En ce mois de janvier, nous avons eu l'opportunité d'échanger avec la freestyleuse Suisse et athlète Columbia Sarah Hoefflin juste avant son départ pour les Jeux de Pékin. Nous en avons profité pour parler avec elle de sa préparation pour ces Jeux, où elle s'alignait pour les épreuves de slopestyle et de Big Air, et aborder avec elle ses récents projets. Après deux saisons perturbées par la pandémie, elle a pu explorer d'autres facettes de son ski, et se projeter vers d'autres expériences, à l'instar du développement de son court métrage "Moitié-moitié", sorti au tout début de l'hiver
A 31 ans, Sarah a pris part cette année à ses deuxième Jeux. Une éclosion tardive qui s'explique par un parcours plutôt atypique pour une championne et vainqueur des X Games. Elle n'a pas grandi en montagne, entre deux parents moniteurs ou coachs au club du coin : sa jeunesse, elle l'a passée en Angleterre où elle vit avec sa mère, et effectue ses virages sous le ski dôme de Manchester. Le ski est alors un loisir, direction les études donc. Ce seront les neurosciences : exil au Pays de Galles à l'Université de Cardiff. Pas question pour autant de lâcher les skis, et c'est au cours de ses années étudiantes, à l'aube de la vingtaine qu'elle découvre le ski freestyle. Rapidement et comme une évidence, son talent la conduit vers les compétitions, et à partir de 2014 elle prend part à l'AFP World Tour. A 24 ans, l'ascension se poursuit et elle intègre l'équipe nationale Suisse. Elle continue d'y faire ses gammes, et 3 ans plus tard, c'est la consécration pour celle qui a grandi en Angleterre : elle rafle la médaille d'or des Winter X Games 2018 en Big Air, et la médaille d'or en slopestyle pour sa première participation aux Jeux.
Est-ce que ses victoires ont changé sa vie ?
Assurément, même si la spirale de notoriété qui s'en est suivie a pu sembler déroutante dans un premier temps. Avoir rapporté une médaille d'or de Pyeongchang est un privilège qui vous ouvre indubitablement des portes. Et s'il a fallu s'habituer aux demandes de prises de photos de fans, ou accepter malgré soi d'être reconnue dans la rue, la freestyleuse Suisse a bien pris conscience du porte-voix que lui confère cette nouvelle célébrité. Elle a embrassé son statut de championne afin de défendre les causes qui lui tiennent à coeur, et participe ainsi à des actions en faveur de la défense du climat, de l'inclusion des femmes dans le milieu du sport. Mieux, elle a pu récemment exprimer sa créativité dans un court métrage intitulé "Moitié-moitié" : 3'24 de street ski tournées dans les rues de Leysin la saison passée.
Je regardais beaucoup les vidéos du Line Travelling Circus quand j'étais à l'université et je kiffais beaucoup la bonne vibe des skieurs, qui avaient l'air de s'amuser tout le temps sur leurs skis. ca a nourri mon envie de skier et de m'amuser dans mon ski. C'est surtout en s'amusant qu'on développe son propre style.
Ce premier projet video aura été minutieusement préparé : il trottait en effet dans la tête de Sarah et Rogue Otter Studios depuis l'été précédent, et a nécessité 12 mois de planification et 11 jours de tournage. Un tournage qui aura mis à contribution une bonne partie de la station de Leysin et de ses habitants. Routes coupées, neige déplacée, habitants recrutés en tant que figurants : une agitation qui n'a pas déplu aux locaux qui se sont prêtés au jeu de bon coeur afin de mettre leur commune à l'honneur sur les segments de Sarah.
Au final, les habitants de Leysin étaient à fond et nous ont énormément soutenus et aidés pendant le tournage. Les gens venaient nous aider à pousser la neige, ils nous emmenaient des bières, des bénévoles "extra" ont marché dans le froid pendant des heures pour faire partie de notre film. C'était vraiment une semaine magique qui a rapproché toute une communauté et on s'est vraiment sentis comme à la maison.
En définitive, Moitié-moitié relève le défi de s'adresser à la fois à l'univers du freestyle, en proposant un clin d'oeil au segment de JP Auclair dans All.I.Can, tout en touchant un public moins "core", moins « die-hards du ski freestyle » comme le dit elle-même Sarah. Au final, cette première expérience aura été vécue comme une belle aventure, mais l'investissement en temps demandé, et le stress généré font qu'on ne devrait pas la revoir tout de suite à la manoeuvre d'un tel projet tant qu'elle mènera de front sa carrière de compétitrice. Elle ne se voit pas pour autant disparaître des projets videos, mais préfère s'investir dans les projets d'autres riders afin de rester focus sur ses objectifs sportifs.
J'aimerais vraiment refaire des projets dans le futur, mais en réalisant le temps que ça prend et le stress que ça rajoute à une saison déjà super chargée avec des compétitions, je pense plutôt attendre une année un peu plus calme ou je pourrais me permettre de rater quelques contests pour refaire ce genre de projet
Malgré des dernières saisons perturbées par les incertitudes liées à la pandémie, Sarah n'en n'a pas moins gardé sa motivation pour cette nouvelle échéance aux Jeux. Après tout, pourquoi s'inquiéter : son premier rendez-vous avec l'épreuve ne s'était pas si mal passé ? Elle avait passé ces derniers mois à skier autant qu'elle pouvait, et s'était entourée d'un préparateur mental afin d'appréhender au mieux le stress des compétitions. Sa plus grande crainte avant l'épreuve ? Attraper le covid qui l'aurait empêché de s'exprimer à Pékin.
Pour sa seconde participation aux Jeux, à 31 ans, Sarah n'aura pas eu l'occasion de réaliser le doublé en slopestyle après son titre de 2018 : vingtième des qualifications, elle n'aura pas pu s'exprimer en finale pour défendre son titre. Pour autant, c'est bel et bien l'hymne de la Suisse qui aura retenti au moment de la remise des médailles, puisque c'est sa compatriote Mathilde Grémaud, 22 ans qui remporte l'or : la relève semble bien assurée. C'est finalement sur l'épreuve de big air que Sarah aura réussi à montrer au mieux son talent à Pékin, puisqu'elle se classe 6ème à l'issue de la finale, sur une épreuve, où comme elle le dit elle-même :
J'ai quasiment 14 ans de plus que certaines des filles en lice, et je suis plutôt fière de mes figures de mamie, même si elles ne m'ont pas permis de monter sur le podium
A 31 ans, elle ne pense toujours pas à arrêter la compétition, et envisage de poursuivre sa belle longévité sur les circuits encore un peu plus loin. Son envie de repousser les limites de sa zone de confort n'est pas encore prête de s'étioler. On espère la voir encore sur les prochains podiums des compétitions à venir, et devant les caméras de futurs beaux projets vidéo.
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