ITW croisé Marie Martinod et Anaïs Caradeux

Il y a quelques mois de cela, dans un coin du salon de l'hôtel Diva, pendant les X Games, nous mettions face à face Anais Caradeux et Marie Martinod. Les deux skieuses qui auront peut-être la chance de représenter la France aux JO de Sochi en Février prochain, nous offrent un intéressant tête à tête sans langue de bois. Dans cet échange, nous abordons le retour au haut niveau de la jeune maman. De quel oeil est-il perçu par la compétitrice bien rodée qu'est Anais ? Avec franchise, elles donnent leur avis sur leur façon de skier respective et en viennent à discuter de leur ojbectif commun mais encore incertain : les prochains Jeux Olympiques. En effet, bien que les équipes de France de superpipe et slopestyle aient été annoncées dernièrement, la sélection Française pour les JO n'est pas encore définitive. Vers la fin de l'année, seulement, nous connaitrons les noms des athlètes qui porteront les couleurs de la France à Sochi. Notez au passage que cet interview s'est déroulé deux jours avant la finale du superpipe feminin des X Games Tignes où L'ainée Marie prend l'or devant sa cadette, Anais, médaillée d'argent. Belle Coincidence ! Les deux françaises, rivales avant de dropper en haut du pipe, partagent au final des choses à commencer par les plus hautes marches du podium...

- Vous êtes toutes les deux en équipe de France, est-ce que vous vous entrainez ensemble ou chacune votre côté ?
Anais Caradeux : Ce n'est pas qu'on s'entraine chacune de notre côté, c'est plutôt qu'on a deux univers différents et deux coaches différents.
Marie Martinod : Anais vit beaucoup aux US et moi j'y passe pas trop de temps sauf pour les compétitions. On ne se voit pas beaucoup, on s'entraine très peu ensemble au final.
Anais Caradeux : Ce n'est pas un choix délibéré, ça s'est fait de cette manière...
Marie Martinod : Peut-être que si je n'avais pas arrêté de skier, ça se serait passé différemment. Moi je n'étais plus là, elle a fait sa vie de son côté aux US…

- Marie, c'est vrai que tu as arrêté de skier pendant un moment, c'était quand la dernière fois que tu as fait les X Games ?
Marie Martinod : Aïe ! (rires) Joker ! Deux mile euh… 2006 ou 2005.

- Tu avais déjà fait un podium aux X…
Marie Martinod : Oui ça devait être en 2005, l'année avant que j'arrête et j'avais fait les global X Games, c'était un concept différent, une compet' par continent et ils avaient regroupé les X Games d'hiver et d'été. Il y avait donc une épreuve de ski, de bike, de moto… 

- Toi, t'étais toute petite Anais à l'époque quand Marie était aux X. Tu la regardais ? Ca t'inspirait ?
Anais Caradeux : J'ai commencé en 2005, donc l'année avant que Marie arrête. On a fait une compétition ensemble, c'est celle où nous avons été toutes les trois ensemble sur le podium avec Virginie Faivre. J'étais impressionnée : Waouh ces filles je les vois à la télé ou dans les vidéos comme le film Snowhite (ndlr : le projet de film que Virginie et Marie avaient monté ensemble) et je me retrouve sur le podium avec elles. C'était deux idoles, j'osais à peine leur parler…
Marie Martinod : On ne dirait pas mais elle est toute jeune Anais (rires) ! 21, 22 ?
Anais Caradeux : 22 ans !

- Et toi Marie ?
Marie Martinod : 28 bientôt 29…

- En plus, tu es une jeune maman, ce n'est pas trop dur de concilier ta petite fille et le ski ? Comment tu gères ça ?
Marie Martinod : Non, ça se passe super bien. Elle est assez grande pour que ce ne soit pas compliqué au niveau de l'intendance et elle est encore assez petite pour que ce ne soit pas compliqué au niveau de l'école. Ca se goupille bien, elle est gentille et facile à vivre. Faut pas de poser de question, tu testes, si ça ne se passe pas bien après tu avises. On est parti en se disant on essaye. De toute façon, je pense que je n'aurais jamais été capable de faire tout ça sans avoir Max et Mélirose à mes côtés. Ils sont devenus ma vie, j'avais arrêté de skier définitivement donc sans ma fille et mon mec à côté ce n'était même pas envisageable que je re-skie. Partir un mois ou deux aux US sans eux, ça aurait été invivable… 

- Toi Anais, avant de devenir maman, tu veux plutôt aller chercher l'or qui t'échappe… Avec ta deuxième place aux championnats du monde, tu t'en rapproches ?
Anais Caradeux : Oui, on n'est plus si loin mais rien n'est acquis. Les filles skient super bien, il faut toujours se remettre en question et travailler deux fois plus à chaque fois pour arriver au plus haut. J'espère donner le meilleur de moi-même et que ça paye. Après ce sont les juges qui décident !

- Pendant longtemps tu as été la seule française dans le pipe sur toutes les compétitions, est-ce que Marie est devenue une rivale supplémentaire ?
Anais Caradeux : C'est un sport individuel donc nous sommes toutes rivales en haut du pipe au moment de dropper. Je pense que c'est pourquoi le sport évolue et le niveau progresse. Après, on a la chance d'être un groupe de filles assez soudé et savoir mettre de côté cette rivalité indispensable pour le sport en faveur de l'amitié. Marie je la vois plutôt comme…
Marie Martinod : Une vieille maman ! (rires)
Anais Caradeux : Une rival'amie (rires). Non je ne la vois pas comme une maman mais comme une copine, comme Roz Groenewoud comme Dania Assaly comme les autres filles...

- Qu'est-ce que vous pensez du ski l'une de l'autre ?
Marie Martinod : C'est une bonne question… Je pense qu'Anais est super douée et qu'elle pourrait faire des trucs de "ouf" mais elle domine sur ses acquis. (S'adressant à Anais) désolée j'y vais fort mais c'est bien que tu l'entendes. Elle vit vraiment sur ses acquis alors qu'elle a un gros potentiel, du bon ski dans les pattes, elle n'a pas peur de se mettre des gros airs... Etant donné qu'elle n'a que 22 ans, elle a encore des belles années devant elle. Je ne lui jette pas la pierre mais je pense qu'elle est capable de faire des runs avec plus de technicité. (elle se retourne vers Anais) Et tu vas les faire ! Elle est en train de voir qu'elle est peut être devant mais que ça ne tient à pas grand chose et les minettes qui arrivent derrière elles tournent dans tous les sens. Il ne faut pas s'endormir, il faut se mettre en danger. Je me souviens d'une année où Sarah Burke elle s'était dit qu'il fallait qu'elle mette la tête en bas, elle a galéré tout l'hiver, elle finissait 5 ou 6 à toutes les compétitions. Ca ne passait pas. Elle avait envie de passer un cran au dessus. L'hiver suivant son run rentrait et elle dominait tout le monde. Anais elle est douée maintenant il faut qu'elle prenne plus de risques.

- Et toi Anais, qu'est ce que tu penses de Marie ?
Anais Caradeux : Marie m'a beaucoup impressionné sur son retour. Elle est revenue très fort, très vite. Elle a tout de suite su mettre des grabs, retrouver ses acquis des années passées et rajouter en plus de la difficulté avec des nouveaux tricks. (S'adressant à Marie) je ne sais pas si tu savais faire des flairs avant ?
Marie Martinod : Je l'avais posé quand j'avais fait 3ème aux X à Aspen mais j'en avais fait très peu. J'ai plus galéré à apprendre à tourner à droite par exemple.
Anais Caradeux : Comme elle disait, elle a réussi à se mettre en danger et en le faisant intelligemment. Elle en a surpris plus d'une !
Marie Martinod : Ah oui c'est vrai ?
Anais Caradeux : Oui, tu sais ça faisait quelques années que tu étais partie. Les filles aujourd'hui elles ne t'ont pas forcément connue. Quand elles entendent qu'une maman de 28 ans revient dans le pipe… Personne au début n'avait misé sur toi. Moi, je te connaissais je savais que tu pouvais revenir fort mais ce n'était pas l'avis de tout le monde. Te voir envoyer des 900, des unat 540, avec de la hauteur, des grabs et le style que tu as toujours eu et tout ça en quelques mois : chapeau l'artiste !
Marie Martinod : (Touchée) oh c'est gentil… Ca vient de la motivation ! Après avoir arrêté, quand tu reviens, t'as super envie, t'as moins d'usure, moins de fatigue. Toi ça fait 5 ou 6 saisons que tu enchaines les compet', voyage sur voyage… Moi c'était comme quelque chose de tout neuf mais en même temps que je connais. Et les gens qui croient en toi, ils te donnent tellement d'amour que t'as envie de leur rendre tout ça. J'ai peur mais j'y vais quand même. J'ai rien à perdre par rapport à une plus jeune qui a des contrats sur du long terme, moi c'est un peu comme du bonus cette deuxième carrière.
Anais Caradeux : Moi, je ne sais pas ce que je vais faire après le ski alors que Marie elle a déjà une vie en dehors du ski et je ne l'ai pas encore. Je me dis que si demain je me blesse, j'ai rien...

- J'imagine que votre objectif à toutes les deux c'est les JO, vous avez envie d'y aller ?
Anais et Marie (en choeur) : Ah ouais ! Bien sûr qu'on aimerait bien y aller !

- C'est quoi "l'après JO" ? Vous allez continuer à skier ?
Marie Martinod : Avec Anais on n'a pas le même âge, j'espère bien qu'elle a envie d'en faire plusieurs ! Moi je pense que clairement ça ne sera pas possible…Il faut voir ce que l'avenir te réserve. Je pars du principe que si j'ai la chance d'être qualifiée et de ne pas me blesser, il y a de grandes chances que ce soit les seuls ! C'est déjà énorme d'y aller une fois… Même d'être aux X Games, c'est magique ! Je prends comme ça vient, je me stresse pas si ça vient pas. Comme le dit Anais ma vie elle est déjà un peu faite, j'ai une famille aimante, une petite fille qui grandit et qui commence à skier. Ca dur, ça dure pas, je vais juste le faire intelligemment et satisfaire les sponsors qui ont cru en moi au début de la saison. 

- Et toi Anais les JO ?
Anais Caradeux : J'ai clairement l'objectif d'en faire au minimum deux. Trois peut-être… Je me suis donnée jusqu'à mes 30 ans pour vivre ce que j'ai à vivre dans ce sport et prendre toutes les opportunités qui me sont offertes. Donc objectif Sochi et objectif Corée du Sud ! Je ne dis pas que j'irais mais c'est dans ma tête !
Marie Martinod : C'est compliqué à dealer avec ça, dans certains pays les sélections pour les JO sont vraiment définies, c'est telles et telles compétitions, des critères hyper-précis et nous les français on ne sait pas trop… On n'a pas beaucoup de retour. Tu fais au mieux pour faire des points, pour être bien classée... (S'adressant à Anais) tu sais toi quand on va nous dire si on est sélectionné ?
Anais Caradeux : 10 jours avant les JO (rires)
Marie Martinod : Il y a des chances que l'on nous le dise très peu de temps avant…
Anais Caradeux : Puis c'est JO ! Le peu d'athlète avec lesquels j'ai parlé et qui ont déjà fait les JO, ils m'ont dit t'auras beau te préparer tant que tu voudras, tant que tu n'y seras pas, tu ne sais pas à quoi t'attendre ! C'est une autre expérience, une autre mentalité, un autre feeling… Et le fait de ne pas savoir, on ne peut pas se dire : J'ai ma place aux JO, j'arrive le plus en forme possible, avec tous mes tricks dans le sac à dos et hop j'y vais, la route est droite, la porte elle est au bout. Là on peut te dire 10 jours avant : Ciao aurevoir.

- La route vers les JO, elle n'est pas encore toute tracée ?
Marie Martinod : C'est ça…
Anais Caradeux : Je ne sais pas, on verra. Après les JO, on te dira si c'était une bonne chose ou pas.

On fera une nouvelle interview toutes les trois l'année prochaine…
Marie Martinod : A la même époque l'année prochaine, si on y est allé, on sera fixé !