant la pression touristique sur le lac Achard.
Ceci est un exemple de développement durable en montagne. Parler de greenwashing ne me parait pas opportun. Par contre, je suis parfaitement conscient que cela peut poser problème à des personnes qui auraient préféré d’autres options comme la décroissance ou le réensauvagement pure et simple. Mais là, on ne parle plus de développement durable ou de transition.
En espérant avoir apporter des éléments intéressants à vos réflexions.
Cordialement,
Sylvain DARCILLON
Chargé webmarketing & CRM
Office de Tourisme de Chamrousse
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire