B. a bientôt 90 ans. Des vies, il en a vécu plusieurs, et ce ne sont ni ses mains marquées par le temps, ni l'étincelle de son regard qui prouveront le contraire. Tantôt musicien, père de famille, paysan, ou encore défenseur des traditions, aujourd'hui il survit grâce à son alambic. Face à ce pan d'histoire Vosgienne, je me sens tout petit. Au crépuscule de sa carrière, B. est attristé : tous les jeunes partent, et personne ne pourra reprendre l'une des dernières productions traditionnelles de Savoie. Son savoir-faire, ses recettes secrètes, et même son droit d'Alambic, tout partira avec lui. Si les neiges ne sont plus éternelles, les Hommes eux ne l'ont jamais été.
Ce n'est plus une surprise pour personne, beaucoup de stations de ski de basse-moyenne altitude sont directement menacées par le réchauffement climatique. Depuis les années 70, plus de 200 fermetures d'exploitations de remontées mécaniques ont eu lieu ; certaines pour des raisons de sécurité, d'autres pour des problèmes d'ordre économique, la majeur partie suite à un enneigement toujours plus rare. En tant que skieur, le problème nous touche de plein fouet, et quand bien même il ne s'agit pas d'un besoin vital, je doute que nous puissions réellement nous en passer.
J'essaye, depuis quelques années, de voyager dans ces massifs directement touchés par le réchauffement. La neige n'y est pas toujours la meilleure, mais ce sont des endroits fragiles, qui n'existeront probablement plus d'ici quelques dizaines d'années et, sans parler de recueillement, il me tenait à cœur de pouvoir y skier. Cette année, les astres se sont alignés sur les Vosges. C'est un massif que je survole l'été en parapente, mais je n'y avais jusqu'à présent jamais mis les spatules en hiver.
Au fur et à mesure des semaines, des prévisions météo, la tension monte. Réchauffement prévu pour fin janvier, avec de la pluie, mais finalement décalé pour février ? Mieux vaut ne pas se poser trop de questions. Finalement, la semaine de vacance posée se calle parfaitement entre 2 chutes de neige, je charge les skis et je pousse en direction de la petite bourgade de la Bresse. Quelques heures de route et une tempête de neige sur le Col de la Schlucht plus tard, j'arrive enfin. Les Vosges, c'est unique comme paysage. L'altitude assez basse permet d'avoir une végétation luxuriante, et les chutes de neige exceptionnelles de ce début de saison permette au massif de prendre des airs de pays Scandinaves. Mon point de chute sera la station de la Bresse-Honneck. A partir de cette dernière, des accès possibles sur le Kastleberg, le Honneck, ainsi qu'à quelques zones boisées.
Je ne commenterai que peu la qualité de la neige qui fut particulièrement bonne, en particulier sur les zones protégées du vent. Je ne suis ni le meilleur skieur (hélas), ni le meilleur photographe, mais ce fut une bouffée d'air frais dans mon quotidien. La poudreuse était de qualité, et je suis encore étonné de la diversité de paysages et de descentes que j'ai pu effectuer. Mais plus que du ski, ce fut une rencontre avec des locaux qui ont vu l'évolution de ce massif, de ses hivers, et de son enneigement. Simon, qui raconte les mètres de neige accumulés devant sa porte. Son ami, qui se souvient des heures de route pour rejoindre la grande ville la plus proche. Tous dépeignent une époque presque disparue. Aujourd'hui, à l'image des stations, ils doivent s'adapter à ces changements climatiques qui impactent bien plus que le tourisme.
-J'ai une pensée particulière pour les confrères soignants du CH de Remiremont, menacé de fermeture-
Un de mes amis surfeur a l'habitude, lors des grands swells d'hiver, de ne pas foncer sur les spots qu'il connaît par cœur. Il préfère tenter le diable et aller dans des endroits qu'il ne connait pas, à la recherche de quelque chose de rare (et quitte à louper la session du siècle). J'aime beaucoup cet esprit et c'est ce que j'aimerais partager. Evidemment que les Alpes ou les Pyrénées offriront les mêmes conditions, voir mieux. Mais à l'instar de ces vagues fantômes qui ne déroulent qu'une fois ou deux par an, nous devrions prendre plus de risques et sortir de notre zone de confort. Beaucoup de coins méritent d'être découverts, et si nous ne prenons pas le risque de s'y aventurer, nous n'en aurons peut être plus l'occasion.
Un commentaire
Alsacien, je dois vous avouer rêver des Alpes, aller skier dans les Vosges même après une saison d’été pour une première glisse, me déprime. Alors que les alpes... .
Pour la quantité de neige : ayant appris à skier grâce aux mercredi des neiges dans les années 70 je me rappel toujours de l’attente de la neige et des 30 cm nécessaires (pas de canons à l’époque) pour que le mercredi nous allions skier. Ce n’était pas souvent hélas : déjà à l’époque : alors notre mémoire est elle trop sélective ? Quels sont les chiffres de la neige ?
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