Bilan provisoire des accidents d'avalanche pour l'hiver 2020/21

Photo de couverture

Cliquez ici pour ajouter une photo de couverture, ou déposez la photo dans ce cadre. Si les dimensions sont supérieures à 2000x1045 pixels, la photo sera automatiquement redimensionnée.

L'image d'en tête sera affichée derrière le titre de votre article.
Cliquez ici pour remplacer la photo de couverture (2000x1045 pixels), ou déposez la photo dans le cadre pointillé.

Bilan provisoire des accidents d'avalanche pour l'hiver 2020/21

Etat des lieux d'une saison placée sous le signe de la randonnée : quel bilan ?
article Sécurité
Staff
letapir1997
Texte :
Alexandre, Fred Jarry
Photos :
Alexandre, ANENA, Pixabay

Quand finira l'hiver 2021 ? C'est la question que nous étions en droit de nous poser jusqu'il y a quelques semaines encore, en plein coeur d'un mois de mai à la météo tourmentée, et malheureusement émaillé de plusieurs décès en avalanches. Depuis la semaine dernière, anticyclone et douceur ont fait leur apparition sur la majeur partie des massifs français, laissant présager peut-être de l'installation de conditions véritablement printanières : voici donc venue l'heure de tirer un bilan provisoire sur l'accidentologie en avalanche de cet hiver 2021.

Pour dresser ce bilan, nous nous appuierons sur les données collectées par l'ANENA au cours de cette saison ainsi que durant les précédentes, et sur le bilan qualitatif dressé par Fred Jarry,  formateur – responsable de la base nationale des accidents d’avalanche et conseiller technique pour la formation du grand public. Ce bilan demeure provisoire, car les données sont compilées sur une saison qui court de début octobre à fin septembre. L'accidentologie en avalanche pour l'hiver 2020/21 verra donc son comptage terminée le 30 septembre, et même si on ne le souhaite évidemment pas, le bilan pourrait évoluer d'ici là.

Un hiver 2020/21 sous le signe de la randonnée

Cette saison a tout d'abord débuté par l'annonce de la non-ouverture des remontées mécaniques. Décision qui a donc, de facto quasiment éliminé le risque de voir se produire des accidents en ski hors piste (41% des accidents en moyenne sur la période 1971-2011). Mais l'une des autres conséquences de cette décision fut le report d'une partie des pratiquants habitués à évoluer en station (piste ou hors piste), vers la randonnée, environnement où le skieur est davantage responsable de sa sécurité (gestion du risque avalanche, paramètres météo, itinéraire,...). 

En éliminant la part des accidentés en hors piste, et au regard de la tendance à la baisse de la mortalité des deux hivers précédents, on pouvait espérer que le bilan 2021 se situe en deça de la moyenne (30 décès/an). Hélas il n'en fut rien : on dénombre au 31 mai 39 décès en avalanches sur le territoire français, rappelant ainsi que les hivers se suivent et ne se ressemblent pas, et que l'accidentologie demeure tributaire de la formation du manteau neigeux chaque saison. Cet hiver 2020-21 ayant oscillé entre perturbations neigeuses et plages de beau temps, les conditions ont été favorables à la formation de couches fragiles persistantes tout au long de la saison.

Nous donnons ici la parole à Fred Jarry qui nous partage son analyse de la partie hivernale de la saison 2021 :

Bien que « l’année avalanche » ne soit pas terminée, à la veille de l’été climatique, l’Association Nationale pour l’Étude de la Neige et des Avalanches (ANENA) dresse le bilan provisoire des accidents d’avalanche de la saison.
La saison 2020/2021 est parmi les plus dramatiques des 50 dernières années. À ce jour, l’ANENA a recensé via ses différents canaux :
- 134 accidents d’avalanche (avalanches qui impliquent au moins une personne emportée) - 221 personnes emportées
- 29 accidents aux conséquences mortelles
- 39 décès
Il s’agit de l’une des années les plus dramatiques depuis la création de l’ANENA (1971-1972) : - 9ème rang depuis 1971-1972 en termes d’accidents mortels
- 11ème rang depuis 1971-1972 en termes de décès
Avec 29 accidents mortels et 39 personnes décédées, l’année 2020-2021 dépasse largement les moyennes annuelles établies à 20 accidents mortels par an et 30 décès par an, depuis 1971- 1972. 

La forte hausse de cette année se produit alors que la tendance moyenne est à la baisse depuis 2011

Ajoutez des photos (2020px)
La randonnée à skis, exceptionnellement touchée.
Cette saison s’inscrit dans le contexte particulier de pandémie de Covid-19 et de fermeture des remontées mécaniques. De fait, la quasi-totalité des accidents sont survenus alors que les victimes pratiquaient la randonnée à skis.
On compte ainsi 27 accidents mortels et 37 décès en ski de randonnée.
En comparaison, on compte en moyenne sur les vingt dernières années, pour cette activité :
  • 9,6 accidents mortels / an
  • 13,2 décès / an
Cette année, il y a donc eu près de 3 fois plus d’accidents mortels et de décès en randonnée à ski qu’en moyenne sur les vingt dernières années.
Un mois de mai particulier.
Habituellement, la grande majorité des accidents d’avalanche survient en plein cœur de l’hiver : décembre, janvier, février. Cela a encore été le cas cette saison : 19 accidents mortels ont eu lieu au cours de cette période, soit 2/3 des accidents mortels de la saison.
Mais la particularité de cette année vient sans doute du grand nombre d’accidents mortels et de décès recensés au mois de mai : 7 accidents mortels et 16 décès. En moyenne, on compte plutôt pour ce mois printanier 1 accident mortel et 1 décès.


Des victimes aguerries, expérimentées.
D’une manière générale, les accidents d’avalanche touchent plutôt des pratiquants expérimentés et non des novices. Cette année, plusieurs victimes comptent parmi elles des professionnels de la montagne ou des experts.


Les skieurs français, mauvais élèves ?
Le bilan français est exceptionnel, mais il est représentatif de l’hiver dans les Alpes et ailleurs. En effet, les bilans actuels sont également défavorables, par rapport aux moyennes annuelles, en Suisse (27 décès, moyenne de 24 décès), en Italie (26 décès, moyenne de 20 décès) ou encore aux USA (37 décès, moyenne de 23 décès).


Des explications à cette année dramatique ?
Quelques hypothèses peuvent venir expliquer cette dramatique année :
  • Des conditions nivologiques globalement instables durant une grande partie de la saison sur les Alpes du nord et les Alpes du sud, de début décembre à fin mai (notamment un mois de mai « hivernal » sur son ensemble). Le manteau neigeux a présenté des fragilités tout au long de l’hiver et ce jusqu’à tard dans la saison.
  • Un très grand nombre de pratiquants de la randonnée en montagne, dès que les conditions météorologiques le permettaient, alors même que les conditions nivologiques étaient souvent défavorables (successions de chutes de neige ventées suivie de courtes périodes de beau temps, couche instable persistante liée à l’épisode de sable du Sahara).
  • Certains accidents survenus dans des secteurs hors-piste des domaines skiables qui, cette année, n’étaient pas hyper tracés et étaient sans doute plus instables qu’une année « normale » d’ouverture. Ces conditions particulières ont sans doute surpris nombre de skieurs de randonnée « en station » qui n’avaient jamais vu d’avalanche à ces endroits. Cependant, cette supposition demande à être confirmée par une analyse plus fine des sites d’accidents.
  • Des conditions « psychologiques » peut-être défavorables, liées aux mesures de confinement : les pratiquants, en très grand nombre en montagne cette année dès qu’ils le pouvaient, étaient peut-être moins disposés à renoncer aux plaisirs de la poudreuse alors même que le risque d’avalanche était marqué ou fort.  

Quelques chiffres clefs sur la saison

En comparant ici le nombre d'accidents mortels par mois cette saison à leur moyenne, on constate que les mois de janvier et les mois de mai ont été exceptionnellement accidentogènes. Et si l'on met en perspective cette accidentologie avec la chronologie des séquences de la saison, on valide que les mois de forte accidentologie correspondent bel et bien à ceux qui ont été le plus agités d'un point de vue météorologique, et qui ont donc influencé la constitution du manteau neigeux. 

Sans surprise, du fait du contexte de cet hiver, la randonnée est l'activité qui recense le plus d'accidents cette saison, avec 27 accidents mortels, les 2 restants concernant l'alpinisme.

Enfin, depuis plusieurs saisons, les équipes de l'ANENA s'attachent à déterminer les circonstances aggravantes des accidents mortels d'avalanches. On observe que pour cet hiver 2021, sur 39 décès, seuls 10 accidents ne présentaient aucune circonstance aggravante.

Une saison "normale" jusqu'à avril

Jusqu'au mois d'avril, on recensait 23 décès. Un chiffre plutôt en deça de la moyenne de 30 décès par an donc. Mais le mois de mai cette saison a été exceptionnellement accidentogène, avec 7 accidents mortels pour 16 décès (contre environ 1 mort en moyenne au mois de mai). 

Cette période de mai correspond classiquement à une période "stable". Les températures remontant à cette période, de même que l'ensoleillement, les cycles de dégel et regel tendent normalement à stabiliser le manteau neigeux. Or cette année, le mois de mai a été caractérisé par des températures en deça des normales de saison, et des chutes de neige jusqu'à moyenne altitude, ne s'inscrivant donc pas dans un schéma printannier. Au dessus de 2000m, les conditions sont effectivement demeurées largement hivernales. Une hypothèse pour expliquer cette accidentologie exceptionnelle pourrait être que les pratiquants ont pu être "surpris" par ces conditions inhabituellement hivernales pour la période. Plusieurs professionnels font partie des victimes de ce mois exceptionnellement piégeux.

Un bilan qui reste provisoire

Comme l'a souligné Fred Jarry lors de sa conférence du 31 mai, ce bilan reste provisoire. Tout d'abord du fait que la saison court jusqu'à fin septembre 2021, mais aussi du fait qu'il reste également un travail d'analyse de ces accidents à effectuer. Durant l'été, l'ANENA s'attelle à analyser en détail les accidents mortels en reprenant les PVs dressés par les CRS montagne et les PGHM, pour déterminer la présence de circonstances aggravantes notamment. De plus, les statistiques, actuellement disponibles sur le site de l'ANENA, sont à ce jour incomplètes sur certaines données, notamment la classification du BERA le jour de l'accident. Pour retrouver un bilan complet et les analyses de l'ANENA, vous pouvez adhérer à l'association, et recevoir les magazines Neige & Avalanches dans lesquels ils figurent. D'autre part, nous rappelons également que tout au long de l'hiver, l'ANENA organise des stages de formation à l'utilisation du DVA, mais aussi des modules plus axés "glisse", tels que des sessions "Faire sa trace" par exemple : une bonne occasion de se perfectionner et de remettre en question ses connaissances !

Pour aller plus loin, retrouvez notre bilan des avalanches de la saison passée, où vous trouverez plus de chiffres permettant de mettre en perspective cette saison 2021 avec les saisons précédentes.

Staff
letapir1997
Texte, Photos Alexandre
La justice a deux vitesses, la Lamborghini en a six

9 Commentaires

Desman31 Je vois avec effaremment que 15 victimes étaient "seules" ou "sans DVA". Sans déconner les gars ???
Prorider74 Ba seul pour le coup c'est ta propre responsabilité, c'est un facteur aggravant parce qu'effectivement personne pourra te sortir, mais à par ça je vois pas le problème. Tant que tu sais ce que tu fait ...
A l'opposé l’absence de DVA la c'est plus un manque d'éducation de certains. Pour faire occasionnellement du conseil en ligne, c'est un achat que pas mal remette malheureusement à plus tard, surtout cet hiver ou beaucoup ont pleuré sur le prix du matos de rando
Desman31 C'est vrai que le coût d'accès au matériel peut en rebuter plus d'un. Mais malgré les années je reste étonné du nombre de gens (débutants ou pas) qui pensent que la montagne est un milieu comme un autre, ils n'ont aucune notion du risque.
Comme tu le dis chacun ses responsabilités, mais à choisir je préfère ne pas mourir tout de suite ;)
NobruDude Pour le fait de sortir seul, c'est clairement pas idéal, mais on n'a souvent pas le choix, sinon, on sortirait bcp moins ! Ma philo, quand je suis solo, c'est d'engager bcp moins, d'avoir bcp plus de marge, parce qu'effectivement, tout petit pb peut rapidement devenir majeur... mais comme dit le rider du 74, on sait ce qu'on fait, on prend la responsabilité :P
 

Connectez-vous pour laisser un commentaire

NobruDude En regardant le site de l'ANENA, je vois qu'il n'y a eu que 2 accidents recensés pour un seul décès dans toutes les Pyrénées. Cela me parait peu ?! Des infos là-dessus ? Après, on pourrait peut-être avancer que les conditions ont été bien meilleures que dans les Alpes, avec très peu, voire pas de couches fragiles tout au long de l'hiver, qui a été finalement assez sec à part 1ère quinzaine de Janvier... et nous n'avons pas eu cet épisode de Mai comme dans les Alpes. Qu'en pensez-vous ?
Desman31 Je ne sais pas trop. Oui l'hiver a été très sec, peu de neige cette année sur les Pyrénées.
Concernant les pratiquants j'ai l'impression que dans les Alpes beaucoup de personnes se sont lancées dans le ski de rando (étant donné que les remontées étaient fermées), ce qui pourrait expliquer un surcroit d'accident ? Alors que dans les Pyrénées j'ai l'impression qu'il n'y avait vraiment que les habitués.
letapir1997 Le profil des victimes dans les Alpes (et sans doute sur les autres massif) n'est pas celui du débutant qui vient tester la rando du fait de la fermeture des remontées. Il s'agissait principalement de pratiquants expérimentés, plutôt agés. Et de plus, plusieurs professionnels sont malheureusement décédés cette saison comme évoqué dans l'article. Toutes les données n'ont pas encore été compilées et analysées, mais attribuer la forte mortalité de cette saison à une augmentation du nombre de neo-pratiquants cette saison serait largement exagéré.
 

Connectez-vous pour laisser un commentaire

 

Connectez-vous pour laisser un commentaire

.