Cet article a été initialement publié le 12 novembre 2015.
Le 26 septembre 2015 a eu lieu à Grenoble un colloque organisé par la FRAPNA, la Fédération des Associations de Protection de la Nature et de l'Environnement en Rhône-Alpes. Il était consacré aux effets spécifiques du changement climatique sur les montagnes. Le timing n'était pas dû au hasard : à la fin du mois de novembre s'ouvre la Conférence de Paris sur les changements climatiques, plus connue sous le nom de COP21, à l'issue de laquelle un accord international sur le climat doit être trouvé et dont le but est de limiter le réchauffement mondial à 2°C d'ici 2100. Lors de ce colloque, les différents intervenants sont revenus sur les influences particulières du changement climatique sur les montagnes et les conséquences possibles au niveau naturel et humain.
Alors qu’à l'échelle globale il est question de « dérèglements » climatiques (et non de « réchauffement », comme l’amalgame est souvent fait), dans les Alpes les modifications du climat conduisent en revanche bel et bien à un « réchauffement ».
Entre 1900 et 2014, alors que la température moyenne en France a augmenté de +0,89°c, l’augmentation moyenne des températures annuelles dans les Alpes a été de +1,85°c (+2°c dans les Alpes du Nord et +1,75°c dans les Alpes du Sud). Ce phénomène de réchauffement est généralisé sur les quatre saisons, mais est particulièrement marqué en hiver et en été.
Concernant l’isotherme moyen, rien de bien encourageant. Entre 1959 et aujourd’hui, celui-ci a gagné en moyenne +300m d’altitude dans les Alpes suisses et +200m dans les Alpes françaises. En moyenne, +1°c dans les Alpes correspond à une hausse de l’isotherme comprise entre 150 et 300m. A l’horizon 2050 l’isotherme moyen pourrait ainsi remonter de 300 à 400m en Savoie dans le cas d’un réchauffement moyen de +1,8°c, alors qu’aujourd’hui il se situe entre 800 et 1200m (nous vous laissons faire le calcul...).
De manière générale il est constaté une diminution des précipitations, une augmentation des jours d’ensoleillement, et une tendance à la diminution des cumuls de neige. Les tendances (hausse ou baisse) d’enneigement sont différentes selon les stations, mais la moyenne de celles-ci est bel et bien en baisse et la diminution du cumul de neige est particulièrement accentuée en dessous de 1000 mètres d’altitude. En cause, l’augmentation moyenne des températures, la hausse de l’isotherme, mais également une tendance à la diminution des précipitations.
Les graphiques de températures et hauteurs de neige moyennes au col de Porte (Isère, Chartreuse) de 1960 à 2013 (source Météo-France) :
La fonte des glaciers n’est malheureusement pas une nouveauté mais la situation ne s’améliore pas. Depuis 30 ans, les glaciers des Alpes ont perdu en moyenne un mètre d’épaisseur par an. Il apparait ainsi qu’un réchauffement moyen de +3°c d’ici 2100 engendrerait une disparition des glaciers dont l’altitude est inférieure à 3500 mètres. Outre les différentes conséquences environnementales que cela implique, un avis est lancé aux amateurs de ski d’été : cette pratique est vraisemblablement vouée à disparaitre...
De manière générale, les modifications du climat ont un impact direct sur la biodiversité. En cela, l’espace montagnard n’échappe pas à la règle.
L’augmentation des températures modifie les équilibres naturels préexistants et modifient donc les conditions de vie des espèces (faune et flore) présentes.
Le schéma est relativement simple. Une espèce dont les conditions d’habitat sont modifiées et ne lui permettent plus de prospérer peut :
Se révèle alors une modification de la distribution des espèces sur les territoires de montagne, et ce en peu de temps. Entendrons-nous un jour des cigales, là où autrefois il y avait un front de neige ?
La ressource en eau est une pierre angulaire de l’adaptation en montagne. Les changements climatiques bouleversent l’organisation des flux d’eau : la baisse des précipitations et des températures entraine une baisse de l'enneigement et donc des stocks de neige et glace en altitude. Ce phénomène est couplé à une fonte de plus en plus précoce et une augmentation de l'évapotranspiration qui provoque à la fois une répartition différente et une diminution globale des stocks d'eau.
Pourtant la bonne gestion des usages des ressources en eau est essentielle que ce soit pour les espèces naturelles, l’agriculture locale, l’élevage, les retenues collinaires des stations de ski et bien sûr les centrales hydroélectriques présentes dans nos vallées. Les opérateurs des barrages doivent en permanence estimer les quantités d'eau qui arriveront au printemps pour gérer la côte des lacs.
La retenue collinaire du col du Corbier qui alimente les canons à neige pendant la saison de ski (source Wikipédia) :
Alors que l’économie des stations de sports d’hiver se focalise, comme son nom l’indique, sur les activités hivernales (voir le graphique ci-dessous), les changements climatiques accentuent les difficultés structurelles du tourisme de montagne.
La diminution de la moyenne du cumul de neige et les fins de saisons plus précoces détériorent le potentiel d’exploitation des domaines skiables. Les économies des stations alpines, et particulièrement des stations de basse et moyenne altitude, sont les plus vulnérables face à ces dérèglements du climat. Alors que des phénomènes tels que le report du tourisme des stations de basse altitude vers les stations élevées et l’abandon des activités dans les stations les plus vulnérables se généralisent, il est pertinent de s’interroger sur la prochaine étape...
Dans l’hypothèse d’un scénario de hausse globale des températures de +4°c d’ici 2100, la France compterait alors 55 stations viables (> 2000m) sur 143 au total (source : OCDE 2007 et Philippe Bourdeau).
Les modifications du climat menacent donc clairement le tourisme hivernal. Mais, alors qu’à l’échelle mondiale il est encore question « d’atténuation des changements climatiques », le message qui ressort très nettement de ce colloque est que, concernant les stations alpines, les effets des dérèglements du climat sont déjà présents. De ce fait, le cœur des discussions portait déjà sur « l’adaptation aux changements climatiques ».
Alors qu’avec le développement des sports d’hiver dans les années 60, les choix de destinations touristiques saisonnières se sont inversées (voir le graphique ci-dessous), les changements climatiques vont-ils également conduire à un changement de paradigme pour lequel la quête d’un confort de températures conduira les touristes à chercher des températures méditerranéennes en hiver, et des températures de montagne en été ?
La question est ouverte : Face à une dégradation du confort climatique estival en plaine, la montagne deviendra-t-elle une « solution anti-canicule » ? Nous dirigeons-nous vers une migration touristique estivale en montagne ?
Malgré la gravité de la situation, tentons de tourner la situation à notre avantage et rester positifs : oui, les forfaits de ski risquent de devenir (encore) plus onéreux... Mais peut-être que le coût de pratique du vélo de descente (ou de luge d’été) diminuera ?
Si les conditions météorologiques hivernales se dégradent, la saison estivale peut devenir un levier d’une transition saisonnière des activités économiques en montagne avec, par exemple, un allongement possible de la saison d’été sur une partie du printemps et de l’automne.
Les effets du dérèglements du climat sont donc déjà bien visibles dans nos montagnes. Et, même si l’on admettait une hypothèse (utopique et plus encore) d’une baisse conséquente des émissions de gaz à effet de serre à très court terme, l’inertie est telle que, malgré tout, il est possible de s’interroger : ne sommes-nous pas déjà entrés dans un processus de non-retour, un stade où il ne sera plus possible d’éviter de toucher à nos mode de vie ?
Certaines stations et associations tentent, avec les moyens plus ou moins importants dont ils disposent, d’apporter des solutions d’atténuation et d’adaptation pour lutter contre les causes et les effets des changements climatiques. L’agrégation de ces actions apporte une contribution supplémentaire.
Mais ces démarches décentralisées, bien que nécessaires, ne peuvent apporter à elles seules les solutions à ces problèmes. Le climat est l’affaire de tous, à commencer par nos gouvernements. A ce sujet, l’affaire sera à suivre de près en décembre pour la COP21 : la stratégie de la FRAPNA, et d'autres comme Nicolas Hulot, est de sensibiliser et alerter un maximum de personnes pour essayer d'influencer les politiques dans leurs décisions lors de la signature du futur accord sur le climat.
Et le ski dans tout ça ? Au vu de la rapidité des changements climatiques, l'avenir n'est pas des plus radieux, surtout pour les stations de basse et moyenne montagne. Evidemment, ce n'est qu'une activité de loisir et des conséquences beaucoup plus graves sont attendues à cause des changements climatiques. Cependant, les activités de montagne font vivre des milliers de personnes, en montagne comme en vallée, et il apparaît nécessaire de chercher dès à présent des solutions d'adaptation dans le cas où la neige viendrait à manquer.
42 Commentaires
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malheureusement, même le stabiliser relève de l'utopie.
youtube.com
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La proportion de neige varie suivant les hivers, d'ailleurs il me semble que l'année ayant eu le moins de neige était vers la fin du 20ème siècle (je ne me rappel plus de la date) et celle-ci ayant eu le plus de neige au 21ème !
Personnellement, les -12cm en moyenne par décennie depuis 1960 enregistrés au col de Porte m'inquiètent. Et c'est une tendance qu'on retrouve dans d'autres stations météo des Alpes. Les hivers "exceptionnels" (en bien ou en mal en terme d'enneigement) influencent certes les moyennes mais ne sont pas forcément significatifs de la tendance générale).
Après je ne dis pas qu'il ne faut pas s’inquiéter, d’ailleurs comme tu le montre les statistiques sont une preuve évidente du réchauffement climatique.
Je pense jute que la neige n'aura pas disparu de la surface de la terre dans 50 ou 60 ans comme le dit l'article.
En tout cas c'est sur qu'il y a de quoi s'inquiéter vu l'évolution des hauteurs de neige.
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Après toutes les représenter, surtout dans un article comme celui-ci qui n'est qu'un constat, ne serais pas forcément intéressant pour celui-ci ( et après entraine les discutions du genre "oui mais la ça baisse, oui mais la ça monte " ...)
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Quand, aux précipitations, même mesurés en pieds romains, je vois pas ce que ca change Kipoo. Et puis si ils avaient mesuré moins souvent, le graph serait inversé XD (joke)
L'article victimise largement les stations, et je peux le comprendre. Mais en grande majorité, elles contribuent très généreusement au problème. Il serait tant que ca se bouge de ce côté là d'autant que les solutions à l'échelle locale sont loin d'être aussi complexes que les enjeux énergétiques à l'échelle mondiale...
Sinon, on fait comme si on savait pas jusqu'au bout, et quand on est tous au chomage, on pleure comme des lavettes, OUAIS !
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En soit comme le dit larapiette, cela ne change rien car les éléments pris en compte sont toujours les mêmes pour la climatologie.
@Prorider74 Non en météo tu fais pas des moyennes désolé. Tu regardes différents paramètres à un moment donné et tu fais une prévision par rapport à l'état actuel des différents paramètres (pression, courant, température, humidité, rayonnement, vent). Tandis que le climat, tu regardes des moyennes sur différentes années de différents paramètres et tu élabores des scénarios, du pire au moins et tu regardes comment le climat change. De ce fait l'état de l'atmosphère change plus rapidement et est plus instable qu'une moyenne ou une donnée statistique.
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Sur le coup, je suis entièrement d'accord avec ronron, l'évolution de notre climat en Europe est extrêmement dépendant du Golfstream...
Rares sont ceux qui vont s'aventurer à prévoir son évolution, ça relève un peu de la boule de cristal !
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du coup, c'est pas si pire !
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Merci pour cet article qui montre à la fois les conséquences du réchauffement climatique sur un milieu particulier et le fait que mon site préféré de t-shirt n'a pas qu'un cerveau défoncé à la poudreuse. En remerciement si ça vous intéresse, un article sur le changement climatique sur le site que je tiens pour mon amap : amaplescourgettes.eu
Bonne soirée et bon hiver à tous
http://www.amaplescourgettes.eu/agriculture-et-changement-climatique.html
agriculture changement climatique GES protoxyde d'azote méthane élevage amazonie grêle irrigation Bourgogne vignoble bengladesh montée des eaux migrations terrorisme daesh boko-haram syrie niger assurances xyllela fastidiosa olivier pouilles flavescence dorée fièvre catarrhaleConnectez-vous pour laisser un commentaire
Une chose est sûr, comme le dit l'article, notre activité qu'est le ski (sur neige naturelle) est amenée à disparaitre si l'évolution des températures continue dans cette dynamique.
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BOnjour,
Je suis tout à fait conscient du réchauffement climatique.
L'article est intéressant mais incomplet. En effet, les études exposées ne font état que des Alpes, hors ce n'est pas le seul macif que nous avons en France ! Comment le réchauffement s'applique-t-il sur nos Pyrénées ?! Car ces dernières saison (à part la dernière à la limite qui n'était pas très fournis en neige) nous avons battu tous les recors, notamment l'année 2013 ! Et ce ne fut pas la seule puisque la saison suivante était du même ordre !
Je pense que le réchauffement nous ferait ici une saison de neige plus courte mais plus intense ? Dommage que l'article n'en parle pas...
(lci.tf1.fr .
TF1 INFO - Actualités du jour en direct : Actualité en France et à l'International
TF1 INFO, toute l’information des rédactions du groupe TF1. Avec TF1 INFO (TF1 et LCI) suivez l’actualité en direct 7J/7 et 24/24.Nous avouons totalement qu'il est incomplet pour la raison suivante : comme dit en introduction, c'est un compte-rendu de ce qui s'est dit lors du colloque de la FRAPNA, la Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature. Par conséquent, il traitait essentiellement des Alpes du Nord. Cependant en ce qui concerne la France, je peux te garantir que la tendance (au sens augmentation de la T° moyenne et donc remontée de l'iso 0°, modification de la répartition de la faune et la flore, etc.) peut-être généralisée aux autres massifs, Alpes du Sud, Pyrénées, Massif Central, Vosges et Jura.
En ce qui concerne les Pyrénées, je te conseille de lire ce PDF qui traite de leur cas (similaire globalement sur les problèmes liés aux changements climatiques mais avec la particularité territoriale des PY qui est considérée, notamment les secteurs autres que le tourisme avec la problématique de l'eau) : opcc-ctp.org
Source OPCC (Observatoire Pyrénéen du Changement Climatique) : http://www.opcc-ctp.org/
Tu y trouveras des visuels assez proches de ceux utilisés dans l'article Les problématiques globales sont les mêmes... Pour l'enneigement je n'ai pas sous la main de statistique d'enneigement dans les PY telle que celle du col de Porte (en terme de quantité en cm), en revanche il semble clair au vu des études que la durée de l'enneigement est comme tu le dis de plus en plus courte. Je continue de chercher pour voir si c'est vraiment plus intense (et si ça pourrait ainsi limiter en terme de quantité la perte). J'ai juste trouvé ça pour le moment (dimanche soir hein...), d'autres pourront confirmer ou infirmer : "Contrairement aux températures, la variation de la quantité des précipitations est moins évidente. La tendance au cours de ces 50 dernières années est négative, de l’ordre de 28 mm par décennie. Néanmoins, une grande variabilité interannuelle est observée : au cours de ces deux ou trois dernières décennies, les années sèches ont prédominées, avec toutefois la présence de certaines années relativement pluvieuses. Concernant les contrastes territoriaux, la baisse des précipitations annuelles est plus importante sur le versant sud que sur le versant nord, mais ces différences ne sont pas importantes." (Source : opcc-ctp.org
Il faut se méfier aussi des "impressions" et des gros hivers : ils font des records et peuvent permettre de limiter la casse mais la tendance globale doit être observée sur le long terme et là pour le moment, c'est pas très réjouissant...
Accueil
OPCC, Observatoire Pyrénéen du changement climatique, Observatorio Pirenaico del Cambio Climático, Pyrenees Climate Change ObservatoryDe toutes manières ce réchauffement ne peut être que néfaste... En fait, il n'y a pas vraiment besoin d'études pour s'en rendre compte, il suffit de voir la croissance démographique mondiale, l'évolution des technologies... Le point de non retour à était franchie il y a bien longtemps... Maintenant les études peuvent permettre de ralentir tous ces effets et il faut de toute façon y croire car sans neige que la vie serait bien triste !
Depuis petit que j'allais skier dans les Pyrénées, j'ai toujours entendu dire qu'il n'y aurait à court terme plus de neige et que les stations fermerait, comme on le pensait pour Artouste ! Pourtant, la neige est toujours là et les stations aussi !
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J'avais pas vu cet article, les commentaires en 2015 tels que sans Gulf Stream on aurait le climat de Montréal en France m'ont bien fait sourire .
larecherche.fr
issu de ça
ldeo.columbia.edu
Rque . Pour les précipitations, pas de baisse en hiver sur les Alpes Suisses
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( cela dit 3 ou 5 ° de moins ça ferait déja pas mal de changement )
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petite video de la pollution ou pas dans la vallée de l'arve...:
facebook.com
https://www.facebook.com/laurent.valbert?hc_ref=NEWSFEED&fref=nf
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