Putain? 10 ans !
Début janvier 1995, je débarque au petit matin à la gare de Briançon avant de prendre un taxi qui doit m?emmener dans ce petit village uissans dont j?ai tant entendu parler depuis ma Normandie natale. Didi Haase, Snowlegend, et la découverte d?un lieu magique, début d?une relation amoureuse qui ne s?est jamais émoussée au fil des ans?
Ooohh, bien sûr, je n?ai pas toujours été un amant fidèle et certaines années je n?ai même pas mis une spatule dans les Vallons, que la Reine Meije daigne me pardonner !
Samedi 17 décembre 2005, jour d?ouverture officielle du téléphérique des Glaciers de la Meije? j?y serai sûrement avec, entre autres, mon ami helvète et gourou, Thomas !
Entre ces deux dates, combien de descentes endiablées, combien d?itinéraires découverts, combien de moments forts partagés avec mes potes de ride, combien de soirées à ressasser ces journées mémorables ?
Il y a cinq ans, à l?occasion d?un concours organisé par Skipass, j?avais écrit un texte sur ma « première journée au paradis », en fait ma troisième journée à la Grave mais véritablement la première journée où j?ai découvert la magie du site.
Mais pourquoi parler de la Grave alors que tout a déjà été dit et que, moi le premier, je me plains d?une publicité trop importante pour cet espace relativement protégé, mais pour combien de temps encore ?
Bonne question ! Le fait est que les exégètes et autres thuriféraires de la Grave ne sont pas à une contradiction près !
Et force est d?admettre que, sans la présence des nombreux touristes, l?exploitation du téléphérique aurait peut-être déjà cessé !
De toute façon, « l?âge d?or » de la Grave est bel et bien derrière nous ; déjà, en 1994, Bertrand Boone, photographe installé depuis de nombreuses années au pays de la Meije, publiait ses photos dans une revue spécialisée de snowboard et déclarait : « si je fais passer mes photos, c'est que je sais que c'est fini? »
Bien sûr, beaucoup de choses ont changé là-haut, depuis ces dernières années : de plus en plus de monde fréquente le site, les itinéraires autrefois vierges plusieurs jours après une chute de neige sont tracés dans la journée, un télésiège a été installé en cas de pénurie de neige empêchant de rejoindre P1?
Sur un plan plus personnel et affectif, Heps, la mascotte de la Grave n?est plus de ce monde, paix à son âme ; Paulo, la légende, lassé par la fréquentation du site, a quitté son terrain de jeu favori et est parti vers quelque destination moins surpeuplée.
Voilà, j?espère que cette saison 2006 sera un excellent millésime (le cru 2005 était un rien bouchonné ;-) !) et nous apportera son lot d?émotions fortes, de grosses journées de poudreuse entre amis et de soirées non moins épiques J !
Alors, rendez-vous au pays de la Meije, le samedi 17 décembre 2005, à neuf heures pétantes !
Sept heures du mat?, je réveille Samuel, endormi en bonne compagnie, pour lui annoncer que le col du Lautaret est enfin dégagé.
Il embrasse précipitamment sa conquête d?un soir puis nous dévalons 4 à 4 les marches menant au rez-de-chaussée. Nous quittons le bâtiment de l?UCPA, le sourire aux lèvres, peut-être pas pour les mêmes raisons (sacré Samuel, va !).
Ça y est nous sommes dans la BX de Sam sur la route de Briançon à Grenoble.
Nous n?échangeons aucun mot jusqu?au col, nous concentrant : moi sur le décor magnifique du parc des Écrins, Sam sur la conduite « sport » de sa bagnole sans chaînes ! Nous risquons plusieurs fois de sortir de la route, mais Sam, en bon pilote qu?il est, maîtrise parfaitement ses trajectoires. Peut-être anticipe-t-il déjà celles qu?il tracera dans quelques minutes dans les Vallons?
Déjà la descente sur Villar d?Arène puis enfin la Grave après seulement trois quarts d?heure de route, belle perf? dans de telles conditions. Nous filons fissa cueillir le p?tit déj? qui nous attend à l?auberge Edelweiss. Didi est déjà là avec les autres stagiaires, tout hilare de nous voir : « Alors, les mecs, z?avez bien dormi » nous adresse-t-il le sourire en coin.
Après le déjeuner englouti en quatrième vitesse, nous traçons au pas de course en direction du téléféerique. Il est à peine neuf heures, mais les locaux sont déjà présents, limite nerveux : Paulo, Boone, Coco, Kafi, les Moranval et tout le gratin gravarot.
Les premières bennes arrivent déjà et là c?est l?hallu : les locaux, normalement peu enclins à sauter dans la première cabine, s?y ruent précipitamment. Il nous faut faire le forcing pour trouver une place et ne pas rater la jonction à 2400.
Nous sommes finalement installés, Didi et les quatre stagiaires Snowlegend, dans la troisième en compagnie d?un photographe américain complètement barge , spécialiste des monstres sauts de barres.
Arrivés à l?intermédiaire, la tension se fait sentir de plus en plus : qui fera la première trace dans les Vallons ? Combien a-t-il bien pu tomber exactement ?
Tout le monde déconne, mais chacun sait que la journée va être des plus éprouvantes.
Les gondoles arrivent et là, c?est carrément le délire, les locaux ont presque l?écume aux lèvres, c?est toute une histoire pour retrouver une place?
Le dernier tronçon me semble interminable, nous sommes tous plus excités les uns que les autres, Didi commence à hurler en découvrant les pentes enneigées : il est vraiment tombé énorme. Enfin, aux Ruillans, les portes s?ouvrent et nous apercevons déjà les premiers qui sortent en courant de la première benne : Kafi, suivi de Francky, Junior, Boone et Coco.
Seul Paulo semble indifférent à toute cette agitation, c?est qu?il a dû en voir d?autres, le Paulo, dans les couloirs du Râteau.
Nous sortons de la gare, nos planches sous le bras, alors que déjà les premiers doivent faire leurs traces dans le mur des Vallons, on peut les imaginer, avec leur Swell Panik, à mach 2 dans un mètre de poudre.
Je bénis les dieux d?avoir des step-in aujourd?hui, mais je vais vite regretter de ne pas avoir de swallow.
Je finis à peine de chausser que Didi est déjà parti comme une fusée, je gueule à Sam « On prend Chancel ! », pensant faire les premières traces sur cet itinéraire. Je fonce à gauche, croyant que les autres me suivent. La neige est incroyable ; je suis presque obligé de tirer tout droit pour ne pas m?enfoncer avec cette maudite planche à la con !
En me retournant au bout d?une cinquantaine de mètres, je m?aperçois, horreur, que je suis tout seul !
Et dans ces journées mémorables à la Grave, il faut savoir qu?on passe son temps à essayer de retrouver ses potes entre chaque rotation?
Je me fais une raison, pensant les rattraper à P1, il me faut donc tracer au plus vite. J?enchaîne des grandes courbes dans la neige immaculée, en pensant que j?ai vraiment une chance de dingue.
Le bruit de ma planche effleurant la neige est somptueux, j?ai l?impression de rêver quand je me rends compte que j?arrive aux couloirs du Lac. Banane ou Patou ? Allez, va pour Banane, même si je dois marcher après. J?arrive comme une brute en haut du couloir, c?est trop facile, ça ne peut pas durer. Après deux, trois virages sans problème, je suis déjà asphyxié.
Je m?arrête, je ne suis qu?au début du truc, reste encore une centaine de mètres. Je négocie beaucoup moins bien le reste du couloir, c?est limite passage en force, mais quelle neige, nom de Dieu !
Je manque de me mettre une boîte magistrale dans les derniers virages quand je décide de planter un straight pour m?éviter le plus possible de marcher sur le replat. Et alors là, j?ai pas compris : je sens que je ne maîtrise plus ma board, une seconde après je me mange un vol énorme dans la poudreuse, machine à laver dans le grand blanc. Après quelques roulades peu esthétiques, je me relève tout blanc, de la neige dans mon falzar, je vérifie que mon masque est toujours vissé à mon bonnet, ouf !
Première grosse gamelle de la journée?
Je passe les dix minutes suivantes à m?enfoncer dans la neige qui mène à la sortie du lac de Puy Vachier ; pestant contre ma planche ridicule de 164cm et maudissant mes collègues de m?avoir laissé filer tout seul. A ce rythme-là, c?est sûr qu?ils seront déjà repartis dans les Vallons quand j?arriverai à P1.
La traversée qui mène à P1 ne se passe pas sans mal, peu habitué que je suis à une telle neige dans ce passage, je me retrouve plusieurs fois à faire le sous-marin dans la forêt en essayant de déclencher quelque hypothétique virage.
Après ce qui me semble être une éternité, j?atteins enfin le 1er tronçon. Je m?engouffre vite fait dans les cabines presque vides en cette saison et essaie de reprendre mon souffle. Après l?intermédiaire, je commence à scruter les pentes sur la gauche. J?aperçois des gonzes qui allument comme des tarés sur leur swallow, je reconnais la bande de Serre Che à leur style inimitable et puis je vois une fusée débouler de Trifide, un nuage blanc derrière elle, c?est Paulo qui tire tout droit pour échapper à une coulée, impressionnant le garçon !
Avant d?arriver en haut, j?ai le temps de voir mes camarades débouler dans les Vallons, c?est clair que je ne les rattraperai pas si je ne mets pas le paquet.
Je sors de la benne comme une furie, j?enclenche mes step-in et hop tout droit dans le mur : je m?aperçois qu?il y a déjà eu du passage par ici et décide de me rapprocher de l?éperon rocheux qui me sépare des Trifides, dans la ligne de plus grande pente. Je veux aller au plus vite mais j?enfourne lamentablement au bout d?une centaine de mètres. Et là, re belote, machine à laver et tout et tout?
Je m?assois sur le cul légèrement secoué, bonhomme de neige que je suis : vraiment faudrait que je pense à m?acheter une autre planche !
Je me relève difficilement et je croise un télémarkeur envoyant des courbes monstrueuses : sûrement un suédois de la Chaumine.
Je pense un instant à prendre au-dessus pour taper la traversée jusqu?à l?intermédiaire mais je me rends compte qu?avec ce qu?il est tombé, ça ne passera jamais, surtout en snow. Je descends donc comme je peux, sans trop mettre le poids vers l?avant, j?évite deux ou trois gaufres dans cette peuf super profonde quand je réalise qu?il va falloir que je prenne tout droit pour passer le petit « col » situé plus bas. Trop tard, je n?ai déjà plus assez d?élan, je m?arrête comme une merde à vingt mètres du passage : trop dur !
Pendant que je rame avec ma board au pied, un surfeur déboule avec une planche de freeride, pas de doute possible c?est Jason (Schultz), un mec fort, très fort?
A nouveau la traversée dans la forêt pour rejoindre P1, mais cette fois, c?est en frontside et je m?en sors beaucoup mieux. J?arrive à P1 sur les rotules tandis que mes collègues dans les bennes gueulent en me voyant descendre les derniers mètres. Putain, je les ai ratés de peu !
Je remonte donc dans les ?ufs pour la troisième fois. Arrivé en haut, option Chancel, persuadé que je ne rattraperai jamais les autres et puis la première rotation m?a vraiment trop plu.
Je commence donc à descendre à donf dans Chancel, pas encore trop tracé (décidément les gens bloquent trop sur les Vallons), quelques grandes courbes vers la gauche et puis je sens des machins qui grattent ma spatule : je me rendrai compte plus tard que Chancel est en fait une véritable plantation de cailloux, de quoi ruiner une planche facile !
Deux, trois accrocs par-ci, par-là, mais c?est pas ça qui va m?arrêter.
Non, c?est autre chose : subitement, ma planche se bloque net sur une pointe invisible et je pars la tête la première dans la poudre. Re-grosse boîte.
Là, je réalise que j?ai fait une connerie?
Je ne suis pas trop loin du refuge : je constaterai les dégâts plus tard.
Refuge Évariste Chancel, 2400m, accueil de Heps, le chien le plus heureux de l?Oisans, puis de Daniel et Annie, les cordons bleus.
Pendant qu?Annie me prépare une bonne omelette des familles, Daniel regarde ma semelle avec circonspection. Horreur, elle est toute déchirée et un caillou acéré a réussi à traverser le noyau de part en part !
Impassible, le berger sort son opinel et commence à arracher les copeaux de semelle de ma planche. Et dire, qu?elle était toute neuve à l?orée de cette folle semaine !
Après un somptueux déjeuner et un p?tit génépy « pour la route », un peu réchauffé, je repartais pour deux rotations supplémentaires toutes aussi merveilleuses que les trois précédentes.
Bilan de cette journée de rêve : des souvenirs inoubliables dans un cadre magnifique et une planche foutue. Mais qu?importe, après tout, ce jour là, si le paradis existait, il est bien possible qu?il fut là, au c?ur des glaciers de la Meije et du Râteau.
Texte : Mathieu "The Dude" Morin
Photos : Benoît "D'la fraîche" Tellier (sauf indications)
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Su-per-be...
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Mais y faut pas faire une pub pareille sinon il y aura encore plus de monde.
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On t'avais bien dit de laisser ta 164 à la maison !!!!
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ca donne vraiment envie
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