En cette période post covid, il est peut-être temps de faire le bilan du message envoyé par la société concernant notre pratique. Car ce qu’il s’est passé reflète ce que pense une grande partie de la population française sur la pratique du ski. Finalement une activité vue comme dangereuse et futile. A ce moment précis, celui de la pandémie, skier était un crime.
J’avais pu comparer la vision d’un autre pays lors d’une visite au Skiistan où tout se passait bien. Il est vrai que là-bas le ski est plus dans l’ADN du pays. Encore plus qu’une identité alpine marquée, la différence entre nos deux pays est aussi dans une approche différente des choses. La culture française de l’interdit, de la législation, de la centralisation a conduit à cette absurdité qu’était « la criminalisation » en un sens du ski (et de l'accès à la nature en général).
Cette législation castratrice est le chemin vers lequel nous semblons nous tourner jour après jour un peu plus, avec des interdits posés plus qu’une éducation à la responsabilité des acteurs : interdiction de fumer aux Gets ; interdiction du speedfit sur les domaines. A quand une limite de vitesse ? Une interdiction du ski hors-piste ? Une interdiction du terme titane ? C’est du TITANAL!
En effet, dans une socièté qui a horreur du risque et de l'incertitude, la pratique du ski ( encore plus hors pistes) peut être vu comme une simple inconscience (avalanche, traumatologie). Et dans ces cas là, on préfère souvent interdire que prévenir.
Au final, sortie de quelques régions et de quelques barbus passionnés, le ski est vu au mieux comme un folklore au pire comme un simple loisir qui peut être remplacé par un autre. Alors pourquoi pas l'interdire si besoin?
Jeune skipasseur, vas-tu parfois errer sur le darknet (c’est-à-dire les commentaires de tonton Roger sur des articles bfm tv ?) ? Eh bien tu y verrais la haine que peut susciter la pratique du ski : « sport de bourge » « invasion des anglais » « pompe à fric ».
Après les chiffres ne peuvent que donner raison à ce ressentiment : selon l’UNION Sport & Cycle et de nombreuses autres études, chaque année, environ 13% des Français pratiquent le ski, soit 8,7 millions de personnes. Le coût moyen d’un séjour est de 900 à 1000 euros par personne (1) . Quand j’étais jeune, mon père éducateur pouvait nous emmener une semaine en février à Bonneval et une semaine en avril à Tignes. Pas certains qu’un éduc en France puissent encore payer cela à ses enfants aujourd’hui. Il est vrai que beaucoup de stations font le choix d’une clientèle riche (et souvent étrangère) à défaut de garder un lien avec le territoire local. Mais attention, à viser ce public c’est bien scier la branche sur laquelle ils sont. C’est donc petit à petit un désamour, voire une haine, du ski qui arrive.
Ce désamour va surement de pair avec une perte de « coolitude » (oui j’ai dis coolitude oui je suis un vieux et alors?) du ski dans sa forme classique. Bien que l’industrie du ski opère à fort coup de concept marketing des opérations commandos (ça va du green washing au néo rétro revival 80), j’ai l’impression que l’image du ski est vue comme de moins en moins cool parmi les jeunes. As-tu tenté, vieux skipasseurs barbu de lancer le débat avec tes nièces végan parisiennes pour savoir si le ski était encore une activité à conserver ? Non ? Et bien moi je l’ai fait, et ça a bien animé la soirée. Pour certains, le skieur est un clairement un criminel rétrograde pollueur boomer. Ni plus, pas moins.
Et je ne peux pas nier que leur argument principal, le réchauffement, est une réalité qui nous saute à la gorge . La pratique du ski va évoluer et doit évoluer. Mais de là à tenir le ski comme paradigme et totem du réchauffement climatique, je ne pense pas.
Oui, le ski, comme beaucoup de pratiques sportives et le tourisme en générale, est porteur de pollution. Il est clair, comme le montre cet article https://bonpote.com/bon-pote-4-loic-le-ski-est-il-ecologique/ , il faut que soit fait un effort conséquent sur notre mobilité de et vers la montagne, mais également un effort sur l’isolation du bâti en montagne. A titre individuel nous pouvons faire beaucoup de choses, dans nos choix de déplacement, de renouvellement ou non de matos par exemple, pour faire bouger les lignes, ou encore de notre fréquence d'aller au ski (ce dernier principe tombera si un jour il reneige).
Mais est-il juste que le ski soit le bouc émissaire du réchauffement climatique? La neige, ou son absence, étant une preuve tangible et visible du changement climatique, j’ai parfois l’impression que les activités qui y sont liées sont les coupables désignés d’office du tribunal populaire.
Les acteurs et décideurs doivent aussi prendre conscience de l'image que renvoit le ski et faire évoluer les projets type retenue collinaire ou autres mégas projets de remontées. Certaines stations de faibles altitude comme Métabief l’ont fait, mais les prochaines sur la listes (Préalpes, stations de moyennes altitudes) doivent aussi prendre le pas (et pas prendre le chemin facile du greenwashing comme par exemple Tignes qui se dote d’un label flocon vert !!!).
A trop vouloir en faire, le retour sera plus de flamme que d'est.
Le plaisir, le bonheur, la beauté.
Il reste là, le bonheur. Si là devant toi, sous tes pieds. Tu sens cette glisse qui te grise ? Tu entends ce doux son de la neige qui vole ou même qui racle?. Il est toujours là plaisir simple de la glisse.
Car le plaisir de la glisse c’est aussi le plaisir de la neige. Chacun ne rêve t’il pas de faire sa trace ? De faire la première trace? Le plaisir de la glisse c’est le plaisir de prendre possession d’un espace immaculé, vierge, et de le marquer de son passage. Mais avec la magie que cela est éphémère : la neige en revenant ou en fondant ne gardera pas la mémoire de cette aventure.
Le skieur n’est pas un criminel, c’est un explorateur.
L’imaginaire du ski est là : prendre possession d’un imaginaire vierge et sauvage. Même sur pistes au sein de domaines largement balisés, le skieur cherche cette sensation d’immensité, de liberté et d’aventure. Et dans un monde de plus en plus stressant, urbain, connecté, c’est vrai que cela fait du bien de se retrouver en montagne, seul, entres amis .
Le plaisir de la glisse, c’est aussi le plaisir d’être dehors, de se confronter à la nature et d'en prendre conscience. D'accéder à sa beauté et de vibrer avec elle. Cette sensation que procure la montagne, cette beauté, est loin d'être futile. Si je dépasse le stade instagram (abonnez vous mes p’tits loups) ressentir la beauté en montagne, c'est aussi toucher aussi à l'essence même de l'esprit humain.
Si il ne faut pas nier que la pratique du ski est polluante, on peut aussi se dire qu'être au contact de la nature permet de se sensibiliser à son évolution. Là haut, tout devient plus concret. Les régions de montagne sont par ailleurs impactées plus rapidement que les autres par le changement climatique. En être le témoin, c'est aussi en prendre conscience et faire évoluer à son niveau son impact environnemental et sociétale.
Pas de discours moralisateur ici, mais pas de discours à charge non plus.
Le skieur pollue c'est indéniable, mais est-il pour autant une personne insensible à l'évolution du climat et à sa protection? Je plutôt l'impression que c'est l'inverse. Plus je fréquente la montagne plus je prends conscience des choses qui m'entourent. Plus je prends conscience, plus j'agis pour faire évoluer les choses.
L'avenir du ski serait-il dans un ski plus "vert" et dons sans les remontées? Si être "skieur" est être un méchant capitaliste climato septique, être randonneur serait-il bien vu de notre société? Skipass is the devil, skitour is the lord. Et oui, collant pipette is not a crime de nos jours! Et il est clair que d'un point de vu écologique le ski de randonnée est moins polluant (à condition de le faire au plus proche et de ne pas arpenter les alpes en voiture).
Je grossis un peu le ton, mais on dirait qu'il y a de cela. Entre une industrie, une communication et (donc une demande qui augmente) qui tend vers le "freerando" et cette vision négative qu'a la société du ski, il est vrai que le skieur randonneur est mieux vu. D'ailleurs d'aucun ne se vendra pas comme "Skieur moi? non je fais du ski de randonnée. » la classe en soirée pour draguer vs « skieur moi? Attendsje te montre ma cave avec 10 paires de skis » je sais pas pourquoi mais je pense ça va pas être possible…
Néanmoins loin de moi l'idée d'opposer les deux pratiques (qui sont d'ailleurs en fait deux sports assez différents mais complémentaires). Je pratique les deux avec plaisir et si utiliser les remontées est un crime, aller défleurer des lieux vierges en ski de rando (avec souvent beaucoup de voitures qui se déplacent également) peut être vu comme un délit.
Non les deux pratiques sont bonnes car ce sont des pratiques sportives. Je reste persuadé qu'une pratique sportive est fortement bénéfique pour le corps (je vous passe les recommandations en mode Michel Cimès), mais aussi pour l'esprit. Dans nos sociétés hyper connectées, hyper stressées et stressantes, le sport reste un moyen parfait pour évacuer la pression. Pas le sport compétition ou performance non, mais le sport plaisir .
J'ai beaucoup parlé de plaisir jusqu'ici . Plaisir de la glisse, plaisir d'être dehors, plaisir de la beauté de la montagne, plaisir du corps, plaisir du partage.
La culture ski ce n'est pas que les mégas stations et la folie douce. C'est aussi une culture qui ouvre vers l'autre et le monde. Je pourrais citer ici les actions menées par "Riders for refugees" par exemple et tant d'autres.
Je me demande si cette mauvaise image du ski n'est pas en fait une image culpabilisante que l'on voudrait renvoyer à une personne souhaitant profiter au maximum de ce que peut offrir la vie et le monde et la nature. Pas profiteur dans le sens exploitation, mais profiter dans le sens prendre le positif. A l'inverse d'une société qui chercher à maximiser le temps de travail, à rationaliser les actes et les gestes, skier c'est adhérer à une culture hédoniste.
Alors face à cette fuite en avant, est-ce que l'avenir du ski ne serait-il pas le retour au source? Une sorte de slow ski, où l'on stoppe la course au toujours plus pour aller vers le mieux? Un ski qui prend le temps, un ski qui contemple la nature qui nous entoure, un ski qui se soucis de l'autre, un ski qui kiffe la vie?
Alors non skier n’est pas un crime. C’est le crime. L’originel. Le péché. Le fruit défendu.
Skier n’est pas un crime. Skier est une expérience intime.
Skier n’est pas un crime.
C’est ma doctrine.
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