Local ou pas, on se doit de visiter au mois une fois dans sa vie le village de Gavarnie et son cirque (Patrimoine mondiale de l'humanité-UNESCO) avec la cascade la plus haute de France métropolitaine (423 mètres). La source de la cascade provient de la résurgence de Brulle: c'est le glacier du Mont Perdu qui alimente le collecteur avec le lac Glacé du Marboré (2592m) ! Pour les montagnards, avec une pléiade de 3000 prestigieux (16 sommets) dominant le cirque frontalier avec l’Espagne, les choix d’ascensions et d’itinéraires sont nombreux.
Cette fameuse cascade est étagée en trois parties qui se gravissent aussi bien en hiver pour les glaciéristes qu’en été sur de belles voies calcaires. Une des voies historiques des Pyrénées, gravie pour la première fois en 1877, est la classique du Mur de la cascade. A droite de la grande cascade, c’est une face de 250 mètres qui donne accès au premier étage.
Laurent, grimpeur expert, connaît bien le secteur de Gavarnie et n’avais jamais fait cette classique. La voie est côtée AD+ 4b>4b II P3 et comporte entre 7 et 13 longueurs selon les topos qui ne sont pas réputés pour leur précision. Cette entreprise implique un dénivelé positif de 700 mètres avec la partie marche. J’emporte une copie d’écran de l’itinéraire qui semble bien être du pur terrain d’aventures. Grimpeur moyen, je ne résiste pas à l’idée d’être le second de cordée pour connaître le cirque et ses cascades sous des angles de vue inhabituels.
Ce samedi 15 août, la météorologie annoncée excluait du mauvais temps en journée. Avant 9h, le village est encore calme et les parkings sont peu remplis. Le temps d’un café, nous voilà partis sur le sentier touristique du cirque. Au vu de l’exposition plein Nord, il n’est en rien utile de partir aux aurores pour cette course. En été, le soleil commence à éclairer les parois seulement à partir de la fin de matinée.
En une heure, on avale les 8 km et 4OO mètres de dénivelé pour rejoindre la base du mur de la cascade. Le repère du début de cette voie est le point le plus bas du mur (1760m). La face est très impressionnante à une distance de 500 mètres mais comme souvent, nos yeux nous trompent. Le microclimat de la cascade fait qu’il reste encore un dernier reste de névé juste en dessous de notre début d'escalade. Une fois arrivé au pied, la face n’est pas autant verticale que perçue précédemment : le départ est assez débonnaire. La météo n’est pas aussi radieuse que les prophètes l’avaient annoncé : des masses de nuages importantes défilent sur la couronne du cirque et masque le sommet dominant, le pic du Marboré (3248m).
Nous voilà équipé et au vu de la cotation, je décide de rester en grosses alors que l’ouvreur part évidemment en chaussons. J’ai tout de même prévu une paire de ballerines au fond du sac dans le cas où mes pieds ne me servent plus à rien…
Les premières longueurs sont assez faciles mais les points sont déjà espacé de 10-15m minimum : les friends et les sangles seront de précieux outils. Les relais et points d’asssurage existants sont de tout ordre : du relais récent inox de glaciériste au piton torsadé historique. Il y a en a un peu de partout et ça aide pas forcément au guidage. Au bout de 3 longueurs, on arrive sur une jolie vire de quelques mètres carrés. La vue à 180° est déjà spectaculaire quand on fait face au village de Gavarnie. Juste en dessous, c’est un véritable troupeau touristique qui s’empare du pied de la cascade. On est bien seuls et perchés dans cette falaise à l’écart de la foule ! La partie ouest du cirque est déjà magnifiquement éclairée et les sommets du Vignemale baigne dans un ciel céruléen. A presque cent mètres de hauteur, on mesure différemment les dimensions monstrueuses de la cascade qui se vaporise en dessous de son départ aérien. La suite nous offre un très beau dièdre de 35 mètres : il impose de bons passages en opposition et la recherche de quelques prises de mains.
La sortie de la longueur nous amène sur une belle terrasse qui se prolonge sur le côté droit en croisant des cascades de moindre importance. Après avoir vérifié les différentes voies pour poursuivre l’ascension, on abandonne ce qui nous semble l’itinéraire conseillé au vu des parois mouillées. La météo tourne bien plus vite que prévue, les nuages sont désormais prédominants. Pire encore, on entend gronder sur le Vignemale et puis bientôt du côté du massif du Mont Perdu. Il faut désormais accélérer au mieux pour sortir de la paroi.
On arrive sur une dernière terrasse à un peu prés 6O m de la fin de la voie. On décale à nouveau à droite pour enjamber la petite cascade centrale. En assurant mon ami, je vois que les pas ne correspondent plus à du 4b mais plutôt du 5a bien tassé. Sur cette longueur, je suis très limite au niveau des prises de pieds mais la rigidité et l’adhérence de mes grosses suffisent pour le rejoindre sans tarder.
La dernière longueur part d’un relais fait sur un bloc détaché en équilibre sur une terrasse d’une largeur d’un mètre au mieux. Les roches sont un peu pourries, il faut bien choisir ses prises… Laurent installe un premier friend et continue sa progression. Je ne l’ai plus en vue et puis d’un coup, c’est la chute et pour moi un freinage efficace ! Une prise de pied a cédé et le vol de quelques mètres a été stoppé: merci le friend !!! Le ciel devient de plus en plus noir et la paroi commence à être tachetée par des gouttes bien lourdes.
Après un peu plus de 4h d’escalade aventureuse, on débouche sur le premier étage du cirque mais bien plus à droite de l’itinéraire topographié. C’est une fine pluie qui nous accueille mais cela ne nous empêche pas de sortir notre précieux casse-croûte à avaler sur la marche de retour. A ce moment-là, je suis triste de ne pas avoir un soleil resplendissant mais émerveillé par l'incroyable géologie torturée et la sévérité des sommets dominants.
On se dirige alors en direction du sentier historique l’Echelles des Sarradets par une continuité de terrasses herbeuses où il faut être vigilant : toute chute serait fatale. On rejoint le fameux chemin sous une pluie mêlée de fine grêle, ambiance désolante. Il faut encore redoubler de vigilance dans cette descente très plongeante sur le cirque. La pente est très importante mais de bonnes prises sont disponibles de partout. Il faut tout de même désescalader certains passages pour sécuriser au mieux.
En 1h30, on se retrouve dans la vallée du gave de Gavarnie (source du gave de Pau !) et on traverse les dernières prairies avant le village sous de beaux rayons de soleil. On se retourne alors vers le cirque : la grande cascade nous nargue avec un éclairage que l’on aurait bien aimé avoir lors de notre ascension.
Après 7 h de course, il est alors temps de débriefer de cette aventure autour d’un bon verre en admirant sans limite cette carte postale vivante.
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