BRUXELLES (AFP) - La Commission européenne s'apprête mercredi, dans une décision historique, à condamner Microsoft à une amende record d'un demi milliard d'euros pour abus de position dominante, en forçant dans le même temps le groupe américain à modifier ses pratiques anticoncurrentielles.
L'enjeu de cette décision est tel qu'elle ouvrira inévitablement la voie à une nouvelle phase, devant la justice européenne, dans le bras de fer entre l'exécutif européen et le géant américain des logiciels.
Le commissaire européen à la Concurrence, Mario Monti, a conclu à l'issue d'une enquête de plus de cinq ans que Microsoft avait enfreint les règles de la concurrence, en utilisant l'écrasante domination de son logiciel d'exploitation vedette Windows pour conquérir d'autres marchés.
Ses services entendent imposer au numéro un des logiciels une amende de 497 millions d'euros, la plus forte sanction financière jamais infligée à une seule entreprise pour infraction aux règles européennes de la concurrence, selon une source proche du dossier.
Ce montant, qui n'a pas été contesté lundi par les experts en concurrence des Quinze, devait encore passer le cap mardi en fin d'après-midi d'une réunion des chefs de cabinet des membres de la Commission, avant le verdict définitif du collège des commissaires mercredi matin.
Microsoft a déjà fermement réagi à la perspective d'une telle amende. Dès lundi soir, le groupe a averti qu'il ferait appel devant la justice européenne si un tel montant était confirmé.
Plus que l'amende, dont le montant entamera à peine sa trésorerie de plus de 50 milliards de dollars, Microsoft veut à tout prix éviter le principe même d'une condamnation, qui créerait un important précédent.
"Avec cette décision, on aura vraiment des principes établis pour toute l'industrie", s'est félicité Michael Reynolds, responsable de l'antitrust chez Allen and Overy à Bruxelles, cabinet d'avocats qui a déposé en 1998 la première plainte contre Microsoft devant la Commission au nom de Sun Microsystems.
"Pour l'avenir, il est certain que sur d'autres marchés, si un concurrent a des problèmes avec Microsoft, il pourra se référer à cette décision", a-t-il ajouté, évoquant entre autres les moteurs de recherche et les lecteurs-baladeurs de musique numérique.
La CCIA, une association très active de rivaux de Microsoft, a d'ailleurs déposé l'an dernier une nouvelle plainte devant la Commission contre la dernière version de Windows XP, avec au coeur du débat les marchés des logiciels de gestion de messageries texte ou image (photo, vidéo) pour téléphones portables ou ordinateurs de poche.
Une condamnation mercredi par Bruxelles pourrait en outre fournir une analyse précieuse aux rivaux de Microsoft qui souhaiteraient obtenir des dommages et intérêts.
La décision programmée de l'exécutif européen contre Microsoft ouvrira donc la porte à une longue bataille juridique devant le Tribunal de première instance de la Cour européenne de justice.
D'autant que Bruxelles entend, pour rétablir une concurrence effective sur le marché, imposer à Microsoft des remèdes que ce dernier juge inadmissibles.
Le groupe américain n'est pas totalement hostile à la mise en place "d'interfaces" permettant aux logiciels concurrents de dialoguer avec les produits Windows.
En revanche, il a toujours considéré comme inacceptable la demande de la Commission de commercialiser une version de Windows sans le logiciel de lecture des fichiers audio et video Media Player, pour laisser une chance aux concurrents de Media Player de s'imposer.
Pour l'avocat d'un des plaignants, c'est d'ailleurs parce que cette manière d'intégrer dans Windows de nouveaux logiciels "est au coeur" de la stratégie de Microsoft que la décision de l'exécutif européen sera "très importante".
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