Stryn : Norvège glacée

Un homme avec une casserole sur la tête et ses pantalons de skis baissés se fait fesser par un autre qui brandit une poignée de branches de saule. Les Finlandais sont dans la place. C?est la veille de Midsummer, presque minuit et il fait encore jour. Nous sommes en Norvège, et ici, au camping de Folven dans la vallée en dessous de Stryn, on appelle ça des ?activités d?après ski?.

Stryn Sommerskifyllet a la réputation, parmi les stations de ski d?été norvégiennes, d?être l?endroit le plus chaud pour la fiesta. La station n?ouvre qu?après que la plupart des autres aient fermé, et surtout après que la route pour y monter ait été dégagée. Longtemps vu comme un rite de passage obligé pour les jeunes skieurs et snowboardeurs nordiques, la simple mention de l?endroit suffit à vous gagner des regards apeurés de la part des non-skieurs plus agés.

Reprise par une jeune équipe de direction après que la précédente ait fait faillite (principalement à cause d?un procès intenté par un skieur blessé), Stryn Sommerskifyllet est toute petite, selon les standards alpins : seulement deux remontées (un télésiège et un téléski) et 550m de dénivelée sur un mélange de glacier et de névé. Mais grâce à sa proximité de la mer, le domaine est continuellement arrosé en hiver, laissant un manteau neigeux assez épais pour y skier jusque tard dans l?été.

Vidéo freestyle sur le glacier (3'40; 12.8Mo)

La station a un snowpark très bien entretenu, avec des kickers assez gros pour attirer autant les rock stars du jib que les freestylers amateurs. Mais ça, à la limite, on a les mêmes à la maison. Le véritable intérêt c?est qu?à quelques minutes de marche des remontées, on a accès à des runs longs, techniques et raides, dignes des Alpes. Comme à La Grave, la plupart de ces runs nécessitent qu?on se fasse remonter par une voiture depuis la vallée, mais ça permet plus de dénivelée que de retourner à la base des remontées. Pour le freerideur, ce terrain surclasse largement les glaciers tout plats qui proposent du ski d?été dans les Alpes.

Ici il y a tous les types de lignes possibles à choisir : des faces bien larges à 35° comme la "SS Norway" qui vous invitent à accélérer, des descentes plus raides comme la "Long Backside", et des trucs carréments extrêmes comme le "couloir Nuke", rarement en conditions. Si vous êtes prêts à mettre les peaux, il y a une infinité de lignes à tracer en laissant une voiture pour la navette.

Ajoutez à cela un paysage de fjords, des randonnées à couper le souffle et le camping de Folven ? géré par la meme équipe que la station ? et vous voilà avec une destination qui mérite le detour.
Le camping est légendaire parmi les cercles de skieurs scandinaves. Peuplé d?un mélange de réfugiés fuyant l?été de Chamonix ou d?Engelberg, de jeunes skieurs venus d?un peu partout en scandinavie, et de l?occasionnel touriste qui se retrouve là par hasard (et qui partira vraisemblablement assez vite) Folven a plus en commun avec un festival de heavy metal qu?avec un camping traditionnel.

La musique jaillit de tous les coins, du trip-hop suédois ici, du Metallica par là; les feux de camps et les barbecues fument. Il y a un mix étourdissant de tipis, de caravanes fatiguées et de tentes de l?armée scandinave ? avec cheminées et poêles à bois. Le camping a aussi des petites maisons basiques à louer, mais ce n?est pas donné. Tout le monde semble toujours avoir une bière à la main et être prêt à vous en offrir une si vous n?en avez pas, ce qui est cool vu les taxes hallucinantes qui se pratiquent ici sur tous les produits alcoolisés. Attendez vous à être témoin d?une débauche de très haut niveau, et si vous pensez que la nuit est faite pour dormir, passez votre chemin.

A quelques pas de là se trouve le Powder Café, un bar grungy qui ne dépareillerait pas dans une station à la mode de chez nous. Les murs sont placardés de posters de freeride, de skis cassés et de prototypes, la foule qui se presse là dedans a la marque du masque et discute des lignes de la journée. De même que dans le camping, et sur la montagne, l?athmosphère est détendue et amicable en même temps qu?excitée. C?est l?été, on n?attend pas la poudreuse et la neige ne sera pas pire plus tard dans la journée, alors personne n?est pressé.

Les forfaits sont chers, presque 300 couronnes norvégiennes la journée (environ 35 euros), mais grâce aux vols à bas prix depuis l'Europe et au camping très bon marché, Stryn reste accessible pour ceux qui ont un budget serré. Si vous cherchez une Mecque de freeride d?été et que vous ne pouvez pas attendre que Las Leñas ouvre (ou que vous ne pouvez pas vous le payer), alors pensez à Stryn pour l?an prochain. Faites juste attention aux finlandais avec une casserole sur la tête?

Texte : Alastair Instone
video : Filip Christensen // Fieldproductions.com (leur teaser sur la page dédiée)
photos : Ole Jürgen Larsen // olisphotography.com et Espen ?Benni? Braaten // Gudd-One.com & Tosk.tk