Interview David Lacote/PVS

A 27 ans, David Lacote est un ancien combattant du ski. Il y a laissé sa jeunesse, des morceaux d'os et de ligaments, sacrifié rotules et clavicules. Le corps en miettes, il n'en a pourtant pas fini avec le freestyle puisqu'il co-crée SVP rebaptisée PVS Production, qui délivre son opus annuel 100% frenchie. Face aux éléphants nord-américains, les petits Français ont installé une vraie personnalité dans le film de ski à base de maisons abandonnées et de scènes de fiction léchées. La preuve que ça marche ? Il filme en RED, et ça, c'est la classe.   

David Lacote à l'époque où il était rider pro... et où le shape des pipes n'en était qu'aux balbutiements. 

-Tu nous fais la petite biographie ? 

-Je suis né à Dieppe que j'ai quitté pour Combloux à l'âge de 4 ans. J'ai commencé par le ski de bosses pour rejoindre à 15 ans le club des sports de Megève. J'ai rapidement dérivé vers le freestyle parce que je trouvais que les bosses devenaient une vraie dictature. Du coup je suis parti à la Plagne me faire coacher par Greg Guénet l'année suivante. Je commence la saison en étant avant-dernier et je fini vice-champion de France. Je suis rentré dans le groupe fédé freestyle avec Fabien Cattanéo. Tout va bien et là, j'ai mon premier accident en skate : je m'arrache tous les ligaments de la cheville, je me retourne la cheville à 70° avec les deux malléoles qui sautent avec en plus une fracture ouverte du péroné. Ca faisait bizarre, j'ai vu mes deux potes pousser un énorme cri. Je n'ai pas eu le réflexe de m'évanouir, j'ai pris ma cheveille j'ai tout remis en place et là seulement je suis tombé dans les vaps. 9 mois après et une lourde réeducation, j'étais de retour sur les skis. 

-Laisses-moi deviner la suite...

-Je retrouve mon niveau, je skie bien et à la première Coupe du monde aux Contamines, je me pète le genou aux entrainements de finales. Et c'est reparti pour la réeducation. Et c'est pas fini : je me suis ensuite pété le genou, la clavicule avant les premiers Championnats du monde junior. Bref, dans tous les grands rendez-vous, je me cassais un truc. A 21 ans, j'ai ralenti et je me suis lancé dans autre chose : la production vidéo. J'ai crée SVP production avec Antoine Frioux, Arnaud Kugener, Vincent Estorc et Richard Permin. J'avais encore des contrats de skieur chez Peak Performance et Fischer, je m'en suis servi pour financer le film, j'avais un petit fixe, je ne faisais plus de compet et je poussais sur la boite de prod. 

-Là commence donc ta deuxième vie de réalisateur ?

-Réalisateur, c'est un grand mot (rires), je n'avais pas fait d'étude, je n'avais pas de connaissance de la caméra. Mes parents m'avaient acheté une petite cam à 16 ans, et après avoir crée SVP, j'ai bossé sur des chantiers pour me payer une Sony SX1. Imothep, premier film. A la base, SVP n'était pas axé business, nous étions une association dont le but était de rassembler notre génération de freestylers et d'en faire la promotion dans des DVD. Nous n'avions pas de grande ambition, le DVD était encarté dans Skieur Mag. 

-Il y avait déjà de grands noms dans la prod vidéo de ski ?

-En France, il y avait Candide, l'exemple que tout le monde suivait, et Level One, Poor Boyz, toutes les grosses prod étaient déjà en place. Candide s'auto-promotionnait et il n'y avait rien pour les jeunes qui poussaient derrière, ceux nés entre les années 82 à 89, c'est devenu le but de SVP... avec zéro moyen de promotion. 

-Votre deuxième film, c'est Alliance.

-C'était un pas en avant pour nous ! Antoine Frioux a pu être salarié tout l'hiver par l'association. On s'est mis en partenariat avec W Prod (Lionel Géhin), pour que notre film soit distribué avec un minimum de communication autour. 

-Comment avez-vous appris à tourner de l'image de ski, à produire un film, à monter, à vendre ? 

-On a été autodidactes ! Personne ne connaissait les phases d'écriture, de réalisation, de commercialisation. A force de passer du temps, c'est venu. Ensuite pour Mad In France, on a prix Alex, un cadreur de Chamonix, pour avoir une équipe plus grande et investit dans une deuxième caméra. On a réfléchi à un scénario qui se passe dans un asile. Les endroits désaffectés, ça a du cachet et ça ne coute rien, on est retourné dans ces milieux parce qu'on a pas besoin d'autorisation de tournage, de location, c'est purement financier ! Ensuite, on crée l'histoire autour du lieu. 

Pour Mad in France, le but était d'amener quelque chose de plus que les films de ski. On ne faisait et on ne fait toujours pas le poids face à une boite américaine. Il y a des productions dans tous les sens, pour moi le futur d'une prod de ski est de taper dans l'originalité, une certaine alchimie entre scénario et mise en scène.

Pour ce film, on s'est imposé une contrainte : ce n'est pas un film fictionnel ni un film de ski à 100%, on a mixé, on voulait conserver le principes des segments par riders, c'est essentiel pour la promotion du rider. Si tu écris un film de fiction, il faut faire abstraction de cela. On voulait amener une intrigue et un truc ludique pour ceux qui ont vu des milliers de films de ski, mais on n'est jamais rentrés trop fort dans le scénar. 

-Réaliser un film demande énormément de boulot, vous pouvez y consacrer 100% de votre temps ?

-Oh que oui ! Ca demande du temps, des restrictions... J'ai crée SVP en 2006, j'ai commencé à en vivre en 2010 : cinq ans à travailler non stop pour se sortir un salaire. Après Mad In France, on a changé l'association en SARL et modifié le nom car une association de management avait porté plainte. Nous changeons aussi notre but, qui est de faire du business, on a donc développé l'aspect commercial. Aujourd'hui je vais taper à la porte de pas mal de marques, je présente un dossier avec 20/25 noms sur lesquels ont va construire le film. Je pars en négociation avec les marques pour leur expliquer ce que je peux leur amener. Les marques n'investissent pas seulement dans un film, elle récupèrent aussi le contenu pour leur promotion. C'est un fonctionnement qui est dur à mettre en place, on bosse beaucoup avec des marques hors du monde du ski également (nous étions avec Swarowski par exemple il y a trois semaines. Le hors-ski représente 40% de notre activité), mais toujours dans la prod vidéo.

Maintenant, c'est mon boulot de commencer à travailler un accès grand média : on va proposer un scénario de court-métrage pour amener au grand public du ski freestyle, alors que jusqu'à maintenant, on a travaillé dans la communauté ski, pour la communauté ski. Notre but est de faire grandir cela en intéressant un diffuseur télé, ce sera donc plus fictionnel que ce qu'on fait aujourd'hui. On s'appuie sur notre légitimité ski, en vidéo, quand tu arrives à avoir un seuil de crédibilité, avec les contacts qui vont avec, tu peux avancer. 

-Le matos évolue très vite, aujourd'hui du matériel pro est disponible pour pas très cher ? Comment faire la différence ?

-Il y a encore 10 ans, il fallait un bureau de post-prod, numériser les bandes si tu filmais en 16 mm, toute une chaine de production coûteuse. Aujourd'hui avec une petite caméra, un ordi et internet, si tu as un minimum de créativité, tu peux faire quelque chose qui a de la gueule. En plus la vidéo est devenu l'un des moyens de communication les plus sûrs, avec un retour immédiatement quantifiable. Quand tu paye une pub papier, tu ne sais pas vraiment combien de personnes ont été touchées, alors qu'une vidéo zapiks, tu vois tout de suite le nombre de vues, avec les commentaires tu peux jauger un public. C'est purement générationnel, tous les jeunes vivent là-dedans, ils ne veulent plus lire mais se plonger dans les images.

-La post-prod, comme les effets visuels, prend énormément de place dans la réalisation d'un film ?

-On a investi dans une caméra Red l'hiver dernier, ce sont de gros coûts, surtout en post-prod, car chaque image est longue à traiter. Avec une image de Red, tu peux venir modéliser comme tu le souhaites, ce que tu ne peux pas faire avec 5D. Ca nécessite un Mac à 6000 euros avec des processeurs de fou pour tenir le rythme. Ca allonge automatiquement le temps de post-prod. Nous visons une image avec un piqué intéressant, un profil cinéma, des caméras de type RED sont obligatoires. En résumé, nous sommes toujours dans le numérique mais dans une post-prod d'un autre niveau, un niveau intermédiaire entre le 5D monté sur ton portable et la chaine de production cinéma professionnelle. 

-Comment évolue la qualité de l'image proprement dite ? 

-Elle passe par deux aspects : le côté cinématographique, dans la qualité des prises de vue, et l'originalité des angles. Il y a 10 ans, on ne parlait pas de caméra embarquée, aujourd'hui tout le monde a une GoPro sur la tête. C'est plus facile aujourd'hui de tourner une image de qualité et d'en proposer un résultat crédible. Dans le futur, il faudra de l'interactivité, par exemple sur 8 épisodes pouvoir choisir la direction de l'histoire, en cliquant à droite ou à gauche. Je pense vraiment que l'avenir est de faire participer le consommateur.

-D'où tires-tu ton inspiration ?

-Je ne regarde pas les vidéos de ski, je ne suis pas féru. J'ai été frappé par Propaganda à 14 ans, qui restera pour moi la meilleure vidéo de ski. Point. Je m'inspire de l'art urbain, du street art, c'est là que j'essaie de trouver des idées, des choses à développer. On travaille avec Wozdat, un artiste qui réalise par exemple les peintures dans les couloirs de Mad In France ou la mise en scène avec Animus. 

-Le titre du prochain ? 

-On a une particularité : on n'écrit pas le film à l'avance. Si un acteur se blesse, ça peut être problématique. On fonctionne de la façon suivante : cinq cadreurs tournent au maximum avec 30 riders. Ensuite on se prend une semaine, l'année dernière c'était à l'Océan pour surfer, où chacun amène un scénario, on en discute, on l'écrit. Puis on tourne pendant l'été, un gros mois de tournage de la partie scénarisée et ensuite deux mois de post-prod.

L'équipe de PVS Production :

Les cadreurs : William Mermoud , Alex Blaize , Jean-Remy Ceron et Max Moulin.

Mon associé : Antoine Frioux, réalisateur et monteur.

Webmaster : Niels Saint Viteux.

Artiste urbain : Jean-Phi Blanc alias "Wozdat".

Artiste musique : Tom Allex alias "SOS".