Les Alpes s'effritent, les glaciers fondent sous l'effet de la chaleur
GENEVE (AFP) - La vague de chaleur record qui s'est abattue sur l'Europe fait fondre les glaciers en Suisse, tandis que les massifs alpins du pays, qui connaissent un nombre accru d'accidents de montagne, s'effritent.
Depuis deux mois, des températures souvent largement supérieures à 30 degrés, ont provoqué en Suisse comme ailleurs en Europe une grave sécheresse dans les vallées. Mais dans les montagnes, elles ont des conséquences encore plus dramatiques, faisant fondre la glace qui d'habitude maintient les rochers en place, en pleine haute saison pour l'escalade.
Ce jeudi, le thermomètre marquait zéro degré à 4.200 mètres d'altitude, alors que d'ordinaire en été, il gèle dès 3.000 m sur les massifs montagneux européens.
Il y a trois semaines, 90 alpinistes, à l'oeuvre dans différentes parties du massif du Cervin (Valais, sud) qui culmine à 4.478 m, ont dû être évacués par hélicoptères à la suite d'un glissement de terrain à 3.400 m.
Des volutes de vapeur d'eau s'échappaient de la montagne sous l'effet du soleil et le massif a été déclaré temporairement zone interdite, le temps de sécuriser certaines faces rocheuses.
Depuis début janvier, 55 personnes ont été tuées dans des accidents de montagne en Suisse souvent provoqués par des chutes de pierres, selon l'agence suisse de presse ATS, contre moins d'une trentaine de décès enregistrés les années précédentes à la fin juillet.
Toutefois selon les services de secours, cette recrudescence des accidents pourrait être liée au nombre accru de touristes que le beau temps attire dans les Alpes et qui leur donne un sentiment trompeur de sécurité.
Cette fonte des glaces jusqu'à 4.000 m d'altitude est "une situation réellement exceptionnelle", relève le glaciologue Martin Funk, professeur à l'Ecole polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ).
D'après cet expert, on peut s'attendre à des phénomènes jusqu'alors méconnus, comme la création de poches d'eau à l'intérieur d'un glacier qui se videraient subitement, avec des conséquences catastrophiques.
Dans les Alpes valaisannes, l'un des lacs situés au pied du glacier du Grubenglestcher, dans la vallée de Saas, a été récemment vidangé par précaution afin d'éviter un débordement provoqué par la fonte massive des neiges.
Expert auprès du Groupe intergouvernemental de l'ONU sur l'évolution du climat (IPCC) et directeur du département de géographie à l'université de Fribourg (Suisse), Martin Beniston avait averti l'hiver dernier que la fonte des neiges éternelles sur les Alpes serait un signe de l'accélération des changements climatiques.
Si la fonte partielle des calottes glacières pendant l'été est normale, elle atteint cette année des proportions inédites.
"La plupart des glaciers alpins sont actuellement dans une phase de recul très importante et c'est le cas depuis dix ou quinze ans", souligne M. Beniston. Du jamais vu au cours des 500 dernières années.
Selon les climatologues, les températures extrêmes actuelles pourraient devenir la norme dans la seconde moitié du siècle.
M. Beniston et ses collègues de Fribourg prédisent un déplacement des zones climatiques de 400 à 500 km vers le nord, ce qui doterait la Suisse d'un climat méditerranéen proche de celui de la Toscane.
"C'est hautement probable si l'on en croit les études de l'IPCC sur une accélération des rejets de gaz à effet de serre et ses conséquences sur les températures", commente Martin Beniston.
Les vaches suisses souffrent déjà de la chaleur qui dessèche les alpages: l'association suisse des producteurs de lait a enregistré une baisse de la production cet été.
Dans les 50 à 90 prochaines années, c'est le mode de vie des stations de sports d'hiver de basse et de moyenne altitude qui risque d'être bouleversé: si le réchauffement de la planète s'accélère, il n'y aura plus assez de neige pour skier, prédisent les climatologues.
inscrit le 08/11/01
6003 messages