La neige automnale ayant vite disparu après le 27 octobre, j’avais envie d'une série photographique dédiée au monde glaciaire. Je connais bien le massif du Vignemale mais je n’avais pas encore approché le glacier des Oulettes, à l’aplomb d’une face Nord mythique de 900 mètres et du plus haut sommet des Pyrénées françaises, la Pique Longue (3298 m). C’est un glacier qui est facilement accessible par la vallée de Gaube en partant du classique Pont d’Espagne, un site touristique pyrénéen sur fréquenté. Il faut compter 2 à 3h pour arriver jusqu’aux gros cubes bleus, à une altitude d'environ 2400 mètres, soit plus ou moins 1000 mètres de dénivelé positif.
9h, jour de semaine, le gigantesque parking du Pont d’Espagne (1500 m) est fantomatique et l’air ambiant ne dépasse pas les deux degrés. Quittant les cascades des cartes postales, le beau sentier (GR 10) empierré, poncé par les flux estivaux, s’enfonce dans une belle forêt de résineux et de blocs granitiques pour arriver au lac de Gaube au bout de 3O minutes.
Altitude 1725 m: pas un son, pas un murmure, le lac est immobile dans l’ombre matinale, les effets miroirs ne sont pas désagréables pour échauffer l'index.
Reprise de l’ascension et puis, 1O minutes après je rencontre des sources qui se sont pétrifiées avec délicatesse et transparence en sculptant de belles rondeurs. Ensuite, c’est de simples touffes herbeuses complétement givrées qui arrêtent mon regard et invite à l’immortalisation macroscopique.
Je passe la cascade d’Esplumouse et débouche alors sur un plateau assez large, les Petites Oulettes. A chaque pas, le gigantisme de la face Nord du Vignemale se dévoile un peu plus et son axe central, le couloir de Gaube (600 m, 60-65°) captive l’attention. Le soleil brille juste au-dessus alors j’accélère encore le pas et découvre le refuge des Oulettes deux heures après le départ. Cette imposante bâtisse est un gros refuge montagnard historique. C’était, et c’est toujours, le point de départ des plus belles courses sur le massif du Vignemale. On resterait des heures au refuge pour contempler cette face mais le glacier donne envie. Il ne verra pas le soleil de la journée comme six mois dans l’année. Après une petite ascension d’un demi-heure jalonnant les moraines séculaires, je foule le bord du glacier vers 2300 m et chausse mes vieux crampons pour gagner quelques ouvertures bien béantes.
Presque en t-shirt devant le refuge ensoleillé, il faut bien les trois couches pour approcher et toucher le glacier des Oulettes : Il est à la fois le plus bas en altitude (2280m pour son front), le plus crevassé, avec des cavités pouvant dépasser 30m de profondeur et parfois autant de largeur, le plus rapide de la chaîne enfin, puisque sa vitesse maximum est estimée entre 50 et 70m/an.
Aux abords et à l’intérieur des anfractuosités, les cristaux quasi parfaits, la palette de bleu, les traces minérales de la cinétique glaciaire, les blocs aux formes improbables, les rivières à demi-congelées, les perforations constituent une source inépuisable et fascinante pour une série photographique sur la thématique de l’eau, à l’état solide.
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