allez, l'article du jour..
assez clair, je pense..
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Rasmussen, plus fort que les dopés d’hier
Frédéric Portoleau connaît les avions. Il est ingénieur à Airbus. Passionné de vélo, il fait des calculs incontestables et incontestés. Il dissèque toutes les performances en cyclisme depuis trente ans, au mètre près, grâce aux connaissances des temps mis par les hommes pour s’envoyer en l’air. On en déduit les puissances développées sur leur machine. Une base de données exhaustive et historique référence chaque col et athlète, chaque «grimpeur». Connaissant les effets physiologiques prodigieux des hormones sur le rendement musculaire cela permet de posséder le meilleur outil de détection indirect du dopage, de l’imposture des performances humaines qui dépassent les limites de l’acceptable : la comparaison.
Ça dérange, la comparaison. Sauf à considérer que le vélo est un sport à voile et à vapeur : le caractère irrationnel de l’avancée des coureurs est alors «expliqué» dans la vase des cerveaux de narrateurs. Ils font de l’obséquieux un art confinant à la prostitution de la dope puisque, dès lors, ils en vivent eux aussi de manière indirecte. A la sortie des Alpes, prenons deux exemples de comparaison. Notre actuel maillot jaune danois d’abord. Il a réalisé une «échappée fleuve» exceptionelle avec un cumul de trois ascensions (Méraillet, Hauterive et Tignes) en développant 400 watts de puissance en moyenne, sans faiblir, sans fatiguer. On peut ainsi comparer sa chevauchée type avec celles de Virenque qui en était en 1998 à 500 doses d’EPO de consommation selon les carnets de Willy Voet, faut-il encore s’en émouvoir. Que ce soit dans l’étape de Luz Ardiden en 1994 (380 watts), à Cauterets en 1995 (390 watts), à Courchevel en 1997 (375 watts), à Morzine en 2003 (375 watts), à Saint Flour en 2004 (385 watts), Richard, spécialiste de ce genre de raid en montagne, était un cadet. Un petit comparé à Rasmussen qui nous habitue à des trajets aériens bucoliques comme celui de Mulhouse en 2005 (431 watts dans le ballon d’Alsace notamment) et de La Toussuire en 2006. Seuls des planeurs comme Iban Mayo pourront éventuellement le suivre dans les Pyrénées s’il tient à refaire le coup des neuf minutes de nirvana à 440 watts qu’il a développées entre le lacet de Tignes-les-Boisses et la route du Lavachet avant le lac. Ils pourront aussi être accompagnés de Juan Mauricio Soler bien entendu, vainqueur hier après un envol d’un semblable acabit. Déjà trois jours avant, du lieu-dit «le Reposoir» jusqu’au sommet du col de la Colombière, il avait accompli un exploit distingué par les experts à 450 watts, mais passé inaperçu car non victorieux. Le Colombien nous mène à une seconde comparaison : le meilleur Pantani de 1998. Soler a battu le record absolu de l’enchaînement Télégraphe-Galibier à partir de Saint-Michel-de-Maurienne en 1 h 25’45, pédalant à 24,5 km/h de moyenne. Soit une minute et cinq secondes de moins. Même en corrigeant les données tenant compte de conditions météorologiques bien meilleures, il devient évident que la teneur en oxygène à 2500 m n’est pas raréfiée pour tout le monde. Pantani, sur sa lancée, avait fini l’œuvre dans la montée des Deux-Alpes. Soler, échappé pendant 63 km, a franchi cette étape aux trois grands cols à une moyenne de 38,92 km/h
Ces trois pilotes de lignes spécialistes des voyages au long cours pourront aussi compter sur Alberto Contador de la Discovery Channel. En fait, ils nous rassurent. Car ils sont bien vivants et actifs, meilleurs que certains cyclistes célèbres, morts ou retraités.
Professeur d’EPS et ancien entraîneur de Festina, Antoine Vayer, dirige AlternatiV une cellule de recherche sur la performance, à Laval (Mayenne). Il chronique le Tour pour Libération.
inscrit le 14/01/03
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