Stian Hagen et Chris Davenport ont ridé les itinéraires historiques des Alpes : le couloir Marinelli, la face ouest de l'Eiger, la face est Cervin et la face nord du mont Blanc. Première partie de ce pèlerinage dans les grandes classiques...
L'ascension catastrophique du Cervin (Matterhorn en v.o.) en 1865 par Edward Whymper, l'un des pionniers de l'alpinisme, est bien documentée. Les survivants de la tragédie, dont Whymper, son guide Peter Taugwalder et son fils, ont raconté et dessiné cet épisode malheureux de l'alpinisme des débuts. Des morceaux de cordes et du matériel sont exposés dans le musée Matterhorn sous l'église, là où les guides se retrouvent encore chaque soir à 18h30 pour parler de leur journée.
En 1980, Jean-Marc Boivin s'est avalé une trilogie infernale sur le Cervin : skier la face est (l'Ostwand), grimper la face nord et voler en delta à partir du sommet. Filmée depuis l'hélicoptère, sa descente à ski est difficile à croire : il utilise des cordes fixes, s'accroche aux cailloux, réussi à descendre dans des conditions limites avec des skis de 2m10... Le côté limite de l'entreprise sera encore plus flagrant avec son décollage "sketchy" du sommet.
Ce n'est qu'un petit bout de l'histoire inscrite sur cette montagne au pied de laquelle nous arrivons début mai, alourdis d'un tonnage ridicule de matériel. Le taxi, qui ressemble à une voiture de golf dans ce village de Zermatt sans voiture, nous amène à un ascenseur et cinq étages plus haut nous sommes sur la DZ, avec deux Lama et deux Ecureuil B3 prêts à décoller. Nous chargeons nos 500 kilos de matos vidéo, nourriture et bière dans le filet et le bourdon nous monte au refuge de la Hörnlihütte.
Depuis Zermatt, la face est que nous convoitons ressemble à un rideau de douche. Il n'y a qu'à la fin du printemps que la neige parvient à adhérer contre, quand les tempêtes viennent la plâtrer. Ce soir-là, depuis la Hörnlihütte, la face est brillait comme une belle et gigantesque rampe de 45 degrés.
Stian Hagen (à gauche), Chris Davenport (à droite) et le photographe Pondella quittent le refuge à 5:30 du matin. Ils avancent rapidement avec crampons et piolets à glace. A 9h, ils atteignent la Solvay hut, un bivouac d'urgence à 4 000 mètres d'altitude. Une plume de nuages a grossi entre temps sur la face et empire de minute en minute. Ils décident de skier à partir de là, 150 mètres sous le sommet du champ de neige avant que le temps n'empire.
Leur confiance s'accroît après les deux premières sections et ils envoient ensemble des virages de géant sur la longueur de la face, une vision devenue rare dans la production de films aujourd'hui et encore plus rare sur la face est du Cervin. Trois heures et demie de montée, cinq minutes pour descendre, ils en ont oublié le photographe... et Pondella savoure son moment en ridant, seul, dix minutes après eux, une mouche sur un mur.
Sur la croupe de l'Ogre
Le massif de la Jungfrau s'élève en pleine Suisse avec son trio de sommets célèbres : Jungfrau, Mönch et Eiger (l'Ogre) qui ont fasciné les alpinistes depuis 150 ans. Le guide Christian Almer s'est promené sur les flancs de l'Eiger depuis des années avant d'y emmener les premiers grimpeurs en 1859. L'imprenable face nord fut finalement vaincue en 1938 après avoir généreusement tué.
Sa réputation de serial killer ressort parfaitement dans le film de Clint Eastwood, "The Eiger Sanction" ("La Sanction" en français) qui reste le meilleur film de grimpe à ce jour, et tourné sur place. Cinq ans avant le film, le skieur extrême Sylvain Saudan, pionnier du genre, avait ajouté l'Eiger à sa liste de descente à skis vertigineuse. C'était son cinquième essai... Fin février, un grosse chute de neige avait couvert la crête nord-ouest et Sylvain fut transporté par hélico au col situé entre l'Eiger et le Mönch, d'où il atteint le sommet à pied et réalise une descente tout en contrôle, sa marque de fabrique
Du balcon de l'Eiger-Gletscher Hotel, nous contemplons la lumière rose du coucher de soleil envelopper le massif. Une vision féerique jusqu'à ce qu'un craquement déchire le silence : c'est une sérac qui venait de tomber pour provoquer une énorme avalanche. Peu après, une seconde avalanche secoua cette tranquille soirée de début mai. Sur notre itinéraire dans un labyrinthe de glace suspendue et de rochers exposés, les dangers objectifs s'additionnent. La lumière tourne au gris et le patron nous appelle pour le diner. Pendant le repas le son des avalanche continue : le timing allait être crucial.
La montée se fit aussi aisément que pour le Cervin, sur neige dure. Le sérac surplombant une partie de l'itinéraire de montée et de descente, nous préoccupait. Il était impressionnant et le trio qui montait était réduit à la taille de fourmis vulnérables. "On s'est rassemblé sur un point sécurisé avant de contourner le sérac et estimé à une demie-heure le temps qu'il nous fallait pour contourner ce sérac. Finalement Christian Pondella s'est motivé et nous avons mis 12 minutes", raconte Stian Hagen.
Exposée ouest, la neige ne risque pas de s'amollir avant un moment, il faut donc temporiser et attendre que les conditions soient optimales. En plongeant le regard dans l'effrayante face nord, "nous avons pris les paris : qui était capable de faire trois virages dans la face nord et de remonter à pied ?", se souvient Davenport, "je ne l'aurais pas fait pour un million de dollars".
L'heure tourne et il est presque midi. La température douce et l'humidité commencent à former des nuages autour d'eux. Ils doivent se décider : partir tout de suite ou risquer de se retrouver dans la purée de pois. Sauf que la neige est toujours bétonnée au sommet... les premiers virages sont très exposés. C'est Stian qui s'y colle en avançant ses spatules sur la crête nord-ouest que Saudan avait baptisée. Chaque virage à gauche l'amène au bord de l'abysse de la face nord. Trente virages plus bas, ils se regroupent devant l'entrée d'un couloir et arrivent dans de la neige plus douce jusqu'en bas.
Sur le chemin du retour, vers notre camp de base de Chamonix, on sentait les Alpes se réchauffer. L'Oberland vert émeraude gargouillait de centaines de chutes d'eau qui signalaient la fin de l'hiver. Il nous restait pourtant encore deux itinéraires majeurs à skier : le Mont Blanc et le couloir Marinelli...
Texte : Jack Shaw
Photos : Christian Pondella
Traduction : Guillaume Desmurs
Suite la semaine prochaine...
25 Commentaires
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même si j'aime bien chris davenport...
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Belles photos en tous cas
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en tout cas chapeau au photographe, parce que c'est pas un pro skieur et qu'il à skier les même faces que les autres, en plus de faire les photos...
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ça dois pas etre facile pour le photographe en effet ... sortir le boitier dans le raide comme ça .. argh
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Ca c'est du barbu!
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ça envoi sévère, en toute maîtrise et décontraction, chapeau !!
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Chapeau.
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Quel honneur que de pouvoir admirer les photos de Christian Pondella, toujours aussi magnifiques, sur Skipass. Le texte est au top. Les riders ? Pfff, un détail !!!!
Merci et vivement la suite.
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C'est clair que ces faces sont mythiques, et que les tofs sont extras. Mais le texte est un peu trop à l'américaine à mon goût.
La face W de l'Eiger est raide et expo, mais quand-même pas besoin d'être un extra-terrestre pour rider ça, cf
skipass.com
Cette année, les conditions étaient réunies pour du raide de ce type.
On l'a ridée à peu près à la même époque (mai), et ce jour là elle a été faite par 5 skieurs et 3 snowboarders, dont peut-être le plus mythique était un suisse-allemand d'environ 60 ans qui avait attendu longtemps les conditions et c'était aussi sa première. On est descendu à peu près en même temps et il s'est tapé toute la face en godille avec une maitrise impressionante, et on bu la binche ensemble en arrivant à la Kleine Scheidegg.
Juste pour dire que c'est un peu présenté "à l'américaine"... alors que c'est quand même des pentes qui se font régulièrement, souvent par des gars qui "paient pas de mine" et font leur petites affaires dans leur coin (y avait pas de caméra pour ce vieux suisse-allemand, je vous assure).
Pour les trucs vraiment extrèmes, il faut plutôt lorgner du côté de Lécluse et Tardivel and co.
Bon je dis ça mais je reste quand même fan de Davenport, bon esprit et super style. Son alignement de sommets américain est top.
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TssTss..Le Cervin ils ne partent même pas skis au pieds du sommet de la face esT , petits joueurs !
Pour les photos de la face O de l'Eiger on voit mieux là
skipass.com
Et pour le Marinelli ils ont pensé à inviter Car***ole ?
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Argh j'ai été doublé pendant que je cherchais à localiser le refuge Solvay !
Mais je veux voir le petit doigt de Random Variable moi pour m'assurer que ce n'est pas un extraterrestre , pas obligé de le croire sinon
flaure.unblog.fr
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