En effet:
Article de l'Humanité du 6 avril 2004
Montagne. Le principe de précaution l'emporte
La commune de La Grave, paradis de la montagne sauvage, est condamnée après la mort d'un surfeur sur les pentes de la Meije.
La nouvelle est tombée jeudi dernier mais à La Grave (Hautes-Alpes), ce jour-là, personne n'était prêt à l'entendre. Devant le tribunal administratif de Marseille, la commune était déclarée responsable de la mort d'un jeune surfeur suite à une chute sur une barre rocheuse en décembre 1996. Pour le tribunal, la responsabilité de la commune ne faisait aucun doute : le surfeur n'avait fait que suivre des traces de ski et " la signalisation appropriée pour prévenir les dangers inhérents à la pratique du ski dans cette zone de haute montagne " était insuffisante.
Au même moment, sous la masse imposante de la Meije, ils étaient plus d'un millier à converger vers le sommet du dôme de la Lauze (3 550 mètres), fouetté par un vent glacial mais sous un soleil d'enfer, pour découvrir les neiges vierges de tout panneau, de toute piste, de cette station pas comme les autres dédiée aux fous de poudreuse, de montagne sauvage, et de contact direct avec la nature. Un millier à avoir justement choisi ce lieu parce qu'il est non sécurisé, non aménagé, et que, le lendemain, ils allaient pouvoir dévaler les 2 000 mètres de dénivelé à toute allure, sans qu'un seul piquet ne leur indique la direction à suivre, dans le cadre du XVIe Derby de la Meije.
Ce millier de skieurs, de surfeurs et autres amateurs de glisses plus originales, venus de vingt et un pays différents pour concourir, se frotter à une montagne aussi belle que sauvage, et vivre un moment de chaleureuse convivialité, n'étaient pas prêts à entendre et peser le danger représenté par la décision marseillaise. Dans l'enceinte du tribunal, la logique du principe de précaution et de la sécurité à tout prix, très en vogue, avait pesé bien plus lourd que la philosophie de la station de La Grave : pour goûter pleinement sa liberté, à chacun de prendre ses responsabilités, quitte à se faire accompagner d'un guide quand on n'est pas montagnard et qu'on ignore les dangers de la haute montagne. Si des skieurs et surfeurs viennent du monde entier goûter les pentes vierges de la Meije, c'est justement parce que cette montagne n'est pas quadrillée par un réseau serré de pistes dûement damées, balisées, et surveillées.
Dans les attendus du procès, le surfeur décédé se serait perdu " induit en erreur par des traces de ski ". À La Grave, on sait qu'une trace n'est pas un sésame, n'est pas la preuve qu'on est sur le bon chemin. En l'occurrence, peut-être l'auteur de cette trace était-il, lui, muni de cordes pour affronter la barre rocheuse vers laquelle il se dirigeait. Pour conserver cette espace de liberté, cet accès à la haute montagne sans qu'elle soit policée façon cirque blanc, la municipalité de La Grave a fait appel du jugement. Dans la soirée, on apprenait le décès d'un skieur qui s'était imprudemment aventuré dans un couloir où une avalanche l'avait emporté.
Dany Stive
inscrit le 03/10/02
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