Des conditions parfaites nous ont comblé sur toutes les orientations de pentes vierges depuis décembre. Du sourire poudreux à Gourette aux moments parfaits du Barassé ou du Montaigu, on a beau être dans le Sud-Ouest, on ne déguste pas du foie-gras tous les jours.
Cette toute fin janvier nous a apporté encore de précieux flocons mais aussi un début d’amorce de pause printanière avec une limite pluie-neige qui joue au yo-yo. Avant le déluge annoncé, il était opportun de profiter d’une fenêtre garantie de ciel céruléen. Ayant en tête de glisser sur certaines pentes habituellement accessibles par gravité, je me focalise sur une ligne esthétique, le couloir du dièdre d’Oncet (400m, 45°/40°). L’année dernière, je l’avais descendu dans une neige façon garbure et quelques parpaings à éviter..
Bruno est disponible et motivé pour aller faire une belle balade alors banco, direction la station de La Mongie (1800 m) afin s'optimiser l’altitude de départ. Avant 9h, nous voilà en route en skis pour traverser le domaine skiable et basculer sur le versant de Barèges et retrouver le sentier d’été montant au Pic du Midi de Bigorre.
Une fine couche de neige transportée a littéralement rénové à blanc les reliefs : tout est propre et lisse. Les mastodontes d’acier et de banquettes en mousse se réveillent encore inanimés sous un beau soleil. Ayant rejoint une première crête, notre objectif de la journée est magnifiquement encadré dans un paysage bien blanc et dominé par le Pic du Midi de Bigorre.
Il est 10 h du matin, on est déjà en haut d’une remontée à 2400 m. On compte 4 traces sur le domaine scruté depuis l’arrivée du TS Panoramic. C’est mardi, il y aura peut-être plus de passionnés sur un écran que sur les spatules.. On ne connaît pas non plus l’affluence actuelle des stations alpines. Les installations à l’arrêt, aussi charmantes qu’elles puissent être pour l’œil du photographe, me choquent toujours et laissent dans l'incompréhension. Les stations de ski redeviennent presque des montagnes: c’est peut-être une opportunité pour que les simples consommateurs de glisse habituels s’intéressent davantage au site, aux activités plus naturelles, à la sécurité en montagne.. Vaste débat..
Après un bon 600 mètres de dénivelé positif, on repasse en mode ski pour une traversée descendante sur Barèges. Trois virages dans un petit couloir au milieu des myrtilliers congelés et nous repeautons pour remonter par le sentier des contrebandiers. Cette traversée en faux plat et exposée aux vents commence avec de belles corniches et un tunnel assez rempli.
Après 500 mètres, la surface se durcit et nécessite de sortir les couteaux afin de continuer à avancer sereinement. Au col de Sencours (2350m), c’est-à-dire au pied de la face Sud du Pic, nous sommes toujours seuls au monde avant d'être rejoint plus haut par un ancien arrivé d'Artigues. La pente restant à gravir est toujours vierge et nous attend sous des rayons qui commencent vraiment à chauffer. Nous oublions l’idée du barbec’ et après deux poignées de zig-zag, nous gagnons l’ancienne hôtellerie des Laquets. Les derniers virages ne sont pas faciles avec une couche qui glisse, même avec nos griffes.
Il nous faut désormais sortir les crampons et gagner la crête de Pène Blanque par une pente d’une centaine de mètres. La neige est assez compacte mais on se fourvoie dans quelques puits poudreux. L’arrivée sur la crête me laisse rêveur avec cette vue que j’apprécie tant mais surtout avec cette ligne parfaite façon cône Gervais qui nous attend. Bruno commence la trace avec un pied de chaque côté de l’arête sculptée parfaitement par le vent. L’épaisseur est copieuse: c’est très physique mais tellement jouissif dans cette ambiance incroyable.
Au bout de cinquante mètres, l’ambiance est gazeuse de chaque côté. A gauche, on domine le lac d’Oncet avec une belle pente plongeant sur des falaises et à droite, cela penche avec plus de sévérité et de gros cailloux. Il faut être vigilant mais pas de piège, nous sommes bien ancrés avec nos outils et la progression se fait sûrement. Nous aurons mis presque 4h30, dont une pour la crête, pour arriver à la brèche (2694m) de sortie du couloir visé. Avec cette pente à 45 °, la perspective de la ligne à rayer est parfaite. Nous n’aurons pas encore le temps de goûter le sandwich, la descente nous attend. Drop in !
Le premier tiers est un peu lourd et part en sluff capable de déstabiliser un ski. Exposition Sud-Sud-Est, ça chauffe vite ! La pente étant déversante contre la falaise, la neige mise en mouvement est aussitôt canalisée. La surface s’améliore au fil des virages et permet de s’arrêter avant le dernier tiers et d’être rejoint. La sortie s’affaiblie sur un cône de déjection à 35° et offre une neige encore assez moelleuse, on prend plaisir à contourner le lac et enchainer encore quelques courbes dans les vallons en aval.
Une courte pause, le plein de vitamine D, Il nous reste encore quelques courbes avec un dernier couloir bien transformé et labouré puis repeautage. Nous aurons encore besoin d’une bonne quarantaine de minutes pour rejoindre le col du Tourmalet, chausser pour une dernière fois et savourer les derniers virages sur pistes.
Sans le téléphérique du Pic, c’est un bon 15 km pour 1500 m D+ pour aller scorer cette ligne réputée à juste titre et si esthétique. Il n’est pas impossible qu’elle soit encore mise en avant dans de futures publications professionnelles de ski-porn !
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