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Le jeune Sud-Soudan brade déjà ses terres agricoles
INVESTISSEMENTS | Une société texane a obtenu le contrat du siècle: 600?000 hectares pour 25?000?dollars. Avec agriculture et pétrole à la clé
Marc Guéniat | 09.06.2011 | 23:59
600?000 hectares, équivalant à la superficie du canton de Berne. Ou 1% du territoire du Sud-Soudan, dont l’indépendance sera formellement acquise le 9 juillet. Cela représente aussi la portion de son territoire que ce jeune Etat vient de brader à une société texane, Nile Trading and Development Inc. (NTD). Brader, le mot est presque faible puisque l’investisseur a déboursé pour cela trois centimes par hectare, soit une somme totale de 25?000?dollars. L’entreprise jouit en outre d’une option sur la location de 400?000 hectares supplémentaires.
A la clé, NTD se voit conférer tous les droits pour l’exploitation de toutes les ressources naturelles qui pourraient s’y trouver pendant quarante-neuf?ans, révèle l’ONG The Oakland Institute. Cela comprend la commercialisation du bois, le droit de vendre des crédits carbone grâce aux plantations d’arbres et la production agricole, y compris d’agrocarburants. Ces derniers constitueraient l’essentiel du groupe texan, selon une lettre qu’il a envoyée en mai 2008 au général Wani Konga, gouverneur de l’Etat concerné.
Mais NTD acquiert aussi, et peut-être surtout, le droit d’explorer le sol, le cas échéant de produire tous les hydrocarbures qui y seraient enfouis. Il n’est pas inutile de rappeler ici que l’un des grands enjeux de la lutte d’indépendance du Sud-Soudan a été la présence avérée de pétrole sur son territoire.
Située à 60?kilomètres de la capitale, Juba, la terre du comté de Payam a été négociée en mars 2008 entre NTD et la coopérative Mukaya Payam, soi-disant titulaire jusqu’ici du «droit de superficie». The Oakland Institute relève la nature «mystérieuse» de cette coopérative, qualifiée de «fictive», et s’interroge sur sa représentativité. Il s’avère en effet que le contrat n’a été signé que par le chef local, au nom de la coopérative, avec un juge et un avocat pour témoins.
NTD est une filiale de Kinyeti Development LLC, également établie au Texas. Son directeur, Howard Eugene Douglas, a été l’ambassadeur pour les réfugiés du président Ronald Reagan, entre 1981 et 1985. Durant cette mission, il a eu tout le loisir de nouer de précieux contacts au Soudan, marqué par de sévères guerres civiles lors des trente dernières années. Mais selon le site Internet de Kinyeti, le mérite principal de cette opération revient à Leonard Henry Thatcher, un ancien banquier d’investissement – il n’est pas apparenté à la «Dame de fer».
Selon le contrat, les bénéfices générés seront partagés, à hauteur de 60% pour NTD et de 40% pour la coopérative durant les premières années. La répartition deviendrait plus équitable dès 2033.
Au vu des informations recueillies par l’ONG, fort bien documentée, il apparaît assez clairement que les quelque 15?000 fermiers qui peuplent la région n’ont pas eu leur mot à dire dans cette transaction. Qu’adviendra-t-il d’eux? Seront-ils chassés de leurs terres, comme c’est si souvent le cas en Afrique? Impossible à dire. Mais ce cas participe d’un mouvement mondial qui se manifeste de façon particulièrement aiguë au sud du Sahara. Depuis la crise alimentaire de 2007-2008 s’observe une ruée sur les terres arables du continent, à raison de 60 millions d’hectares en 2009, contre une moyenne de 4 millions par année entre 2000 et 2008; les denrées agricoles aiguisent désormais l’appétit des investisseurs, qui entrevoient de juteux profits, et de certains Etats, soucieux d’assurer leur souveraineté alimentaire.
source: tribune de genève du 9 juin 2011
Le jeune Sud-Soudan brade déjà ses terres agricoles
INVESTISSEMENTS | Une société texane a obtenu le contrat du siècle: 600?000 hectares pour 25?000?dollars. Avec agriculture et pétrole à la clé
Marc Guéniat | 09.06.2011 | 23:59
600?000 hectares, équivalant à la superficie du canton de Berne. Ou 1% du territoire du Sud-Soudan, dont l’indépendance sera formellement acquise le 9 juillet. Cela représente aussi la portion de son territoire que ce jeune Etat vient de brader à une société texane, Nile Trading and Development Inc. (NTD). Brader, le mot est presque faible puisque l’investisseur a déboursé pour cela trois centimes par hectare, soit une somme totale de 25?000?dollars. L’entreprise jouit en outre d’une option sur la location de 400?000 hectares supplémentaires.
A la clé, NTD se voit conférer tous les droits pour l’exploitation de toutes les ressources naturelles qui pourraient s’y trouver pendant quarante-neuf?ans, révèle l’ONG The Oakland Institute. Cela comprend la commercialisation du bois, le droit de vendre des crédits carbone grâce aux plantations d’arbres et la production agricole, y compris d’agrocarburants. Ces derniers constitueraient l’essentiel du groupe texan, selon une lettre qu’il a envoyée en mai 2008 au général Wani Konga, gouverneur de l’Etat concerné.
Mais NTD acquiert aussi, et peut-être surtout, le droit d’explorer le sol, le cas échéant de produire tous les hydrocarbures qui y seraient enfouis. Il n’est pas inutile de rappeler ici que l’un des grands enjeux de la lutte d’indépendance du Sud-Soudan a été la présence avérée de pétrole sur son territoire.
Située à 60?kilomètres de la capitale, Juba, la terre du comté de Payam a été négociée en mars 2008 entre NTD et la coopérative Mukaya Payam, soi-disant titulaire jusqu’ici du «droit de superficie». The Oakland Institute relève la nature «mystérieuse» de cette coopérative, qualifiée de «fictive», et s’interroge sur sa représentativité. Il s’avère en effet que le contrat n’a été signé que par le chef local, au nom de la coopérative, avec un juge et un avocat pour témoins.
NTD est une filiale de Kinyeti Development LLC, également établie au Texas. Son directeur, Howard Eugene Douglas, a été l’ambassadeur pour les réfugiés du président Ronald Reagan, entre 1981 et 1985. Durant cette mission, il a eu tout le loisir de nouer de précieux contacts au Soudan, marqué par de sévères guerres civiles lors des trente dernières années. Mais selon le site Internet de Kinyeti, le mérite principal de cette opération revient à Leonard Henry Thatcher, un ancien banquier d’investissement – il n’est pas apparenté à la «Dame de fer».
Selon le contrat, les bénéfices générés seront partagés, à hauteur de 60% pour NTD et de 40% pour la coopérative durant les premières années. La répartition deviendrait plus équitable dès 2033.
Au vu des informations recueillies par l’ONG, fort bien documentée, il apparaît assez clairement que les quelque 15?000 fermiers qui peuplent la région n’ont pas eu leur mot à dire dans cette transaction. Qu’adviendra-t-il d’eux? Seront-ils chassés de leurs terres, comme c’est si souvent le cas en Afrique? Impossible à dire. Mais ce cas participe d’un mouvement mondial qui se manifeste de façon particulièrement aiguë au sud du Sahara. Depuis la crise alimentaire de 2007-2008 s’observe une ruée sur les terres arables du continent, à raison de 60 millions d’hectares en 2009, contre une moyenne de 4 millions par année entre 2000 et 2008; les denrées agricoles aiguisent désormais l’appétit des investisseurs, qui entrevoient de juteux profits, et de certains Etats, soucieux d’assurer leur souveraineté alimentaire.
source: tribune de genève du 9 juin 2011
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[Modo]
Le 23 avril 2012 - 07:16
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