Comment les skis sont-ils recyclés ? Dernier article de la série sur la vie du ski.
Après s'être penché sur la conception d'un ski, sa fabrication et à l'état du marché, ce quatrième et dernier article est consacré au recyclage. Pas facile, concèdent les principaux intéressés... et pourtant les efforts sont réels.
Que deviennent nos belles planches après quelques saisons intenses, une fois leur nerf épuisé ? On les garde pour les enfants, on les prête au cousin qui skie une fois par an, on les brique pour qu'ils soient présentables dans la salle polyvalente qui accueille la bourse au ski locale. “Les skis partent vers l'Europe de l'Est, la Turquie, le Maroc, la Russie. Des gens sont spécialisés dans les rachats de lots, chaque fin de saison ils ramassent des skis en camion à 10 ou 20 euros pièce et les amènent dans leur pays. Comme les bagnoles en Afrique”, explique Hervé Maneint, concepteur des skis chez Scott.
Quant au recyclage, c’est encore un voeu pieu, estime-t-il : ”à cause des résines et des polymères, du polypropylène, du caoutchouc, un ski qui brûle est bien noir, comme un pneu. Le ski recyclable est l'eldorado. Des marques font des skis avec des matières recyclables : bois, cellulose, acier, sans résine à polymérisation. C’est possible sur des petites séries (comme l’Amaruq de Völkl ou le Renu d’Atomic l’hiver précédent, NDLR), mais à grande échelle, c'est une autre histoire”.
Une solution existe cependant : la société Tri Vallées, installée à Albertville depuis 1998, est la seule en France à traiter les skis en fin de vie pour les recycler. Elle traite aussi toutes sortes de textiles sans distinction (y compris les vêtements techniques de ski et d’outdoor). Gauthier Mestrallet, le responsable développement, explique que l’idée est venue de “la communauté de communes du canton d’Aime pour laquelle on travaille nous a interpellés un jour en nous disant : « les bennes en déchetteries contiennent des tonnes et des tonnes de ski qui partent en décharge. Pourriez-vous réfléchir à une démarche plus satisfaisante d’un point de vue environnemental ? » À partir de là, on a mené une étude de faisabilité sur le recyclage, cherché un broyeur suffisamment puissant (ce qui nous a pris deux ans), pour arriver aujourd’hui à une valorisation à 100% des produits”.
Le fonctionnement, unique en France, est simple : “nous collectons directement chez les loueurs qui se séparent d’environ un tiers de leur stock chaque année. Nous transportons ensuite le matériel (skis, surfs, chaussures…) sur le lieu de destruction. Le matériel passe dans 7 broyeurs successifs pour arriver à une granulométrie d’environ 1 cm de diamètre. Les parties ferreuses sont aimantées et les non ferreuses type alu sont séparées et récupérées. Reste en sortie un broyat constitué de matériaux composites, mélange de différents plastiques qui est valorisé en cimenterie comme combustible. Le matériel est donc valorisé à 100%, une partie matière et l’autre partie énergie.?Pour un magasin de Savoie, il faut compter 2 euros par paire, coût qui comprend la collecte en porte à porte, le transport, le traitement et l’envoi d’un certificat de destruction, permettant au magasin de justifier ses sorties de stock d’un point de vue comptable".
Le marché du déchet est évalué à environ 1550 tonnes de skis usagers jetés par an par les loueurs... pas négligeable pour l’environnement, mais pas assez pour intéresser les grands groupes.
Le recyclage cependant n’est qu’une partie du problème, comme le rappelle Julien Vigouroux du groupe Rossignol/Dynastar : “avec un ski écolo, tu ne résous qu'une minuscule partie du problème. On transporte toujours les skis par poids lourds en montagne et l'acheteur vient en voiture acheter son ski... Rien n'est prêt dans notre société pour être écolo. C'est un problème de société, pas uniquement du monde du ski. Cependant si les matériaux utilisés ne sont pas écolos, le mode de production peut l'être : trier les déchets, filtrer l'eau. Toutes les usines du groupe respectent la norme 14001 (Environnement).”
Démarche plus globale qui a été adoptée par le groupe Amer dont fait partie Salomon, explique Denis Levet, en charge du marketing ski : “la démarche d'Amer vise une baisse globale du Co2. Nous n'utilisons plus de verres en plastique (sauf aux machines à café, NDLR), les déplacement en avion réduits, nous favorisons le covoiturage, nous optimisons la logistique, l'emballage. L'usine d'Atomic en Autriche est autonome en énergie à 100%. On a une vision globale en terme de groupe dont le recyclage fait partie mais n'est pas une priorité”.
L’enseigne Twinner, par ailleurs partenaire de ce guide du matos, compte 200 points de vente en France. Elle est la première centrale à imposer l’éco-comportement parmi les critères de son label “Montagne Authentique” (55 magasins ont signé sur les 130 situés de montagne). Olivier Reat, directeur du réseau montagne de Twinner, nous l’explique.
Skipass : Comment l’éco-comportement est-il pris en compte dans ce label ?
OR : "Chaque magasin labellisé se doit de s’engager dans une démarche afin de réduire au maximum son impact environnemental. Les engagements des magasins de notre réseau montagne sont de recycler le matériel, skis et snowboards. On travaille en relation avec Tri-Vallées et la Fédération de la Distribution et des Magasins de Sports, c’est-à-dire l’organisme qui régit les métiers du sport. C’est un problème qui est assez compliqué, car outre le problème écologique dépolluant, il n’existe pas encore de structure nationale en France qui soit suffisamment organisée pour ramasser les skis sur l’ensemble des massifs français. On y travaille...
Skipass : Utilisez-vous des produits bio ?
OR : Chaque magasin Label Montagne Authentique utilise des produits biodégradables, entre guillemets écologiques puisque vous savez qu’on ne l’est jamais à 100%. Tous ces magasins utilisent des sacs plastique à base d’amidon. Par ailleurs, l’ensemble des produits de traitement, de désinfection des casques, est le moins nocif possible.
Skipass : On vit une véritable schizophrénie car on nous propose du jetable, on nous matraque avec de la pub nous incitant à renouveler notre matos chaque année et d’un autre côté on va nous dicter un éco-comportement. Or pour moi, faire attention à l’environnement passe aussi par une baisse de la consommation. Qu’en pensez-vous ?
OR : Je vais vous donner un exemple représentatif avec les fournisseurs de ski : il y a une telle charge de production... le prix d'un moule pour une paire de ski ou de chaussures se compte en million d’euros, ces marques ont une rentabilité de production qui est quasiment arrivée au minimum de ce qu’elles peuvent accepter. C’est-à-dire qu'en produisant moins que ce qu’elles produisent actuellement, elles perdraient beaucoup d’argent. C’est pour ça qu’il y a tout un concept marketing de manière à pousser les gens à renouveler leur matériel, ce qui est totalement illogique. Les fabricants changent la cosmétique du ski toutes les années ! Or que veulent les consommateurs ? Avoir le produit de l’année, donc avec la cosmétique de l’année.
Skipass : Cela est en train de changer...
OR : Certains fournisseurs sont enfin en train de travailler sur des cosmétiques à deux ans, c’est le cas chez Scott et Dynastar. Ils commencent à comprendre qu’un ski avec une cosmétique qui dure deux saisons permet aux magasins de vendre le produit sur deux ans, au consommateur de s’y retrouver dans sa logique d’achat et de passer un ski de la vente à la location quand c’est possible pour améliorer la rentabilité du point de vente. Mais aujourd’hui les enjeux économiques liés à la fabrication des skis font qu’on est encore loin de ce schéma".
C’est effectivement la solution la plus évidente à mettre en place : “fabriquer des skis qui soient vraiment solides pour que ça dure”, confirme Camille Jaccoux de Black Crows. La vraie solution écolo ? L’hiver dernier nous avions tendu notre micro à des responsables de marques qui avaient confirmé la pertinence de cette idée. Est-elle pour autant la plus évidente à faire accepter au consommateur ? A nous, skieurs ?
5 Commentaires
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un bon reportage!
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