Dès ma première ascension printanière en ski de la Pique Longue (3298m) avec l’ami Nobrudude, j’ai eu envie de connaître davantage le massif du Vignemale et sa couronne de sommets d'altitudes supérieures à 3 000 m. J’y suis remonté à nouveau en ski cette fin mai avec toujours autant de plaisirs à la montée et à la descente. « J’en suis arrivé là pour le Vignemale. A force d’y vivre, j’en suis devenu tout à fait amoureux » a écrit le comte Henry Russel-Killough, explorateur, pyrénéiste et seigneur dudit massif. Je suis un peu sur son chemin et mon attirance pour les massifs pyrénéens et notamment celui-ci croît au fur et à mesure de mes découvertes.
J’avais le projet de faire une ascension estivale avec l’option bivouac à 3000 et puis voilà que mon pote Laurent me propose d’aborder le massif par une course d’arrête reliant 3 sommets parmi la dizaine de 3000 dominant le glacier d’Ossoue. Le parcours choisi est côté AD – 3b>3b III E2. Il impose un dénivelé positif d’environ 1600 mètres et se décompose en 3 sections. La première consiste en une randonnée au départ du barrage d’Ossoue (1830m) afin d’ascensionner le Petit Vignemale (3032m). Ensuite, on poursuit sur l’arrête aérienne amenant à la Pointe de Chausenque (3204m) puis au Piton Carré (3197m). La dernière section est un retour par le glacier d’Ossoue pour retrouver le chemin de la voiture.
Ce vendredi 7 août, il est annoncé un bon 40° C en plaine et plus de 30 °C à Gavarnie (1400 m) ! Depuis la mi-juillet, le village de Gavarnie est en effervescence post-covidesque et en devient presque infréquentable. On est donc heureux à l’idée de partir dominer le 2ème glacier des Pyrénées pour trouver un peu de fraîcheur et de quiétude. Il était annoncé une tempête de ciel bleu mais à 6h du matin, on constate une ambiance nuageuse un peu incertaine. Le temps d’arriver dans la vallée d’Ossau et de quitter la voiture, les sommets du massifs tout juste éclairés se contrastent dans un pur ciel azuréen.
Après 1 bon kilomètre de platitude sur les oulettes d’Ossoue, on commence à s’élever en suivant le chemin longeant le gave d’Ossoue alimenté par le glacier éponyme. Partis à un très bon rythme, on double une dizaine de randonneurs pour arriver au niveau des 3 grottes de Belle-Vue (2400 m). Henry Russell a fait creusé 7 grottes afin d’y séjourner et inviter des convives à la fin du 19ème siècle. Les 3 premières creusées sont à 3205 m et la dernière, achevée en 1893, à 3280 m, juste sous le maître du massif, le sommet de la Pique Longue (3298m). C'est la grotte "Paradis". Autant je connaissais les 3 grottes à 3205m, mais je n’avais pu voir celles de Belle-Vue. En effet, jusqu’au début de l’été, ces dernières sont encore sous la neige ou glace. Le glacier d’Ossoue est le seul des Pyrénées à développer une langue glaciaire de plus d'un kilomètre qui descend juste au-dessus de ces cavernes de luxe.
On quitte les grottes pour continuer en direction du glacier d'Ossoue puis on bifurque rapidement sur le sentier du refuge de Bayssellance (sur le GR10). Deux heures après le départ, on est devant la porte de cet historique refuge idéalement construit à 2651m d'altitude au tout début du 20ème siècle (avec le concours d'Henry Russel, entre autres).
En cette période, le refuge est rempli continuellement. Alors que la plupart des clients sont déjà partis pour une ascension ou le retour dans la vallée, les derniers savourent leur petit-déjeuner sous un douceureux soleil matinal.
Direction la Hourquette d'Ossoue ( col à 2734 m) avant de grimper sur le Petit Vignemale (3032m): la vue sur les sommets convoités pour notre course est juste parfaite pour visualiser la plus grande partie de l'arrête à parcourir. De ce col, on mesure bien la souffrance des deux glaciers dont celui des Oulettes de Gaube qui se meurt sous la face Nord de la Pique Longue (3298m). La découverte de cette face (photo de couverture) était inédite pour moi et franchement, elle en impose sérieusement par sa géologie et son aplomb.
Fini de rêvasser, on quitte le col et on rejoint l'arrête de la crête pour savourer une vue sur le glacier d'Ossoue qu'on surplombe déjà de quelques centaines de mètres. L’hiver a été peu généreux en flocons en dessous de 2500m mais le cumul au dessus de cette hauteur a été bien supérieur à l’hiver 2018/2019 : le glacier est toujours bien recouvert et immaculé, les crevasses n’ont pas fait leur apparition. Arrivés sur le premier 3000, on est une petite dizaine à savourer le panorama. La vue sur Gavarnie et le massif du Mont Perdu est juste parfaite comme la météo du jour.
Il est temps de s’équiper avec toute la quincaillerie qui va bien pour la suite des événements (coinceurs, friends, sangles, cordelettes) mais on peut garder les grosses. A partir de ce moment- là, on progresse en corde tendue et on se retrouve seuls sur cette arrête aérienne : que c’est bon de pouvoir apprécier le silence des cimes ! Après quelques désescalades, on effectue deux rappels sur des relais bien équipés, tantôt en face nord tantôt en face sud. Rien de très dur, la cotation est juste, c'est simplement bien aérien avec un bon 800 de gaz sous certains passages.
Après avoir perdu une cinquantaine de mètres d’altitude pour atteindre l’Epaule Chaussenque (3154m), on repart sur quelques longueurs sur coinceurs et friends pour atteindre la Pointe de Chausenque (3204m). Le calcaire d’un blanc magnifique est massif ; il est finement lité, plissé avec un aspect vraiment marmoréen : un vrai régal à grimper. Ce pic est quasiment de plain-pied avec le glacier d'Ossoue au sud et il domine au nord de 600 m le glacier des Oulettes de Gaube. C'est le plus haut sommet des Pyrénées situé entièrement en France et non sur la frontière franco-espagnole comme la Pique Longue (3298m).
Le temps de quelques photos, on poursuit l’arrête qui nous conduit tout droit au Piton Carré (3197m) à l’aplomb du mythique couloir de Gaube. Conquis pour la première fois en 1889 par Henri Brulle, Jean Bazillac, Roger de Monts et les guides gavarniens, il avait été taillé 1300 marches à la hache ! Dixit Laurent qui l’a sorti un jour à 1h du mat’, ce couloir se fait désormais en artificiel, ce n’est plus tout à fait les mêmes conditions rencontrées à la fin du 19ème siècle.
Il est 13h, on s’octroie une pause d’une heure à la sortie du couloir de Gaube pour se restaurer et profiter du paysage. Le glacier étant encore bien recouvert d’une neige bien humide, on part pour la descente juste avec les grosses : c’est dommage, mais le piolet et les crampons ne serviront pas. La descente du glacier se fait en mode freeride avec les appuis bâtons et on se retrouve au grottes Belle-Vue, 700 m plus bas, en moins de 45 mn ! En l’absence de badauds, j’en profite alors pour explorer davantage ces cavités. Les portes en tôle rouillée et les crochets fixés au fond des grottes sont d’origine. Le cadran solaire apposé sur la paroi par le Henry Russell a été rénové récemment par une association locale.
Le retour se fait par le sentier du départ et permet d’apprécier différemment le canyon creusé par le gave d’Ossoue que je parcourais en ski à la fin mai. Les névés sont encore important jusqu’à 2100 m et constituent de beaux ponts de neige à savourer sous tous les angles de vue.
C’est la fin d’une belle boucle, il est temps de savourer une bonne bière et de reprendre des forces. Si je reviens faire une course d’arrête sur ce massif, l’objectif sera certainement de parcourir l’ensemble de la crête pour enchaîner les dix 3000 !
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