Tuto-météo : le retour d'Est

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Tuto-météo : le retour d'Est

Décryptage d'un phénomène exceptionnel et atypique
article Tuto meteo

Nouveauté : nous vous proposons pour cette fin d'hiver 2019/2020 (très particulière ...) différents articles pour vous permettre d'en apprendre d'avantage, en tant que pratiquant ou curieux, sur la météo et le climat en montagne.

Dans ce second volet, nous allons évoquer le fameux " Retour d'Est ". Un phénomène aussi rare et localisé qu'exceptionnel, il fait souvent les gros titres de la presse montagne, météo et ski lorsqu'il se produit. Mais comment et où se produit-il ? Ce terme n'est-il pas utilisé trop fréquemment ? Explications et retours historiques au menu de cet article.

Le retour d'Est est un phénomène météorologique bien connu, des skieurs notamment, car il est responsable de chutes de neige importantes. Il se produit généralement 1 à 3 fois durant un hiver,en moyenne. Mais il est tout à fait possible de ne pas le rencontrer du tout durant une saison entière.
Le potentiel de chutes de neige en jeu peut être important puisque l'on peut atteindre, exceptionnellement, les deux voire trois mètres. En Europe, c'est le seul phénomène capable d'engendrer des quantités de neige aussi conséquentes avec les perturbations méditerranéennes qui peuvent impacter le Sud de la France, ou l'Italie.
Mais ces "retours d'Est" ne sont pas nécessairement responsables de tels cumuls neigeux. Le phénomène en lui même correspond simplement à une situation météorologique bien précise qui touche des zones très localisées. Nous allons développer tout cela tout au long de cet article.


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Le contexte météorologique

Avant toute chose, précisons concrètement de quel type de temps l'on parle. Le terme "retour d'Est" est souvent utilisé, en fait à juste titre, pour évoquer la moindre perturbation qui touche tout ou partie du pays lorsque celle-ci provient d'Italie, de Suisse, ou bien d'Allemagne. Ce type de perturbations, en courant de Nord-Est, a été évoquée en grande partie dans notre article précédent sur les types de temps qui enneigent les massifs français
Nous avons choisi nous de nous placer en tant que "néophyte", simple amateur d'épisode neigeux d'ampleur ou skieurs, pour qui la simple évocation du terme "retour d'Est" correspond à une situation bien précise dont nous tentons ici de définir les contours. 
Contour synoptique, c'est à dire situation météorologique à grande échelle, donc : 

Les quatre cartes présentées ci-dessus correspondent chacune à des épisodes neigeux remarquables, dont nous développerons les conséquences plus tard dans cet article. Nous nous intéressons ici aux placements des différents centres d'actions, que sont anticyclones et dépressions, et qui conditionnent le temps sur la planète. 
Du côté des hautes-pressions (anticyclones), elles sont forcément toujours éloignées de l'arc alpin avec des valeurs de pressions  autour des 1020-1035 hectopascals. Ces anticyclones sont tantôt situés vers l'extrême Sud de l'Atlantique et la Turquie (carte 1), tantôt vers la Russie et l'Ouest des Açores (carte 3) ... en fait peu importe. 

C'est bien le placement, précis, de la dépression qui est primordial. Il conditionne non seulement la survenue ou non de l'épisode mais surtout sa durée et son intensité. 
Cette dépression doit se situer (c'est bien là le dénominateur commun des quatre cartes présentées ci-dessus) entre l'Ouest de l'Espagne et le golfe de Gênes avec un placement idéal entre Baléares et Corse/Sardaigne. 
Rappelons que les dépressions sont les zones où les valeurs de pressions sont inférieures à 1015 hectopascals ou qu'elles sont représentées ici par des plages de couleurs plutôt vertes voire clairement bleues représentant des dépressions d'altitudes (dites "gouttes froides" dans le jargon météorologique).

Dès lors que se produit-il ?

A l'avant de ces dépressions les vents tournent, toujours (dans l’hémisphère Nord), dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Conséquemment de l'air doux remonte de Méditerranée (où il se charge en humidité) voire d'Afrique du Nord, traverse la plaine du Pô en Italie puis s'élève sur le Piémont italien en rencontrant les sommets alpins, très élevés, autour de la frontière. L'ascendance de l'air induite par le relief augmente le potentiel humide (effet orographique) et permet aux précipitations de se bloquer. Ne négligeons également pas l'importance du contraste entre la masse d'air doux méditerranéen et l'air froid alpin. Ce contraste accentue lui-aussi le potentiel humide de la perturbation (augmentation de la condensation, de la teneur en vapeur d'eau).

On parle de "retour" car cette perturbation est souvent liée à un passage perturbé qui a déjà traversé une partie du pays ou de la Méditerranée et qui vient se recharger en humidité s'enroulant autour de la dépression, dans un courant tournant à l'Est sur les Alpes ... on évoque alors un "retour d'Est".

L'intensité et la durée de l'épisode dépendent donc de ces paramètres (origine précise de la masse d'air, importance du contraste de masse d'air ... ) mais également de la capacité de la dépression à stagner durablement sur la même zone ... ce qui arrive rarement. Lorsque cela arrive, c'est dans ce contexte que les plus forts cumuls sont relevés.

Les zones impactées

Mais où ces cumuls sont-ils observés ?

Deux secteurs sont, traditionnellement, touchés


1) La Haute-Maurienne dans les Alpes du Nord.

Concentrons nous encore plus précisément sur ce massif. Le maximum d'intensité touche évidemment la bordure frontalière (où nous disposons de très peu de relevés en l'absence d'habitat permanent à ces altitudes). Les sommets du Thabor aux sources de l'Arc sont les plus impactés avec de fortes chutes de neige sur les stations de la Norma, Valfréjus, Val-Cenis (où l'on peut relever 1mètre de neige en altitude mais seulement 5-10 cm sur les fronts de neige de ces stations tant le phénomène est localisé) et surtout Bonneval sur Arc où l'on rencontre souvent le plus fort cumul.

En redescendant dans la vallée donc les cumuls de neige sont importants (si la température est suffisamment basse ... ce qui est de plus en plus difficile de décennie en décennie) de Bonneval sur Arc à Bessans puis les cumuls diminuent déjà de manière significative une fois passée le col de la Madeleine en gagnant Lanslevillard et surtout en descendant vers Bramans/Modane où le temps peut rester sec tandis que l'on relève 1 mètre de neige au sommet des pistes de Bonneval sur Arc ! Bien évidemment, l'ampleur du débordement du "retour d'Est" dépend grandement de la vigueur du flux en altitude. Plus le flux est rapide et le contexte dépressionnaire, plus les précipitations s'étendent vers l'Ouest et le Nord.

Nord, où des chutes de neige importantes débordent aisément sur le Pisaillas (domaine skiable de Val d'Isère) et, au gré de la vigueur du flux là-aussi sur une partie Sud du domaine de Tignes. En redescendant la Haute-Tarentaise (vers Sainte-Foy-Tarentaise, les Arcs, la Rosière) le temps est, 9 fois sur 10 on le verra plus tard, sec avec même quelques trouées possibles. Pour quelle raison ?

Comme souvent lorsque l'on parle de météo en montagne, il faut prendre du recul et jeter un œil sur les cartes du relief pour comprendre les phénomènes : on a dit que la perturbation venait du Sud-Est, portée par le vent, et s’élève sur le relief en venant butant sur les hauts-sommets. Ici, ce sont donc les sommets du Grand-Paradis côté italien (où l'on est là à 4000 mètres d'altitude) mais aussi les nombreux sommets à plus de 3500 mètres rencontrés côté français (hauts-sommets de la Vanoise jusqu'à la Galise et les très nombreux sommets de Haute-Maurienne) qui font office de "barrage". Le vent de Sud-Est qui "descend" derrière ces reliefs (c'est en fait un effet de foehn local), assèche alors la masse d'air en gagnant vers le Nord.

2) Une partie du Queyras dans les Alpes du Sud.

Mêmes causes, mêmes effets avec cette fois des différences d'enneigement encore plus prononcées d'une commune, ou d'un secteur à l'autre. C'est cette fois sur le Mont-Viso (3841 mètres), en Italie mais très proche de la frontière, que les nuages s'amoncellent et produisent de fortes précipitations souvent durables. Dès lors l'Est du Queyras (l'Ouest est souvent en marge) est particulièrement touché avec un maximum d'intensité dans le vallon du Haut-Guil sur la commune d'Abriès-Ristolas (05) qui est la plus impactée avec les hameaux de l'Echalp, du Roux et de Valpréveyre en première ligne.

La carte ci-dessus, représentant les cumuls de précipitations observés lors de l'épisode de 2008, est particulièrement représentative d'une extension classique d'un retour retour d'Est sur la zone. On remarque que le cumul est déjà divisé par deux en gagnant Saint-Véran par rapport au Haut-Guil et que les cumuls sont quasi-inexistants une fois quitté le Queyras avec une légère poche de précipitations marquée du côté de Montgenèvre en bordure de la frontière également. Ici-aussi l'extension géographique du phénomène dépend de la vigueur du flux en altitude et de l'importance du complexe dépressionnaire en jeu (plus la situation météorologique est dynamique, plus le retour d'Est est étendu). Bref, c'est ici la station de ski d'Abriès (05) qui récolte le jackpot lorsque l'épisode se produit. Et il est particulièrement attendu par les locaux car il est rare et les autres types de temps épargnent souvent le secteur qui est relativement sec par rapport aux autres zones alpines.

Quelques exemples historiques

Accrochez-vous, les chiffres évoqués ici vont parfois donner le tournis aux amateurs de grosses chutes de neige. Bien évidemment, d'autres épisodes plus classiques (donnant 50 cm à 1 bon mètre de neige) se sont produits fréquemment (1 à 3 fois par en en moyenne donc) mais nous revenons ici sur les épisodes majeurs : 
- mi-janvier 1978 : épisode de référence. Dans le Queyras il tombe plus de 3 mètres en 3 jours du côté de Ristolas (05). Côté Haute-Maurienne, on relève en 72h 180cm à Bessans et 138 cm à Val Cenis. 
- fin-janvier 1986 : l'épisode est bref (24 heures environ) mais très marqué. On relève 158 cm en si peu de temps du côté d'Abriès. Pour la Haute-Maurienne, on relève 60 cm à Bessans, 58 cm à Valfréjus et 40 cm à Val Cenis.
- fin-mars 2007 : épisode plus "classique" mais marqué avec en 3 jours 80 cm à Bonneval sur Arc et jusqu'à 1 mètre 50 sur les sommets de Haute-Maurienne vers 2400 mètres.

- mi-décembre 2008 : épisode encore ancré dans les mémoires car historique mais relativement récent. Dans le Queyras il tombe 1 mètre 55 à Saint-Véran (05) qui n'est pourtant pas au coeur de la zone la plus touchée. On y relève alors 2 mètres 05 au sol, ce qui constitue un record pour le village. Plus à l'Est, les 3 mètres de neige fraîche sont atteints sur le haut de la vallée de Ristolas (05) selon les dires des habitants avec des avalanches qui envahissent certains hameaux. La photo ci-dessous a été prise dans le secteur à la fin de l'épisode. La balise du col Agnel, loin de l'épicentre du phénomène également, relève 1mètre15 en moins de 3 jours.

- début-janvier 2018 : épisode marqué le plus récent. L'occasion de revenir sur la prévision de l'épisode. La carte ci-dessous modélise les précipitations attendues en début de perturbation. On retrouve bien les plus fortes intensités en Haute-Maurienne, notamment le long de la frontière, et un assèchement remarquable en gagnant la Tarentaise et le Nord de la Vanoise. Une deuxième zone à précipitations marquées est également bien présente sur l'extrême Est des Hautes-Alpes dans le Queyras avec là-aussi un assèchement rapide en gagnant vers l'Ouest. 
Ceux qui se rapellent de l'épisode savent à quel point il a pourtant été atypique. En effet, le flux a été tellement rapide en altitude que les chutes de neige ont fini par s'étendre durablement jusqu'à Tignes (73), normalement en bordure des fortes intensités, mais également d'une manière brève mais marquée sur une très large moitié Est de la Savoie en soirée du 08 janvier. Vous pouvez retrouver quelques images de l'épisode sur notre article publié à l'époque.
La masse d'air, un peu limite, n'a pas permis un cumul de neige fraîche aussi important que ce que l'on aurait pu observer avec un ou deux degrés de moins. Pour autant, le mètre de neige fraîche a été dépassé à Bonneval sur Arc (2 mètres de neige fraîche sur le domaine), Tignes ... où la hauteur de neige au sol (succession des différentes couches de neige depuis le début de la saison) a atteint des records.

Les "faux" retours d'Est

Le terme de "retour d'Est" est souvent utilisé à tort ces dernières années. Certains évoquent ce phénomène dès que des chutes de neige touchent les Alpes du Sud où dès lors que la neige se met à tomber en Haute-Maurienne. 
Pour rappel, les chutes de neige sur les Alpes du Sud se produisent essentiellement par courant de Sud ou de Sud-Ouest. Lors des retours d'Est, les précipitations sont bien plus localisées aux zones évoquées ou alors ne s'étendent que très brièvement (exemple de janvier 2018 évoqué précédemment). 
Ainsi, les chutes de fin-novembre 2016 ne peuvent être qualifiées de retour d'Est. Les cumuls relevés ont en effet été particulièrement importants (jusqu'à deux mètres en haute-altitude sur la Haute-Maurienne) avec des cumuls très conséquents sur la majeure partie des Alpes du Sud (60 cm à 1 mètre 50 au-dessus de 2000 mètres). 
Mais la situation synoptique ne correspond pas, à proprement parlé, à ces retours d'Est. En effet, alors que ces derniers sont souvent marqués par la présence d'une zone de basses-pressions isolée (dite goutte froide) entre Espagne et golfe de Gênes, la situation de l'époque était différente avec un axe de basses-pressions beaucoup plus incisif correspondant à un prolongement des basses-pressions atlantiques comme la carte ci-dessous en atteste. Le courant était alors orienté au secteur plein Sud.

Ce courant de Sud, très rapide durant cet épisode, se charge évidemment également en humidité en Méditerrannée produisant de fortes précipitations. Mais l'on ne peut parler de "retour d'Est". 
D'ailleurs, côté Haute-Maurienne, le paroxysme de l'épisode a été relevé sur les dents d'Ambin (1 mètre 50 à 2 mètres de neige) et non sur le domaine de Bonneval sur Arc (1 mètre à 1 mètre 50 de neige environ, ce qui est déjà tout à fait remarquable !). Attention donc aux excés de langage : non une chute de neige de 80 cm à Valfréjus, Puy-Saint-Vincent, Montgenève ou Vars ne correspond pas forcément à un retour d'Est.

Bref, le retour d'Est est un phénomène très atypique, localisé, correspondant à une mécanique météorologique précise et rencontrée rarement. Lorsqu'elle est bien huilée, les cumuls de neige sont exceptionnels ce qui rend ce phénomène particulièrement attrayant pour les passionnés de météorologie et les affamés de poudreuse.

Thomas.Blanchard
Texte Thomas Blanchard
Rédacteur bulletins et infos météo/neige sur Skipass depuis quelques années déjà !

12 Commentaires

jamrek Et dame nature a bien fait les choses en faisant en sorte que les gros bassins de riders soient à presque 3h de route de ces petites pépites ^^
 

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mik Il y a une petite erreur quand vous parlez du col de la Madeleine. Plutot Mont Cenis non ?
Sinon article parfait. Comme d’hab. bravo
Thomas.Blanchard Bonjour,
Le col de la Madeleine est présent entre Bessans et Lanslebourg, à ne pas confondre avec le col de la Madeleine en Lauzière effectivement (beaucoup plus connu).
 

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steve_winwood Non c'est bien col de la Madeleine, entre Lanslevillard et Bessans, limite classique des "grosses chutes".

La différence entre les "faux" retours d'Est et les vrais est quand même assez ténue, notamment dans le cas de Novembre 2016. Il y a clairement eu un "mouvement" secondaire d'Est, certes peu visible sur les cartes de géopotentiels à échelle européenne, et qui s'est manifesté non pas au moment du 23/24 Novembre, mais plutôt avec l'avancée de la dépression, sur les journées des 25 et 26 Novembre. D'où des scores de précipitations plus qu'honorables (y compris à l'échelle de cet épisode remarquable) dans des coins typiques des "vrais" retours d'Est: Prali a par exemple reçu 500mm sur cet épisode.

Même chose avec l'épisode de Novembre 2011 (quasi uniquement pluvieux) sur le l'Est du Queyras: il faisait suite, avec 3 jours de décalages, à un épisode plutôt "de sud" qui avait fait date dans les régions méditerranéennes. A la faveur d'un mini creusement sur le golfe de Gênes il avait donné presque 400mm à Ristolas, de mémoire (voir le bilan climatique MF posté sur Infoclimat).

Bref, pas toujours simple!
 

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mik Avec mes excuses, etant Tarin, je ne connait qu’un col de la Madeleine ;)
 

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batteurboy Sinon dans les pyrénées il y a aussi des retour d'est?
L'épisode de fin janvier avec 2m de cumul n'est était pas un?
 

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neiges Montgenèvre est peu cite dans votre article, pourtant touche autant que le Queyras
Thomas.Blanchard Bonjour,
" avec une légère poche de précipitations marquée du côté de Montgenèvre en bordure de la frontière également" c'est évoqué au cœur de cet article.
 

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neiges La situation idéale
Anticyclone Scandinave
Descente polaire générant une dépression au contact d'air doux
Anticyclone sur l'Europe de l'Est
Ladite dépression se bloque sur le Golfe de Gênes
Bingo
Daydream
 

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squier C'est clair Et le Mercantour ? Et la lombarde, vent associé au retour d'est ? Je viens de lire qu'il peut souffler jusqu'en Maurienne
 

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