Yann Giezendanner est une référence de la prévision météo, et un interlocuteur passionnant...
Yann Giezendanner est un prévisionniste et routeur d'expéditions particulièrement sollicité. Il livre ses prévisions autant à un évènement de freestyle (comme la L.A. Session) qu'à un Lafaille ou le GMHM en expédition de l'autre côté de la planète... oracles qui se révèlent souvent d'une importance capitale.
Immobilisé dans un fauteuil roulant, Yann déploie une agilité du regard inversement proportionnelle pour scruter les cieux du monde. Car la météo ne s'analyse pas localement, il faut remonter les racines des dépressions loin pour comprendre leurs mouvements.
On voudrait bien lui faire avouer les secrets de la météo, de la prévision à long terme, il s'en défend et analyse avec beaucoup de prudence et de réalisme le réchauffement climatique. Une chose est sûre, il ne nous dira pas s'il neige à Noël.
-Yann, peux-tu nous retracer tes états de service ?
-Je travaille depuis 33 ans dans la prévision : routage d'expéditions (Antarctique avec Sam Beaugey, les expés de Lionel Daudet et Isabelle Autissier ou de Patrick Wagnon... je suis le seul Français à avoir fait les 14 sommets de plus de 8000 m !), évènements, la course de l'UTMB, le Kandahar et à ce titre je participe à la prise de décision d'annuler ou pas un évènement. Je travaille aussi pour Météo France sur l'établissement du bulletin quotidien.
-Comment as-tu commencé ?
-Au début je me suis imprégné de ce milieu montagne, j'ai participé en tant que prévisionniste aux grands enchainements de Profit, Escoffier, Boivin. Ensuite, il y a eu deux révolutions : le téléphone satellite et internet. A ces moyens de communication, il faut ajouter les heures que je passe devant les écrans d'ordinateur. Il faut 15 ans pour faire un bon skieur, à peu près autant pour un prévisionniste ! Grâce aux téléphones satellite, j'ai pu communiquer avec les expés dans le monde entier et ma maladie, une sclérose en plaques, m'a donné du temps pour bosser. Pendant que les autres font le Glacier Rond, je suis devant l'écran, et ça paie !
Je suis devenu presque incontournable sur les prévisions, on peut m'appeler à 2 h du mat, je suis disponible. Avant-hier soir, il y a eu un secours difficile pour le PGHM, il m'ont appelé à 11 h du soir en me demandant s'ils devaient y aller en hélico ou à pied ? Je suis là pour faciliter les prises de décisions, les aventures sportives mais aussi mettre des barrières claires et net quand il le faut, d'autant je n'ai pas d'intérêts financiers.
-C'est une drôle de relation de confiance qui doit s'établir entre l'alpiniste et toi ?
-Il faut vraiment que l'alpiniste aie confiance en moi. J'ai envie qu'il réussisse. Avec le GMHM, lors de leur dernière expé, au tiers du sommet, j'ai dit "arrêtez, il y a 5 à 6 jours de mauvais temps qui arrivent, c'est injouable". Eux me disaient qu'il faisait beau et voulaient continuer, il ne comprenaient pas. J'ai dit : "profitez du beau pour redescendre". Je me détache de la situation, je prend ma décision à froid. Je suis chez moi à boire mon thé, je réfléchis tranquillement et cette sérénité me permet de prendre des décisions importantes. Au camp de base, je serai influencé par les discussions. Je redoute de faire une erreur, je le vivrai mal.
-Est-ce que parfois tu ne comprends pas ce qui se passe dans le ciel ?
-Pourquoi les limites pluie/neige fluctuent-elles parfois de façon aussi surprenante ? Pourquoi il pleut depuis deux heures alors qu'il devrait neiger ? Je ne comprends pas totalement le stratus, ce ciel gris et bas dans les plaines. Parfois on arrive très bien à prévoir le stratus et parfois, je ne comprends pas pourquoi, il se dissout d'un coup. Pourquoi les chutes de neige ont-elles été plus importantes ici que là ? En revanche, je suis parfois sûr de mon coup, avec une certitude proche de 100%.
-C'est vrai que tes prévisions peuvent avoir des conséquences financières pour les domaines skiables ?
-Je suis conscient de l'influence de mes prévisions sur l'économie, je ne vais pas aller dans un sens ou l'autre. Il y a toute une industrie énorme derrière. Cependant, je travaille étroitement avec les remontées mécaniques, tous les jours je suis en relation avec eux pour le damage du matin et du soir. Par exemple, au printemps dernier, j'ai prévu un coup de vent le dimanche. Ils ont fermé une heure plus tôt au lieu de se trouver devant le fait accompli et devoir évacuer.
-Constates-tu une évolutions des chutes de neige ces dernières années ?
-C'est clair : il y a moins de neige à basse altitude, plus à moyenne altitude (entre 1700 et 2500 m) et moins en haute montagne. Il y a donc moins de neige dans les vallées et les glaciers maigrissent. Quelqu'un qui n'est pas venu à la Mer de Glace depuis 20 ans est surpris ! C'est un bon repère visuel. Mais il ne faut pas oublier que ce n'est rien une vie d'homme à l'échelle du climat. Pendant la Renaissance, il a fait plus doux, la montagne s'est peuplée et les glaciers étaient encore plus hauts. Avec les hivers très froids du siècle dernier, les habitants sont revenus dans les fonds de vallée (Sallanches, St Jean de Maurienne). Il y a toujours eu des fluctuations.
-On en arrive à parler du climat et de son réchauffement...
-Il y a des évolutions naturelles du climat sur la terre qu'on commence peu à peu à expliquer. La climatologie est une science qui a un petit siècle. On connaitre très peu de choses, par rapport à la médecine ou à l'astronomie. On commence à voir que les rayons cosmiques et le soleil influenceraient le climat. El Nino, on n'en entendait pas parler il y a 30 ans. On découvre progressivement comment fonctionne notre atmosphère, l'interaction entre l'eau, la mer et l'air. Les grandes prévisions du GIEC sont farfelues, on sait que beaucoup de choses nous échappent. Il faut être conscient de notre ignorance.
-Il y a donc un réchauffement climatique ?
-Le réchauffement est une bonne excuse des dirigeants pour nous faire peur. Je suis plus inquiet sur la pollution de l'air et de l'eau. J'observe depuis 25 ans un réchauffement climatique sur les Alpes, je ne suis pas idiot. Pourtant c'est trop facile de dire que l'homme est responsable, je n'adhère par totalement. Le réchauffement a aussi permis aux civilisations de se développer. Je suis dans l'écologie réaliste : on ne peut pas revenir en arrière. Et puis on va avoir des problèmes beaucoup plus importants, comme celui de l'énergie. Il y a un milliard de gens qui n'ont pas accès à la flotte et à la nourriture, c'est quand même plus important que de trouver une bagnole qui consomme moins soit-disant pour faire baisser la température du globe. Le green-busines ne fera pas repartir l'économie. Comme toutes les civilisations, la nôtre est en train de mourir, j'espère juste que cela ne finira pas en guerre. Le grand business mondial attend la prochaine étape : vapeur, charbon, pétrole, cela se fera de manière propre. Il y a des brevets déposés depuis longtemps pour moins consommer, on les sortira quand on aura besoin.
-Comment se traduit l'évolution du climat ?
-Par exemple par de la pluie à 4000 m en été et par de plus grandes variations. Le fameux anticyclone sibérien, souviens-toi, "centré sur le lac Baïkal qui amène de l'air froid et sec restera stable une dizaine de jours". Eh bien on ne le voit plus ! L'épisode froid et sec n'a pas duré très longtemps en janvier dernier. L'activité industrielle du ski nécessite de la neige le jeudi et le vendredi et du beau le week-end. Le ski de rando était synonyme de ski de printemps. Aujourd'hui on fait du ski de rando à partir de novembre. Il y a un facteur psychologique important qui conditionne notre perception du temps. S'il fait mauvais quatre week-ends de suite en janvier, on dira que l'hiver est pourri, même si la semaine est belle !
12 Commentaires
Mais en dehors de ça, c'est effectivement un entretien passionnant.
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Trop de gens n'ont vu que le film d'Al Gore, An inconvenient truth concernant le réchauffement climatique. C'est bien, c'est branché mais il faut voir sa controverse pour saisir les différents point de vue.
Au niveau riposte "The great global warming swindle" est pas mal...
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Mais pour valider ce qui est dit dans l'interview concernant la peur.
A une époque, la grande peur c'était le trou dans la couche d'ozone!!! On en parle plus, mais il est toujours la je vous rassure...
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Un peu plus long n'aurait pas été de trop
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Perte totale de crédibilité du coup. C'est quoi "notre civilisation" ? A force de vouloir faire genre avec de grand mot dont on ne connait pas le sens, on fini par avoir l'air con.
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Est-ce qu'on demande à Terje ce qu'il pense de la différence entre un rocker de 35cm et un rocker de 30cm ?
Est-ce que l'on demande à Anny Cordi ce qu'elle pense du dernier raised fist ?
Est ce que l'on demande à Jean marc Thibeaut ce qu'il pense de la remonté de l'action Alcatel ?
...
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Bref, une news troll !
C'est l'invention du web 3.0 ?
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Il ne nie pas le réchauffement il explique juste que les politiques s'en serve comme d'autres sujets pour nivelé par le bas et oui si les gens n'avaient pas peur, si il étaient heureux nous serions enfin conscient que les politiques ne servent a pas grand chose...Hormis se pourrir les uns les autres en permanence ...Le débat est si bas... Alors cool... et si il neige on profite si il neige pas tant pis... C'est la vie.
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire